Trottinettes électriques : le grand n'importe quoi
Dans les villes, la croissance spectaculaire des trottinettes
électriques en libre-service tourne à l'anarchie. Une situation hors de
contrôle ?
Le week-end dernier, un petit
échange a eu lieu sur Twitter.
Une vidéo relayée par une cycliste montre treize trottinettes de la société
Lime, à l'entrée du tunnel des Tuileries à Paris, en train d'être rechargée
via un groupe électrogène pétaradant et puant. Deux jours auparavant, à ce même
endroit, un autre cycliste avait déjà filmé la même opération, s'insurgeant du
danger qu'il y a à utiliser une telle machine dans un tunnel. En vain.
Ce samedi 27 avril, le
tweet est pourtant repris par le premier adjoint à la ville Emmanuel Grégoire
lui-même : il interpelle Lime et exige que soit mis fin à cette situation.
Une mise en demeure qui attire
quasi immédiatement une réponse de Lime, qui proteste de sa bonne foi.
L'individu a été identifié et « suspendu ».
Fin
de l'histoire ? Elle jette pourtant une lumière crue sur la manière dont
ces engins électriques en free floating, donc sans point d'attache fixe, sont
rechargés afin que, chaque matin, tout individu abonné au service puisse les
utiliser avant de les laisser où bon lui semble. Une armée de rechargeurs
appelés
juicers les ramasse et les branche à une prise de courant via des
chargeurs confiés par les opérateurs. Pour la plupart des opérateurs, il suffit
d'un numéro de Siret pour devenir juicer : en un mot, il s'agit
d'auto-entrepreneurs.Paris compte pas moins de 10 opérateurs de trottinettes en libre-service. La ville estime à « plus de 15 000 » le nombre de ces engins, dont les premiers, ceux de Lime, ont débarqué il y a… moins d'un an. Difficile d'obtenir un chiffre plus précis. Lime n'a pas répondu à nos questions, Bird non plus. Bolt a répondu évasivement qu'elle proposait « quelques centaines de trottinettes électriques » dans la capitale et qu'elles seraient « entre 1 500 et 2 000 d'ici cet été ». Mais cette société, contrairement à Lime, nous a fait savoir qu'elle refusait de recourir à des juicers en auto-entrepreneuriat, préférant le recours à une « équipe interne et des prestataires de confiance sur le long terme », plus précisément « une entreprise de logistique qui a ses propres salariés (...) et dont la mission est de déployer les trottinettes le matin et de les collecter le soir ainsi que d'apporter un soutien sur la maintenance ».
« Ludique » mais non
sans galère
La
vie d'un juicer
n'a rien d'une sinécure. Il faut, via l'appli, repérer les trottinettes. Plus
elles sont difficiles d'accès – une difficulté estimée par l'appli selon un
code couleur –, plus il sera rémunéré. Beaucoup d'entre eux choisissent de partir
en chasse des engins « moyennement » difficiles à repérer. Mais il
n'est pas rare que lorsqu'ils arrivent, la trottinette ait déjà été prélevée
par les concurrents de plus en plus nombreux. La rémunération ? En
moyenne 5 euros par engin. À une condition, qu'ils soient remis en
place avant 7 heures du matin le jour suivant, dans des
« nids » indiqués par l'appli et qu'avant de le quitter, le juicer
ait transmis la photo des trottinettes. Objectif : éviter qu'elles soient
mises n'importe où n'importe comment.
Wheel O'Juicer, c'est
ainsi qu'il se nomme sur Twitter, est l'une de ces petites mains qui recherchent
un complément de revenu. Il y a 6 mois, ce technicien de maintenance
est devenu juicer pour Lime,
Bird et dernièrement Voi. Dans cette activité, il fait figure d'amateur :
l'appli lui indique dans son secteur les engins disponibles à la recharge. Il
va les chercher en gyropode. Il en ramasse deux, quatre au maximum et les
ramène chez lui, une à deux dans chaque main. Dans la journée, en moyenne, il
en fait 10, quand l'appli l'a limité à 25. Il les redépose
vers 4 heures du matin et gagne ainsi, en moyenne, une cinquantaine
d'euros par jour.
Ce job d'appoint plaît
à ce trentenaire qui a un autre travail et a « la chance de se contenter
de 5 heures de sommeil par nuit ». C'est assez « ludique »,
dit-il, mais non sans quelques galères : notamment les bugs de l'appli qui
lui indique un nid en réalité inaccessible ou qui ne prend pas en compte le
dépôt des machines et refuse de lui débloquer un autre nid...
Wheel O'Juicer a aussi
constaté l'irrégularité totale de cette activité (parfois, les trottinettes à
recharger pullulent, parfois, comme en ce début mai, elles deviennent
inexplicablement rares) et la montée de la concurrence. Celle de
« pros » en camionnette, qui semblent travailler à plusieurs, même si
normalement ce n'est pas autorisé, et ont le droit de recharger
jusqu'à 100 trottinettes. Il souligne aussi que son mode d'action
artisanal ne lui permet pas de recharger des trottinettes Voi, dont les roues
ne peuvent être débloquées que par les utilisateurs. L'opérateur, conclut-il,
semble ne vouloir que des juicers
motorisés, a-t-il donc découvert, désappointé. Bref, s'il n'avait que ce
boulot, Wheel O'Juicer serait « super-stressé ».
La ville impuissante ?
Sur
Twitter, les élus de Paris se font régulièrement apostropher par des usagers en
colère. Leur réponse : ils ont fait tout ce qu'ils pouvaient. En clair,
Paris n'aurait pas eu la possibilité, en l'état actuel de la législation, de
s'opposer à l'invasion des trottinettes électriques. Elle réclame comme les
autres élus locaux l'adoption urgente de la loi d'orientation sur les
mobilités, dite loi LOM. Son article 18 prévoit la possibilité de
soumettre les services de partage de véhicules en libre-service à un régime
spécifique d'autorisation préalable, une
disposition que les sénateurs ont encore durcie. Le texte doit être
définitivement adopté en juillet, si l'embouteillage parlementaire ne le retarde
pas.En attendant, Paris a récemment et en urgence imposé une redevance variable selon le nombre d'engins mis sur l'espace public. « Ceux qui ont moins de 500 trottinettes débourseront 50 euros par engin chaque année, expliquait la Mairie de Paris au Figaro. La redevance montera jusqu'à 65 euros annuels par trottinette pour ceux qui en opèrent plus de 3 000. »
Elle s'apprête aussi, le 13 mai, à rendre publique la charte qu'elle négocie en ce moment avec les opérateurs. Elle a en outre renforcé la répression envers les utilisateurs qui rouleraient à pleine vitesse sur les trottoirs (135 euros d'amende) et ceux qui les stationnent en plein milieu des espaces dévolus aux piétons ou même simplement en bordure alors qu'il y aurait à proximité un parking deux-roues (35 euros d'amende). Pour éviter la fronde des cyclistes, qui voient la cohabitation d'un mauvais œil, la ville promet de créer des emplacements dédiés aux trottinettes, pour accueillir 2 500 machines.
À dire vrai, on sent la Mairie de Paris totalement dépassée par le phénomène. Car elle prévoit sous peu que quelque 40 000 trottinettes déferlent dans ses rues. En juillet 2018, la ville se félicitait par voie de communiqué de l'arrivée de cette alternative de plus à la voiture et au moteur à explosion, sa véritable bête noire. À l'époque, tous les moyens semblaient bons pour promouvoir d'autres moyens de se déplacer. Mais elle semble réaliser depuis peu l'anarchie en cours et renvoie la responsabilité au législateur.
S'opposer au fait accompli
Pourtant,
selon deux avocats d'affaires, Olivier Bégué et Stéphanie Legrand, ce n'est pas
si simple. Tout en reconnaissant « l'absence de consensus doctrinal et les
difficultés d'interprétation du cadre juridique actuel », ils jugent que
les villes n'étaient pas si démunies. « Si l'on considère que l'occupation
ou l'utilisation des véhicules en libre-service sur le domaine public en vue de
leur location/partage excède les limites du droit d'usage qui appartient à tous
et constitue une activité économique, le Code général de la propriété des
personnes publiques (CGPPP) prévoit que les opérateurs doivent disposer d'un
titre », nous ont-ils écrit en réponse à nos questions, ajoutant que
« la délivrance dudit titre devrait intervenir à la suite d'une
manifestation d'intérêt spontanée de la part des opérateurs ». En clair,
les villes avaient moyen d'organiser en amont le déploiement des trottinettes
et de ne pas céder à la stratégie du fait accompli des opérateurs.Selon eux, deux options s'offraient aux municipalités : soit refuser de délivrer des titres « du moment que ce refus [était] justifié par des considérations d'intérêt général par exemple, préserver la sécurité des piétons face au stationnement sauvage des véhicules concernés, proportionné à l'objectif poursuivi et ne port[ait] pas une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'entreprendre » ; soit accepter et, tenant compte de la multiplicité des opérateurs candidats, mettre en place une procédure de sélection.
Le cas strasbourgeois
C'est
d'ailleurs ce
qui s'est passé à Strasbourg. La ville a d'abord privilégié la société Knot
qui propose des trottinettes qu'il faut déposer en station où elles se
rechargent (comme les Vélib' électriques). En matière de véhicule électrique,
le free floating
apparaît en effet comme la pire des approches, nécessitant de courir après les
engins chaque jour ! Pour les trottinettes sans point d'attache, Strasbourg a ensuite publié
un « appel à l'initiative privée » : en clair un appel d'offres,
laissant à la ville la possibilité de ne retenir que les opérateurs qui
répondaient à son
cahier des charges.Joint au téléphone, Jean-Baptiste Gernet, adjoint au maire en charge des mobilités alternatives, réclame, à l'instar des élus parisiens, que la loi LOM clarifie la situation. Mais il constate qu'aucun opérateur n'a contesté la démarche strasbourgeoise. Il reconnaît aussi bien volontiers que cette prudence de la ville a été inspirée par la volonté d'éviter le chaos parisien. « Je ne vais pas m'opposer à un mode de déplacement alternatif, conclut-il, mais je ne sais pas trop comment ce moyen-là s'inscrit dans la durée, par-delà l'effet de mode, sans compter que nous privilégions les modes de déplacement actif, et donc bons pour la santé, comme la marche ou le vélo. »
Écologique la
trottinette électrique ? Par rapport à un SUV ou un scooter thermique,
certainement, mais ce n'est pas bien difficile. Lorsque l'on se penche sur sa
fabrication et sa maintenance, c'est beaucoup plus discutable. Le magazine « Quartz » a examiné les data d'une
cohorte de 129 trottinettes électriques déployées en
août 2018 à Louisville (Kentucky). Résultat : la durée de vie
moyenne de ces « scooters » (c'est ainsi qu'on les appelle en
anglais) était de 28,8 jours ! En moyenne toujours, ils ont parcouru
262,6 km en 92 trajets. 5 d'entre eux ont
« disparu » dès leur mise sur le bitume. 7 ont
« duré » plus de 60 jours. Et le plus vaillant a
« tenu » 112 jours, moins de trois mois donc. On est loin,
très loin d'un moyen de transport « durable ».
OBLIGATION
D'ASSURANCE DE CES ENGINS
Nos ministres et l'administration
toujours si prompts à réglementer les choses semblent bien frileux sur ce
dossier. A mes yeux ces engins sont équipés d'un moteur électrique et par la
même deviennent des véhicules terrestres à moteur. De par cette nature ils sont
soumis à l'obligation d'assurance. Reste à définir bien sûr à partir de quelle
puissance et vitesse ces véhicules sont soumis à cette obligation d'assurance.
A ce jour il me semble que la réglementation concernant l'obligation
d'assurance de ces engins soit muette sur le sujet. Il me semble plus important
de prendre position sur ce point plutôt que de préciser où ces engins peuvent
circuler. A vous lire Mme la ministre sur ce sujet.
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Car même pour de
vulgaires trottinettes au début jouet d'enfant qu'on a transformé en moyen de
transport individuel motorisé (je sais ce
que je dis j'en ai eu une quand j'étais enfant à Noel, mais je suis vieux et
donc âgé maintenant...) Et ce n'était pas la mode mais un simple jouet d'enfant dans les années 1950...
Et je dois faire attention
de ne pas me faire renverser ou bousculer en marchant sur le trottoir (cela met
déjà arrivé 2 fois dans ma ville...)
Car bien sur cela se
termine par des dérapages et incivilités habituelles, car trop de liberté mal
encadrée qui donne toujours le même résultat !
Une loi de plus avec
sanctions financières au mieux pour essayer de réguler l'utilisation de ces
engins devenus risqués, car dans toutes les mains de 7 à 77ans, adolescents,
adultes bobos et petits délinquants sans compter, ceux qui s'en servent en
montant dessus à plusieurs !
L'indiscipline des
français est une constante qui coute cher, car bien sûr, il faut mobiliser des
forces de l'ordre souvent « police municipale »
dont certaines mauvaises langues disent au moins qu’elles serviront à çà, en
plus de faire traverser les enfants à la sortie des écoles ..!
Et puis cela rapporte
pour ceux qui louent et vendent ces engins, ainsi que l’état qui ne veut pas être
en reste !
Jdeclef 05/05/2019
12h00LP