« La
religion est un enjeu majeur des tensions en Méditerranée »
ENTRETIEN.
L’historien David Abulafia a écrit un ouvrage de référence sur la
Méditerranée. Du cosmopolitisme des origines jusqu’aux fractures
actuelles, récit et analyse.
CAR LE
POURTOUR DE LA MEDITERRANEE ET CES PAYS SONT LE CREUSET DES CIVILISATIONS LES
PLUS IMPORTANTES DE L’HISTOIRE DES PRINCIPALES RELIGIONS JUDEO CHRETIENNES ET
ISLAMIQUES !
Depuis Fernand Braudel, la Méditerranée
n'en finit pas de fasciner les historiens. Il est facile de comprendre
pourquoi. Véritable creuset de civilisations, c'est sur le pourtour
méditerranéen que sont apparus les éléments fondateurs de notre culture
occidentale : démocratie grecque, civilisation romaine, christianisme ont
vu le jour sur ces rivages. La variété des sociétés méditerranéennes a favorisé
une émulation extraordinaire que raconte avec talent l'historien David
Abulafia, professeur émérite à Cambridge. Son ouvrage sur la mer Méditerranée,
une référence, est enfin traduit en français sous le titre La Grande Mer,
aux éditions des Belles Lettres (parution le 19 août).
Le Point : Qu'est-ce qui vous a poussé à choisir un sujet aussi
étudié ?
David Abulafia : Comme dans Le Bourgeois
Gentilhomme, lorsque monsieur Jourdain comprend qu'il s'est exprimé en
prose toute sa vie, je me suis aperçu que j'ai passé ma carrière à écrire au
sujet de la Méditerranée. Mon doctorat portait sur les marchands génois et
vénitiens dans la Sicile médiévale, ce qui m'a amené à réfléchir aux échanges
maritimes et à leurs implications. Mais dépeindre chronologiquement une vue
d'ensemble de ce qui est arrivé en Méditerranée sur le long terme était quelque
chose que je n'ai pas eu le courage de faire pendant longtemps. Néanmoins, à
force de lire des ouvrages sur cette zone géographique à diverses époques, j'ai
eu le sentiment que je pourrais écrire quelque chose d'original sur la
Méditerranée, en adoptant une perspective généraliste. Il est intéressant de
voir la façon dont, dans cet espace, les villes portuaires ont très longtemps
été des creusets multiculturels. Carthage fut le foyer de nombreux marchands
grecs, la langue grecque étant largement pratiquée dans la Cité-État. C'est
aussi le cas de la période médiévale avec Venise ou Gênes, ainsi qu'à l'époque
moderne, avec Alexandrie, Trieste ou Livourne. Les routes commerciales ont
permis le développement de ce type de communautés très différentes, sur un
temps très long.
Le cosmopolitisme est un fil rouge de votre ouvrage. Pourquoi ?
C'est un concept très utile, bien que controversé, pour comprendre la nature
de nombreuses villes du bassin méditerranéen. À Alexandrie, l'économie était
dominée par les marchands italiens, grecs, juifs, turcs, maltais… Le monde
entier semblait y être ! Ils n'estimaient même pas faire partie de l'Égypte.
J'avoue éprouver de la nostalgie en pensant à ces lieux, car il s'agit d'un
monde aujourd'hui disparu. La Méditerranée n'est plus comme cela, les endroits
conservant un patrimoine multiculturel et multiethnique s'étant réduits à leur
portion congrue.
Au Ve siècle, cosmopolitisme, mode d'emploi
Que s'est-il passé ?
Le processus de séparation des communautés vient de s'achever avec la guerre
en Syrie, qui a eu raison des communautés chrétiennes du pays. Mais si l'on
revient à Alexandrie, c'est la montée en puissance du nationalisme, la création
d'une série d'États caractérisés par une identité nationale sur le pourtour
méditerranéen qui aura pris le dessus sur le multiculturalisme de la ville à la
fin des années 1950. Le fait que des étrangers, qui se définissaient comme
tels, soient présents à Alexandrie était perçu par beaucoup en Égypte comme un
intolérable legs colonial. Des événements géopolitiques tels la crise du canal
de Suez ou la création d'Israël ont également joué un rôle.
Ici aussi, la décolonisation a favorisé la création d'un État assez marqué
ethniquement et religieusement parlant. Du Maroc à la Syrie et à la Turquie,
l'importance d'une identité nationale restreinte a conduit à la destruction de
nombreuses sociétés multiculturelles. Dans le cas de la Turquie, des Grecs
d'Asie Mineure, des Arméniens d'Anatolie ont dû quitter des terres que leurs
ancêtres avaient habitées durant des siècles. Idem pour les Turcs chassés de
Grèce.
Dominique Schnapper : « L'ethnicisation a
progressé dans la société française »
S'agit-il d'un aspect positif de l'impérialisme méditerranéen ?
Loin de moi l'idée de défendre les puissances impériales, mais leur
existence donnait un certain nombre de garanties aux minorités qui les
peuplaient. Trieste, en Italie, en est un bon exemple. L'empire austro-hongrois
avait besoin d'une porte sur la Méditerranée, et l'importance économique de
Trieste permit un épanouissement culturel extraordinaire. Trieste n'est plus
aujourd'hui le centre culturel qu'il fut autrefois. Ce phénomène de
« décosmopolitisation » fut parfois violent, comme à Smyrne ou à
Salonique, et souvent plus progressif, marqué par une émigration plus ou moins
volontaire.
La Méditerranée continue-t-elle d'avoir une importance
aujourd'hui ?
L'Union européenne a conduit de nombreux pays méditerranéens, comme
l'Espagne, l'Italie et la France, à regarder vers le nord. Le pouvoir
économique siège à Francfort, le pouvoir politique à Bruxelles. Cela a mené à
un désintérêt de ces puissances vis-à-vis de leurs voisins du sud. Si l'on
ajoute les hésitations des anciennes colonies de s'associer avec leurs maîtres
d'autrefois, la Méditerranée se retrouve divisée, effondrée sur elle-même.
Réparer cette fracture est un travail titanesque, les entreprises de rapprochement
se caractérisent plus par le bavardage que par des actions concrètes. La
question de l'entrée du Maroc dans l'UE en a été une bonne illustration. Le
Maroc a eu l'ambition contrariée de rejoindre l'Union, tandis que l'Albanie,
pourtant sur le continent européen, a encore beaucoup à faire. Les contrastes
entre pays sont renforcés par l'UE, en particulier entre l'Europe de l'Ouest et
le reste.
Mais l'Union européenne n'est pas la seule responsable de cette
division. Quid de l'immigration ?
La question migratoire pourrait se rattacher à celle du cosmopolitisme. À
travers l'immigration, on assiste à une régénération des villes agissant comme
des concentrés de culture méditerranéenne. On peut penser à Marseille. En
Italie, jusqu'à récemment, les étrangers étaient des touristes, mais la
situation change. Ce multiculturalisme devient un élément constitutif de
l'identité de certaines villes. Barcelone en est un bon exemple, alors que le
nationalisme catalan est très inclusif. Il ne faut pas pour autant dresser un constat
idyllique. Marseille a d'importants problèmes de sécurité. Régler ces problèmes
va être crucial et on doit y parvenir en promouvant une approche
multiculturelle. Plus facile à dire qu'à faire, vu la composition politique du
sud de la France.
Quel est le rôle de la
religion dans la division de la Méditerranée ?
La religion est un enjeu majeur des tensions en Méditerranée, un phénomène
assez récent. Il faut se souvenir que les leaders postcoloniaux furent laïques,
en Syrie, en Égypte, en Tunisie… En Turquie, il aurait été impensable que
l'héritage d'Atatürk, tellement sécularisé, puisse être remis en cause aussi
radicalement. La religion prend de l'importance dans la définition de
l'identité nationale, non seulement dans de nombreux pays arabes mais également
en Israël.
Existe-t-il une culture méditerranéenne ? Culinaire par
exemple ?
Malgré une histoire et un espace géographique partagés, la diversité
culturelle en Méditerranée est considérable et il s'agit là d'une des caractéristiques
fondamentales de cette région du monde. Si certains aliments transcendent les
frontières, il est difficile de dire qu'il est question d'une culture commune à
la Méditerranée. La nourriture méditerranéenne est tellement internationalisée
qu'elle en a largement dépassé les limites. Il existe aussi d'importantes
variations entre la nourriture de l'est et celle de l'ouest de la Méditerranée.
En revanche, les interactions entre différentes cultures culinaires sont
nombreuses. Le tourisme est une illustration de la diversité méditerranéenne.
Les gens veulent être dépaysés en passant d'un pays à l'autre, ce qui serait
impossible si la culture était uniformisée.
Comment la vodka a conquis le monde
Quel pays peut-il être
qualifié de méditerranéen ? La France ne semble pas vraiment en être un…
Les Britanniques pensent à la France comme à un pays méditerranéen, au moins
à partir du sud de la Loire. Les Portugais sont-ils méditerranéens ?
Culinairement, linguistiquement, ils sont plutôt proches de leurs voisins
espagnols mais n'ont pas d'accès à la Méditerranée ! Sur un plan purement
géographique, on pourrait donc en douter. La question n'est pas tranchée. Autre
exemple : une fois que l'on atteint les Alpes, la culture italienne
évolue. Le nord-est est très influencé par l'Autriche. Il s'agit d'un lieu de
confluence entre Méditerranée et Europe centrale.
Quelle culture ou entité politique a eu l'influence la plus durable
sur la Méditerranée ?
L'empreinte culturelle de la Grèce antique, du fait notamment de son
influence sur le monde romain, a le plus pesé. La traduction des savoirs grecs
par des intellectuels islamiques au Moyen Âge et leur diffusion via
l'Andalousie, la persistance de l'Empire byzantin durant la période médiévale…
C'est bien la culture grecque classique qui a eu le plus d'impact sur le monde
méditerranéen. En termes purement politiques, on pourrait ajouter que ce sont
les Romains qui ont eu une influence démesurée, linguistiquement parlant.
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Ceux des hommes ou femmes
qui ne croient à rien de mystique sont, forcément, plus intelligents et heureux
car peuvent le mieux aider leur prochain car n'ayant pas d'arrière-pensées
religieuses les empêchant d'agir ou de vivre normalement ou au nom de n'importe
quel dieu et divinité sans souffrir de dogmes obscurantistes moyenâgeux datant
de l'âge des ténèbres !
Les guerres de religions
entre les peuples existent depuis des millénaires en semant malheurs et chaos,
elles sont politisées en plus par des états ou le pouvoir est exercé par des
religieux, pour la rendre obligatoire et donc souvent totalitaire voire
dictatorial !
L'athéisme qui est défini
comme l'absence ou le refus de toute croyance en quelque divinité que ce soit
est la seule solution pérenne pour maintenir la paix dans le monde !
La montée de certaines
religions qui ont poussé les hommes à s'entretuer lâchement jusqu'à ces
attentats terroristes ou crimes divers aveugles en provoquant l'abêtissement
des populations diverses dans le monde causera bien plus de dégâts que les
armes nucléaires dont certains pays fanatisés par leurs religions possèdent!
Les hommes ont le droit de
croire à ce qu'ils veulent mais ne doivent pas faire de politique intérieure et
internationale au nom de celles-ci !
Nos dirigeants de tous bords
ne peuvent faire respecter cela, ils ne nous protègent pas, ils ne servent à
rien en faisant de la bienpensante hypocrite et pire quand ils s'en servent
indirectement pour se faire élire en favorisant indirectement n'importe quelle
religion ou leur accordant certaine dérogation en matière de pratique de
celles-ci dans le domaine public qui en plus sème le désordre !
Les incidents à consonance
religieux augmentent et sont toujours les mêmes !
Jdeclef 15/08/2022
10h27
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