EXCLUSIF.
Avec les derniers soldats français au Mali
« Le Point
» a assisté au départ des militaires français de la base de Gao. Néanmoins, si
la France part, c’est aussi pour mieux rester au Sahel.
UN BEAU GACHIS DE NOS DIRIGEANTS DEPUIS 9 ANS !
Sur la
place d'armes du camp de Gao, les plaques à la mémoire des 59 militaires morts
pour la France depuis 2013 au
Sahel ont été descellées et embarquées. Les allées de terre ocre creusées de
nids-de-poule sont désertes. Le silence règne depuis que les générateurs
électriques ont été débranchés, coupant la climatisation pour les derniers
militaires français encore présents. On croise quelques chats faméliques ainsi
que des lézards de bonne taille, des agames à tête orange et corps bleu, qui
profitent du soleil brûlant entre les averses. Trois grandes dalles de béton
rappellent qu'une chapelle, une mosquée et un temple avaient été installés là
par l'aumônerie militaire. L'immense dépôt de munitions, toujours puissamment
fortifié mais vide de tout contenu, fait penser à un décor de cinéma. Quelques
heures avant le grand départ des militaires français du Mali, l'état-major
français a autorisé Le Point à venir observer le désengagement. Nous
avons pu constater que l'essentiel des installations du camp avait été démonté
et évacué consciencieusement par l'armée.
Il ne restait plus alors que quelque 300 militaires du
groupement tactique Monclar. Issus de troupes de marine parachutistes et de la
Légion étrangère, ils étaient chargés de sécuriser jusqu'à la dernière minute
l'immense camp et ses environs. Le groupe de djihadistes à moto qui a agressé
un détachement de légionnaires sur l'axe routier reliant Gao au Niger, le samedi 13 août à la
hauteur d'Ansongo, l'a appris à ses dépens.
Vide sécuritaire. Dans l'échange de
tirs qui suit, deux islamistes sont tués ; les légionnaires n'ont aucune perte
à déplorer. Jusqu'à l'ultime moment, l'armée française a poursuivi avec la même
détermination la lutte contre les groupes terroristes armés, conformément au
mandat confié par le président François Hollande lors
du lancement, en janvier 2013, de l'opération Serval, qui deviendra Barkhane
avec son extension aux pays voisins en 2014. Le retrait du dernier détachement
encore présent au Mali, lundi 15 août, marque une étape capitale dans la plus
longue guerre que la France a menée depuis longtemps : déjà neuf ans et demi, presque
deux de plus que la guerre d'Algérie.
À un an d'écart jour
pour jour, le contraste n'aurait pas pu être plus fort entre le sauve-qui-peut américain en Afghanistan et le
désengagement des forces de Barkhane « en bon ordre et en sécurité »,
selon la formule répétée à l'envi par les communicants de l'armée. D'un côté,
des civils désespérés qui tentent de s'accrocher au train d'atterrissage des
avions américains qui décollent de Kaboul ; de l'autre, des soldats français
qui plient leurs effets dans le calme avant d'embarquer dans le dernier convoi
d'évacuation et qui ne laissent rien sur place qui soit susceptible d'armer un
jour des mains hostiles. L'échéance fixée le 17 février par le président
Emmanuel Macron - une évacuation en six mois - a été respectée, avec deux jours
d'avance sur le calendrier. Mais, au Mali comme en Afghanistan, le résultat
n'est pas très différent : ce sont les militaires occidentaux qui s'en vont et
les islamistes qui restent. En Afghanistan, les talibans ont consolidé leur
pouvoir depuis que Kaboul est tombé entre leurs mains. Au Mali, il est évident
aux yeux de tous les acteurs que le départ de l'armée française crée un vide
sécuritaire hautement dangereux. Nombreux sont ceux qui redoutent que les
djihadistes, enhardis, en profitent pour redoubler leurs coups. Le 22 juillet, une attaque audacieuse revendiquée par un groupe
proche d'Al-Qaïda a visé la base de Kati , la plus importante des forces
maliennes, aux portes de Bamako. L'attentat a sonné comme un avertissement,
même s'il n'a causé qu'un décès : les islamistes n'hésitent plus à viser le
cœur du pouvoir. Puis, le 7 août, au moins 42 militaires maliens ont été
massacrés dans une attaque perpétrée par l'État islamique dans le grand Sahara
(EIGS) à Tessit, dans la région frontalière proche du Burkina et du Niger.
« La page est tournée. »« Il est clair que les Maliens vont souffrir », déplore un officier français avec une pointe d'amertume. L'évacuation de Gao, verrou stratégique entre les parties sud et nord du Mali, au bord du fleuve Niger, était le point final du repli du dispositif français. Depuis octobre 2021, Paris a fermé successivement les postes avancés de Kidal, Tessalit, Tombouctou, Gossi et Ménaka. À Gao, la boulangerie de campagne qui fournissait du pain frais chaque matin a plié bagage le 14 juillet déjà. Les cuisiniers et leurs équipements ont été rapatriés. Depuis un mois, les militaires n'avaient plus que les rations individuelles de combat pour s'alimenter. Le 12 août au soir, le dernier convoi logistique a emporté sous le couvert de la nuit les derniers groupes électrogènes, l'antenne chirurgicale et plusieurs tonnes de matériel. Les quelque 150 véhicules, comprenant des camions civils affrétés auprès du groupe Bolloré, des engins militaires et une solide escorte armée, s'étiraient sur une vingtaine de kilomètres sur la route nationale 17. Direction : la base aérienne française de Niamey, au Niger, à 390 kilomètres au sud.
« Mission accomplie ! » se félicite, cinquante heures plus tard, le capitaine Fabien, chef du convoi, lorsqu'il descend de son vieux véhicule de l'avant blindé (VAB) à l'arrivée à Niamey. Sur la route, de nombreux arrêts ont été nécessaires pour réparer des pannes de camions civils, procéder aux formalités de passage de la frontière, attendre encore une fois que la nuit tombe avant d'entrer dans la capitale nigérienne, afin de déranger le moins possible la vie des habitants. La satisfaction se lit sur le visage du capitaine, qui avait déjà participé à l'installation du premier contingent à Gao lorsque les djihadistes furent chassés de l'aéroport par les troupes de Serval le 25 janvier 2013. « Tous les camions sont arrivés à bon port, les personnels sont fatigués mais contents d'avoir bien travaillé, confie-t-il. La page est tournée. » Au total plus de 5 000 conteneurs et des milliers de véhicules ont été évacués ces six derniers mois de ce qui fut la plus grande base de l'armée de terre française. Elle abritait dans ses 7 kilomètres de pourtour plus de 3 000 militaires au moment du pic de l'activité, en 2019-2020. Évacuer un tel camp équivaut à déménager une petite ville. L'essentiel est stocké provisoirement à Niamey en attendant un départ dans les semaines qui viennent par les ports de Cotonou (Bénin) ou d'Abidjan (Côte d'Ivoire), en direction de la France ou vers d'autres théâtres d'opérations.
Le défi logistique, considérable, a été surmonté sans
douleur. « Depuis que je suis arrivé il y a quatre mois et demi, je n'ai
pas eu d'incident. Nous pouvons être fiers de la façon dont ça s'est réalisé. »
L'œil perçant derrière le sourcil broussailleux, le colonel Yves Gastine,
dernier commandant du camp de Gao, a mené l'état des lieux final avec l'armée
malienne le 10 août. « Nous avons réussi à désengager la force, à évacuer
une grande partie du matériel, à en distribuer une autre partie
(réfrigérateurs, lits, meubles…) aux associations locales et à laisser un camp
utile aux forces armées maliennes », commente-t-il. De fait, l'armée
n'a pas fait table rase à Gao.
Deux armées en froid. Les installations dont les militaires maliens ont hérité comportent encore toutes les fortifications, de multiples abris bétonnés pour se protéger des roquettes et des mortiers, des sanitaires et des puits en état de fonctionnement, des citernes, un circuit électrique intact, quelques dizaines de bungalows… L'armée malienne est en mesure de s'y installer sans délai. « On ne part pas comme des voleurs, souligne un officier. On rend tout propre et en état de marche. » Fait inhabituel, cependant, aucune cérémonie n'a marqué le transfert. C'est une fois que les derniers militaires de Barkhane ont évacué le camp, après minuit, qu'ils ont fait savoir à leurs homologues maliens, dont la base jouxte la leur le long de la piste de l'aéroport, que les lieux étaient vides. Les deux armées sont en froid, ce que déplorent des officiers français qui rappellent que, pendant des années, elles ont combattu côte à côte les groupes djihadistes. « C'est triste d'en arriver là et de se dire qu'avec eux les contacts avaient toujours été cordiaux, confie un officier supérieur. Nous avons pourtant un ennemi commun, les groupes terroristes armés. »
Si la France a pris la décision politique de partir, c'est
parce qu'elle n'avait plus vraiment le choix. La junte militaire dirigée par le
colonel Assimi Goïta, qui a pris le pouvoir à la faveur de deux coups d'État
successifs en 2020 puis 2021, a trouvé dans l'armée française un bouc émissaire
commode pour porter tous les malheurs du Mali. L'homme fort du pays ne cesse
d'exciter l'hostilité de la population. Parce que les forces françaises n'ont
pas voulu s'immiscer dans les conflits internes au Mali, elles ont été accusées
par Bamako de faire le jeu des séparatistes touaregs du nord du pays. Surtout,
la junte a fait le choix de se rapprocher de Moscou et de passer un pacte l'an
dernier avec la société paramilitaire russe Wagner, ce qui était inacceptable
pour Paris. Ces mercenaires déjà déployés par Moscou en Syrie, en Libye ou en
Centrafrique - et plus récemment en Ukraine - sont non seulement sans foi ni
loi, mais obéissent en outre à une logique mercantile dans laquelle l'armée ne
peut pas se reconnaître.
Chronologie des opérations au Mali
2012 Les djihadistes
s’emparent du nord du Mali et menacent de poursuivre leur offensive vers le
sud. Bamako demande l’aide de la France.
11 janvier 2013 Déclenchement
de l’opération Serval. En moins de trois semaines, l’armée française reprend
Gao et Tombouctou.
2 février 2013 Visite
triomphale de François Hollande au Mali.
2014 Serval est
remplacée par l’opération Barkhane, dont la mission est de lutter contre le
terrorisme dans tout le Sahel et qui comptera jusqu’à
5 500 hommes.
2015-2021 Recrudescence
des attentats dans le pays et montée en puissance des djihadistes liés à
Al-Qaïda et à l’État islamique.
2020-2021 Arrivée au
pouvoir d’une junte hostile à la France. Les premiers miliciens russes liés à
Wagner arrivent.
17 février 2022 Emmanuel
Macron annonce que l’armée française va se retirer du Mali.
15 août 2022 Le
dernier soldat français quitte le territoire. La France ne compte plus que
2 500 militaires au Sahel.
Arrivées fin 2021, les milices Wagner sont accusées d'avoir
été impliquées, avec des éléments de l'armée malienne, dans un massacre de 33
civils près de la frontière mauritanienne, début mars 2022. Et dans une autre
tuerie d'au moins 200 personnes fin mars à Moura (centre), localité connue pour
être un bastion du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), la
filiale locale d'Al-Qaïda. La liste déjà très fournie des massacres de la
guerre du Mali ne cesse de s'allonger.
Mise en scène. Pour nuire aux intérêts
français, Wagner s'est même livré à une sordide mise en scène en avril en
diffusant une vidéo censée montrer un « charnier » qui aurait été laissé
derrière elle par la force Barkhane après son départ du poste avancé de Gossi.
Les mercenaires ignoraient qu'un discret drone Reaper de l'armée française les
avait filmés en train d'enterrer les corps dans le sable, ce qui a permis à
l'état-major de dénoncer la manipulation visant à discréditer l'action
française. L'incident montre bien l'importance de la « guerre informationnelle
» menée par les intérêts russes pour influencer l'opinion publique malienne.
Instruite par l'exemple, l'armée a pris ses précautions en évacuant Gao : des
militaires ont filmé et photographié sous tous les angles les lieux tels que
laissés à l'armée malienne, pour éviter d'être soupçonnés un jour d'avoir
transmis des installations dégradées ou sabotées. « La guerre de
l'information, on ne la mesurait pas il y a encore deux ans, observe
un officier de Barkhane. Aujourd'hui, elle est devenue un élément central.
»
Entre Maliens et Français, la confiance n'existe plus. C'est
pourtant les autorités maliennes de l'époque qui avaient appelé à leur secours
les forces françaises en 2013, devant l'avancée des djihadistes. L'accord
conclu avec Bamako, jusqu'à ce qu'il soit dénoncé en mai 2022 par la partie
malienne, octroyait à la France une totale liberté de circulation et d'action
dans le pays, dans le cadre de la lutte antiterroriste. Depuis lors, l'armée
française a pu mettre à son actif d'importants succès tactiques. Plus de 2 000
djihadistes ont été mis hors de combat, souvent à l'aide de drones, de
chasseurs-bombardiers Mirage 2000 ou d'hélicoptères. Les plus notables furent
le chef de l'EIGS, Adnane Abou Walid al-Sahraoui, tué le 17 août 2021, et le
chef local d'Al-Qaïda, Abdelmalek Droukdel, tué le 3 juin 2020. Mais cette
liberté d'action avait son revers : Barkhane a été perçue comme une force ne
respectant pas la souveraineté des États. Les conflits asymétriques ne sont
généralement pas favorables aux armées conventionnelles et la guerre du Mali n'a
pas fait exception. Le plus grand succès de l'armée française a été enregistré
dès son entrée sur le théâtre, en 2013, lorsqu'elle a repoussé les djihadistes
qui menaçaient de déferler vers le sud et empêché Bamako de tomber entre leurs
mains. Mais l'accompagnement politique n'a pas été à la hauteur. L'accord
d'Alger signé en 2015 et censé engager une réconciliation entre le sud et le
nord du pays n'a pas tenu ses promesses ; l'État malien est resté un État
fragile à la gouvernance dysfonctionnelle ; l'Algérie n'a pas manifesté
d'intérêt à contribuer à un succès qui serait attribué à l'armée française ; la
guerre en Libye a facilité toute une série de trafics dont les groupes
terroristes ont profité.
Les mois qui viennent diront si ce que la France a construit
au Sahel l'a été sur du sable. Paris a cherché ces dernières années à prendre
la tête d'une coalition européenne et internationale au Sahel, un peu comme les
États-Unis l'avaient fait avec l'Otan en Afghanistan. Mais, de même que tous
les alliés qui ne l'avaient pas encore fait ont quitté Kaboul en même temps que
les Américains, de même les États européens qui s'étaient engagés aux côtés de
Paris au Sahel sont aujourd'hui en train de se replier. La force Takuba, qui
agrégeait des forces spéciales de pays de l'Union européenne et du Royaume-Uni,
a cessé ses activités au début de l'été. La mission européenne de formation,
qui a entraîné plus de 15 000 soldats maliens, a suspendu son action, elle
aussi pour dénoncer le pacte conclu par Bamako avec Wagner. Le G5 Sahel, une
force conjointe africaine dont Paris avait encouragé la création entre le Mali,
le Niger, le Tchad, la Mauritanie et le Burkina, a éclaté depuis que Bamako en
a claqué la porte au mois de mai. Et la force de Casques bleus de l'ONU au
Mali, la Minusma, a un avenir très incertain devant elle. Tout le dispositif
sécuritaire qui s'était peu à peu construit autour de Barkhane est compromis.
Corollaire, la prétention de la France au leadership sur la défense européenne
essuie un revers.
Partenariats au cas par
cas. Néanmoins, si la France part du Mali, c'est aussi pour mieux
rester au Sahel. L'armée française est encore présente au Tchad, au Niger, au
Burkina notamment. Mais la présence se fera désormais à bas bruit, de façon
plus humble. Certaines leçons du Mali ont été tirées. L'idée d'un grand plan
sahélien est remisée. On parle désormais de partenariats bilatéraux, au cas par
cas, avec les pays de la région. Et plus question de se comporter en
conquérants. Comme l'explique un haut gradé français sur la base aérienne
projetée de Niamey, au Niger, où se trouvent notamment des Mirage 2000 et des
drones Reaper, « au Mali, on faisait un peu ce qu'on voulait. On ne veut
pas reproduire ce schéma. Ici à Niamey, on ne fait rien sans que nos camarades
nigériens nous l'aient demandé ». Un changement d'état d'esprit qui
conduira, peut-être, à ce que les 59 militaires français qui ont perdu la vie
au Sahel dans la lutte antidjihadiste ne soient pas morts pour rien. C'est tout
l'enjeu de la réarticulation en cours du dispositif français au sud du Sahara.
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Une preuve s'il le fallait que nous soyons vraiment mal gouvernés par tous nos dirigeants depuis 40 ans !
Et là, après ce fiasco de plus, plutôt que de réellement tourner la page
africaine on s'accroche !
Et on subit aussi une immigration de ces africains importante qui donc nous
déteste semble-t-il !?
Il n'y a qu'à voir dans le bus le matin dans ma ville et région d'IDF et ligne
qui dessert la gare du RER le matin à l'heure d'aller au travail à PARIS en 20
min totalement plein avec aussi des mères de famille africaines et leurs
poussettes et leurs enfants qu'elles déposent à la crèche ou chez des
nourrices, moi qui suis âgé avec une canne et une carte de priorité « pour
station debout pénible » et surtout pour ne pas tomber par ces bus
chaotiques de ma ville à rues étroites tortueuses !
Là on voit ce que donne le volume d'immigration de cette Afrique diverse, pas
que le MALI qui lui en plus l’insulte !
Je n'ai rien contre ces gens mais faut-il encore que leurs pays n'insultent pas
l'aide que la France leur apporte !
JDECLEF
18/08/2022 16H26

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