Le compte
à rebours a commencé : ce qui attend Élisabeth Borne
Pour
affronter la dette, l’inflation, et mener les réformes, Emmanuel Macron a
choisi cette polytechnicienne de choc, passée par le public et le privé.
Élisabeth
Borne a pensé jusqu'au bout qu'elle ne serait pas choisie. De retour du dernier
Conseil des ministres, elle l'a dit à ses collaborateurs. « Compte tenu
de la nouvelle méthode qu'il veut déployer, je sens qu'Emmanuel Macron va
choisir une élue locale, de terrain. » La veille, quand le
président vient coacher ses candidats aux élections législatives, une petite
main se faufile pourtant pour lui demander de s'avancer au premier rang. Parmi
les noms de la short
list, le sien circulait depuis trop longtemps, bien avant
l'élection présidentielle. Au point de donner l'impression de faire campagne
pour le poste de ses rêves, recevant à tour de bras tout ce que la capitale
compte de journalistes politiques. Rédhibitoire en macronie… Lors du dîner
d'adieu organisé par Jean Castex à Matignon, ses collègues viennent donc la
sonder. «
Je n'ai pas parlé avec le président. Je suis complètement dans le brouillard
sur la suite », répond-elle aux curieux. Comme pour détourner
l'attention de son propre cas, elle poursuit la conversation sur le scrutin de
juin. La veille de sa nomination, alors qu'elle bat justement la campagne à la
fête du bœuf de Maltot (Calvados), où elle convoite le siège de députée, elle
est loin d'imaginer que les tractations qui se jouent à Paris vont tourner en
sa faveur. «
C'est un choix par défaut, mais qui paraît le moins imprudent », glisse
un pilier de la majorité.
La voilà sur le tapis rouge, veste en tweed bleu pastel sur une robe sombre, les cheveux sages, tous rangés du même côté. Une main serrant une cigarette électronique. L'attitude, comme toujours, est stoïque. De l'émotion d'être propulsée vingt-cinquième Première ministre de la Ve République, seconde femme seulement depuis Édith Cresson il y a plus de trente ans, elle ne laisse rien transparaître. Dialogue social, défi écologique… La cheffe du gouvernement pose ses marqueurs. Seul le timbre métallique de sa voix trahit une certaine appréhension. Cette haute fonctionnaire de 61 ans, ministre depuis cinq ans et à trois postes différents (Transports, Transition écologique, Travail) peu connue des Français, correspond bien au moment. Emmanuel Macron avait prévenu : en ces temps troublés où les crises se superposent, l'heure n'est ni à la fête ni aux joyeux drilles. Élisabeth Borne est justement précédée en macronie d'une réputation d'exécutante aussi sérieuse qu'austère.
Retraites, le sujet maudit. Inflation galopante qui menace la croissance et ampute le pouvoir d'achat des ménages, changement climatique, suites de l'épidémie de Covid-19, fractures territoriales et sociales, crise démocratique, menace terroriste… Les défis sont lourds. Le président réélu a mis trois semaines pour nommer la première Première ministre de son « mandat nouveau », qui promet d'être encore plus rude que celui qui vient de s'achever. Gageons que la composition du gouvernement sera plus rapide, car le compte à rebours a commencé. « Le menu est très fourni, confirme-t-on à l'Élysée. Dans ce contexte, le fait d'être opérationnel est un atout. Son profil est solide, Élisabeth Borne correspond au quinquennat écolo et social qui s'ouvre. »
Avec des comptes publics dans le rouge, la Première ministre va
s'atteler en premier lieu au texte d'urgence sur le pouvoir d'achat et au
projet de loi de finances rectificative, censés prolonger des dispositifs déjà
en vigueur pour limiter les effets de l'inflation. Les retraités attendent la
réindexation de leur pension promise par Emmanuel Macron durant sa campagne,
les foyers les plus modestes l'accès au chèque alimentaire pour compenser la
hausse des prix. L'éducation et la santé ont été placées en tête des priorités,
l'écologie et l'Europe érigées en grandes ambitions. Conformément au discours
d'entre-deux-tours de Marseille, Élisabeth Borne sera d'ailleurs chargée de la
planification écologique, avec sous sa tutelle le futur ministre de la
Planification énergétique et celui de la Planification territoriale. La nouvelle
cheffe de l'exécutif devra créer les conditions pour faire de la France la
nation du travail et du plein-emploi.
Recherche du consensus. À ce propos, la réforme des retraites contenant la suppression des régimes spéciaux, le report de l'âge légal à 65 ans et l'augmentation du minimum vieillesse aura valeur de test. Peu disposée à l'idée de relancer ce chantier maudit dans la dernière ligne droite du précédent quinquennat, Élisabeth Borne devra faire preuve de détermination pour mener le combat, d'autant que le chef de l'État semble redouter que le sujet ne déclenche une nouvelle fronde dans le pays. « Il ne veut pas réagir face à un mouvement social comme la dernière fois. Il cherche à recréer du consensus, à ne pas précipiter les choses », confie l'un de ses stratèges.
La Première ministre est chargée de bâtir les conditions du
dialogue social face à des syndicats majoritairement hostiles. La tâche est
ardue, mais cette ingénieure de formation connaît les codes et s'est affirmée
comme une redoutable négociatrice. Une méthode qui a porté ses fruits et fini
de convaincre Alexis Kohler, le tout-puissant secrétaire général de l'Élysée,
qu'elle était taillée pour le poste. Loyale, elle est connue pour « avoir fait
passer les pires réformes du quinquennat ». À son actif : celle de
la SNCF, qui met fin au statut des cheminots, et celle de l'assurance-chômage,
durcissant les conditions d'accès aux allocations. « Elle a relancé et porté ce texte
sensible seule contre tous, c'était courageux, se remémore Sylvain
Maillard, député Marcheur qui l'apprécie. Elle a une conviction inébranlable, elle obtient des résultats.
Sur la question des pénuries d'emploi, c'est elle aussi qui a entendu les
signaux, car elle est toujours très à l'écoute. »
Un surnom, « Méchanta ». Les
discussions l'année passée autour du revenu d'engagement pour les jeunes
qu'elle a pilotées ont aussi donné lieu à de nombreuses passes d'armes avec
Bercy. «
Quand ça ne fonctionne pas, elle est capable de donner des coups de pied à tout
le monde », rapporte un ancien ministre. Sa fermeté en a dérouté
plus d'un en macronie. D'où son surnom - « Méchanta » - que lui ont accolé des
membres de son cabinet. « Avec elle, personne ne moufte », se lamente un
membre du gouvernement. « Elle a le sens de la hiérarchie. » Elle mange et
dort peu. Court le dimanche matin en écoutant des émissions politiques. Dans la
case loisirs, lecture, opéra et vacances au soleil. Rien d'extravagant. Une
raideur et une exigence qu'elle tient peut-être de Ségolène Royal, dont elle
fut la directrice de cabinet entre 2014 et 2015 au ministère de l'Écologie.
Pupille de la nation. Cette
bonne élève passe son baccalauréat au prestigieux lycée parisien Janson-de-Sailly.
Grâce au statut de pupille de la nation, elle poursuit des études et accède à
Polytechnique, puis Ponts et Chaussées. « Je me suis accrochée », témoigne-t-elle sobrement. « Un parcours
intéressant, le fruit de la méritocratie républicaine », loue-t-on
au Château. Elle commence une carrière dans les ministères, auprès de Jack Lang
puis de Lionel Jospin, notamment à Matignon. Cette technicienne connaît la
Mairie de Paris pour y avoir dirigé l'urbanisme sous Bertrand Delanoë. En 2013,
elle devient la première femme nommée préfète, à la région Poitou-Charentes et
dans la Vienne. Élisabeth Borne a aussi occupé des postes de direction de
grandes entreprises publiques - la SNCF puis la RATP - et privées.
Longtemps proche du PS avant de rejoindre Emmanuel Macron,
Élisabeth Borne est-elle de gauche ? « Faussement » ou « vaguement
», commentent certains. Elle tente malgré tout de faire entendre
une fibre sociale, sociale-démocrate, attentive au sort des plus fragiles, aux
jeunes qui décrochent. Parfois comparée à Michèle Alliot-Marie, elle cultive
aussi une sensibilité féministe. « Elle travaille la sororité, pousse des députées femmes »,
indique un élu. Membre de La République en marche, elle a adhéré à l'aile
gauche de la majorité, Territoires de progrès. Mais la ministre couteau suisse
n'est pas une idéologue. Cartésienne, cette besogneuse se réalise davantage
dans le pragmatisme, la recherche de solutions et l'efficacité que dans la
défense des causes perdues. Elle a peu d'avis tranchés mais beaucoup de sujets
de préoccupation, parmi lesquels le problème de l'orientation à l'école, la
montée du Rassemblement national, elle est encore traumatisée vingt ans plus
tard par l'élimination de Lionel Jospin à l'élection présidentielle. Et si vous
voulez la mettre en rogne, il suffit de reprocher au président de n'avoir rien
fait pour l'environnement… « Ça m'agace profondément ! »
À Kohler le contrôle ? Endossant
son costume de cheffe de la majorité, Élisabeth Borne va devoir forcer sa
nature pour mener la campagne des législatives de son camp. Jamais élue, la
Parisienne convoite la sixième circonscription du Calvados, laissée vacante par
le député de la majorité sortant Alain Tourret. Un département où elle a ses
racines, son grand-père maternel était maire de Livarot dans les années 1950. « Les
Français vont pouvoir la découvrir dans son humanité », espère un
proche d'Emmanuel Macron, tandis qu'un pilier de la macronie redoute, au
contraire, qu'elle ne fasse « fuir les électeurs, car elle est froide comme un glaçon et
manque d'empathie ». Cette mère divorcée - elle a un fils - préfère
travailler les dossiers que haranguer les foules.
Elle devra toutefois s'imposer dans un Hémicycle renouvelé où les
Insoumis et les représentants du RN devraient être beaucoup plus nombreux pour
ferrailler contre le gouvernement. « Le niveau est un cran au-dessous de Castex, peste un
ministre en vue. Il
avait des réflexes politiques et une aisance qu'elle n'a pas. Elle lit encore
ses fiches lors des questions au gouvernement. » À peine
nommée, déjà raillée… Les mauvais esprits jugent que sa promotion permet de
rendre Emmanuel Macron sympathique par contraste et qu'elle garantit à Alexis
Kohler un total contrôle de l'État. Discrète, Élisabeth Borne devra s'imposer
rapidement pour tenter de démontrer que ce choix ne signifie pas négation de la
dimension politique du rôle de Premier ministre. Qu'elle n'est ni une
collaboratrice ni un faire-valoir§
SNCF,
RATP : genèse d’une négociatrice
Après le choc de la défaite brutale de Lionel Jospin en 2002,
Élisabeth Borne, 41 ans, conseillère technique aux transports du Premier
ministre, doit bien s’inventer un avenir professionnel. C’est Louis Gallois,
patron de gauche, PDG de la SNCF, qui tend la main à la polytechnicienne et la
bombarde directrice de la stratégie. Ce sont ses premiers pas dans le monde de
l’entreprise… publique. Elle impressionne par sa capacité de travail et son
sérieux, mais crispe en interne par son côté raide et intransigeant. « On
ne rigole pas beaucoup avec elle. Elle est dans l’extrême maîtrise d’elle-même,
elle a un mode de commandement carré. Avec elle, on peut dire que ça ne flotte
pas trop », se souvient un dirigeant. Elle peut même être cassante avec
ses collaborateurs, et son pedigree de « techno » chimiquement pur,
loin du terrain et de la vie des cheminots, en effraie plus d’un. « Elle
avait un grand tableau avec cinquante-deux programmes prioritaires !
Cinquante-deux, vous vous rendez compte ! » se souvient un ancien
dirigeant.
Elle croise Guillaume Pepy, alors numéro 2 de la société
ferroviaire, et ces deux-là ne deviennent pas les meilleurs amis du monde. En
revanche, Anne-Marie Idrac, ancienne ministre chargée des Transports,
ex-présidente de la SNCF et de la RATP, vieille copine de Borne, est fan :
« Élisabeth est rigoureuse, elle se met au service des causes qui lui
semblent justes. Elle vient de la gauche, avec des visions équilibrées et
ouvertes. Comme directrice de la stratégie de la SNCF, elle a travaillé sur les
moyens de redresser le système ferroviaire, mais cela a été un serpent de
mer… »
Loyauté sans faille. Après
cinq années passées au siège de la SNCF à Montparnasse, elle rejoint le secteur
privé, file chez Eiffage, en tant que directrice des concessions. La greffe
avec le truculent Jean-François Roverato, grande figure du BTP, ne prend pas.
Elle ne reste que quelques mois, c’est la fin de son aventure dans le privé.
Après un passage à la mairie de Paris dirigée par Bernard Delanoë, elle
retrouve le monde de l’entreprise en devenant présidente de la RATP en 2015.
Elle laisse un bon souvenir à Laurence De Wilde-Ghikh, administratrice
salariée Unsa-RATP : « Au premier abord, elle paraît plutôt froide,
mais, au final, elle s’est plutôt révélée à l’écoute des organisations
syndicales et ouverte au dialogue. Il y a eu de nombreux moments de tension
sous son mandat et elle a cherché des solutions. »
Elle lance le mouvement de modernisation de la RATP, qui doit se
préparer notamment à l’ouverture à la concurrence des bus de la capitale et de
la Petite Couronne. À ce poste, très exposé, celle qui apprécie peu les
interventions médiatiques s’endurcit en enchaînant les matinales radio pendant
les grèves en 2016. Elle gère aussi le sujet complexe de la radicalisation
religieuse d’agents de la RATP, mettant en place une délégation générale
à l’éthique. À chaque étape de sa carrière, elle a toujours fait preuve
d’une loyauté sans faille envers sa hiérarchie. « De ce côté-là, Macron
n’a pas de souci à se faire. C’est quelqu’un qui travaille, qui fait avancer
les dossiers et qui ne cherche pas à se faire valoir », conclut un ancien
collaborateur§ Marie Bordet
et François Miguet
Si l’Élysée avait voulu faire du diplôme de sa nouvelle Première
ministre un symbole, la nomination d’une polytechnicienne à la tête du
gouvernement a le goût de la revanche pour cette grande école militaire
d’ingénieurs, qui compte d’innombrables chefs d’entreprise et de hauts
fonctionnaires à des postes clés. Et ce, surtout aux ministères de la
Transition écologique, de l’Équipement, du Logement, de la Défense bien sûr, et
surtout à Bercy, où les querelles entre X et énarques ont toujours été épiques
et parfois violentes.
Frustration. Jusqu’à
la nomination d’Élisabeth Borne, l’X comptait peu d’acteurs politiques de
premier plan parmi ses anciens élèves (les derniers furent Nathalie
Kosciusko-Morizet ou Bruno Mégret au Front national), ce qui n’était pas sans
susciter une certaine frustration chez ses anciens : lors du 225e anniversaire
de l’école, en 2019, un site Internet avait été créé pour vanter les talents de
ses anciens. S’il recensait plusieurs Prix Nobel, des économistes et des
scientifiques de très haut niveau, la rubrique « politiques
célèbres » n’avait pu mettre en avant qu’Albert Lebrun, Sadi Carnot, ainsi
que VGE… Pour le prochain anniversaire, la star s’appellera incontestablement
Élisabeth Borne§ Louise
Cuneo
Qui amène
une Femme connue cette ex-ministre de d'E.MACRON donc rien de très nouveau mais
avec ce président qui tergiverse sans cesse on n'est pas étonné de la lenteur
de ces nominations pour son nouveau gouvernement car en plus le président ne
peut être réélu en 2027 par la constitution car deux seuls mandats autorisés !
Les
Français qui votent si mal en râlant comme d'habitude ce que l'on oublie trop
facilement n'ont pas d'imagination, les résultats du 1er et 2eme tour l'ont
prouvé car où a retrouvé et revu les mêmes politiciens usés médiocres et leurs
partis ringards politiques inutiles de tous bords car remplacés par le parti
fantôme du président cette REM de godillots serviles qui change de nom en
RENAISSANCE mais avec une bonne partie des électeurs qui se sont réduits à le
réélire par peur du lendemain !?
Le pire
étant que la France régresse irrémédiablement, car mal gouverné, c'est très
préoccupant !
Jdeclef 20/05/2022
13h54
Là c'est l'escalade dans le censure moyenâgeuse orientée par les modérateurs du point bornés et leur rédaction stupide qui ne respecte même pas la liberté d'expression qui ne peut être arrêtée car ce message qui n'exprime que des vérités bonnes à dire mais pas supporté par LE POINT dont la qualité d'information impartiale se dégrade !
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