jeudi 9 mai 2019

Une Europe ou Union Européenne qui n'arrive pas à s'unir car composées de Bavards qui pérorent sans cessent et rien d’autre !

Nathalie Loiseau : « Pour une Europe des solutions, pas des idéologies »

GRAND ENTRETIEN. La tête de liste LREM dévoile son programme pour les européennes. Convergence sociale par le haut et transition écologique en sont les deux piliers.


La campagne européenne a bien du mal à se frayer un chemin dans le brouhaha médiatique qui a accompagné l'incendie de Notre-Dame de Paris, les conclusions du grand débat et la guérilla urbaine qui sévit toujours, chaque samedi, en France. C'est dans ce contexte que Nathalie Loiseau a retenu son programme le plus longtemps possible. Elle le dévoile officiellement demain, journée de l'Europe. En avant-première, elle offre au Point un très large aperçu des engagements qu'elle défendra au Parlement de Strasbourg. La transition écologique et la convergence sociale par le haut en sont les deux principaux piliers. Elle se défend néanmoins de promouvoir une approche fédéraliste.
« L'Europe des solutions » qu'elle préconise se démarque très nettement des propositions souverainistes de son principal concurrent, Jordan Bardella. Dans les sondages, la liste du RN est parfois donnée devant celle des LREM. Un match franco-français qui ne se traduit pas au niveau européen, où le clivage entre la gauche et la droite demeure, le plus souvent, la matrice du débat politique. La Liste LREM entend constituer un nouveau groupe politique au Parlement de Strasbourg, avec d'autres partis européens d'essence centriste. Ce sera le deuxième volet de l'action de Nathalie Loiseau. Un pari risqué dans une enceinte jusqu'ici dominée par les démocrates-chrétiens du PPE (dont les LR de François-Xavier Bellamy) et les sociaux-démocrates.
Le Point : Votre projet pour l'Europe décline, précise et amplifie la lettre d'Emmanuel Macron aux européennes. Il est marqué par le souci de l'écologie, des droits sociaux et de l'homme, de l'Europe érigée en puissance. Comme si vous projetiez sur l'Europe une France idéalisée. Or le paysage politique de l'Europe n'est pas celui-là actuellement. Comment faire passer ce message ?
Nathalie Loiseau : Ne nous trompons pas, cette élection est historique. Je sais qu'on le dit à chaque fois, mais cette fois-ci, j'ai la conviction que jamais, depuis la Seconde Guerre mondiale, l'Europe n'a été aussi nécessaire. Et pourtant, jamais l'Europe n'a été autant en danger. La question qui est posée, c'est choisir entre ceux qui veulent détruire l'Europe, ceux qui gèrent l'Europe en cogestion depuis 20 ans et qui sont donc responsables du statu quo, et ceux qui, comme nous, aiment l'Europe et veulent la changer.
Ce que nous voulons, c'est peser au Parlement européen pour porter la voix de la France et appuyer l'action d'Emmanuel Macron. Il faut convaincre, d'abord les électeurs français, mais aussi nos partenaires européens. Ce que nous voulons, c'est peser en Europe pour que l'Europe réponde aux attentes des Français. Nous les avons écoutés à plusieurs reprises, lors de la grande marche sur l'Europe, lors des consultations citoyennes et pendant le grand débat. La philosophie générale du projet que nous avons élaboré à partir des aspirations qui se sont exprimées consiste à tirer l'Europe vers le haut, qu'il s'agisse de justice sociale et fiscale. L'Europe, ce n'est pas la mondialisation par le bas, mais par le haut. C'est une Europe plus efficace, plus humaine et qui maîtrise son destin dans le XXIe siècle. L'Europe doit protéger nos choix de société, protéger la planète, protéger l'avenir de nos enfants.
Votre priorité se détache assez nettement : la transition écologique. Vous parlez de mobiliser 1 000 milliards d'euros d'ici à 2024. Où les trouver  ?
Mille milliards d'euros, c'est le montant estimé par l'UE pour faire face au défi climatique. Nous voulons faire de l'Europe une puissance verte, c'est-à-dire un continent neutre en carbone, à la pointe de l'innovation durable, avec un modèle agricole et de consommation respectueux de la nature. De la Banque centrale à la Commission, toutes les institutions européennes doivent avoir le climat pour mandat. Nous investirons massivement dans la transition écologique et solidaire. Mais attention, la transition écologique ne peut pas reposer uniquement sur de l'argent public. Si nous veillerons à ce qu'au moins 40 % du budget européen y soit consacré, nous proposons aussi de créer une Banque du climat pour orienter l'épargne des Européens vers la croissance verte. Elle financera la rénovation des logements, le développement des transports et des énergies propres et accompagnera la reconversion des travailleurs des secteurs en transition. En parallèle, nous proposons de taxer le carbone des produits importés en Europe.
Vous parlez de créer une Banque européenne du climat. Vos opposants se demandent pourquoi créer un « machin » de plus alors qu'existe déjà la Banque européenne de l'investissement (BEI)…
Face à l'urgence et à l'importance du défi climatique, il nous faut un instrument à la hauteur. En 1989, quand le Rideau de fer est tombé, on a été capables de créer la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) pour soutenir les pays qui sortaient du giron soviétique. C'était une bonne intuition avec une mission claire. Il faut aujourd'hui un outil qui ait une vraie puissance de feu pour financer la transition écologique.
Taxer le carbone des produits importés en Europe, le président Macron en parle depuis longtemps. Mais comment passer aux modalités concrètes ?
La taxe carbone aux frontières est une bonne chose pour l'environnement, pour nos entreprises et nos emplois. Elle créera une concurrence loyale entre les entreprises et les agriculteurs européens qui respectent des normes environnementales exigeantes et leurs concurrents du bout du monde qui ne respectent ni les mêmes normes ni les mêmes choix. L'Europe est un marché attractif. Quand on est attractif, on doit s'en servir pour imposer ses conditions. Cette taxe va de pair avec la directive « Éthique des entreprises » que nous porterons pour interdire l'accès au marché européen à toute entreprise ne respectant pas nos exigences sociales et environnementales fondamentales. Une multinationale pourra perdre son accès au marché européen si elle a eu recours au travail forcé, au travail des enfants, si elle s'est rendue coupable de déforestation illégale, de trafic d'espèces protégées ou de déchets, de pêche non durable, etc.
Sauf que certains sont réticents à développer des ressources propres et préféreraient sacrifier la PAC pour financer de nouvelles priorités...
Il est hors de question que la Politique agricole commune soit sacrifiée au profit des nouvelles priorités de l'Europe. Nous défendrons le budget de la PAC. Nous sommes la première puissance agricole au monde et c'est en Europe que les scandales alimentaires sont les moins nombreux même si, hélas, il y en a. L'Europe, ce n'est pas remettre en cause ce qui est un succès. Les enjeux sur la sécurité alimentaire sont primordiaux. Nous nous battrons pour que la PAC soit simplifiée et modernisée afin que les aides soient orientées vers les exploitations à taille humaine et vers les modèles propres et respectueux du bien-être animal partout en Europe. Les objectifs sont clairs : augmentation massive du verdissement, doublement des surfaces en bio, zéro bête nourrie aux OGM, zéro pesticide au-dessus des zones d'eau potable. Les agriculteurs doivent pouvoir compter sur un fonds de réserve suffisant pour faire face aux risques croissants liés au réchauffement climatique. Et je le répète, l'agriculture européenne, comme les autres secteurs, doit être protégée de ceux qui ne respectent ni les normes sanitaires ni les normes sociales fondamentales.


Nathalie Loiseau, Pascal Canfin et Jérémy Decerle, un agriculteur inscrit sur la liste LREM,visitent une exploitation à Charbonnat (Saône-et-Loire).
© Blondet Eliot/ABACA

Certains au sein de la Commission européenne se méfient de cette approche dure à l'égard des partenaires qui ne respectent pas nos canons sociaux et écologiques. Ils préconisent un soft power, plus efficace à leurs yeux…
Cela fait 20 ans qu'ils le disent et cela fait 20 ans que les choses ne bougent pas. Je les connais… Ils sont parfois enfermés dans un dogme : l'idée que le libre-échange serait bénéfique par nature. Tous les États membres prennent conscience que l'ouverture systématique de nos marchés trouve ses limites. Il ne s'agit pas de tomber dans un protectionnisme mortifère, mais d'en finir avec la naïveté qui a trop souvent dominé en Europe. Nous croyons à l'exigence de réciprocité dans l'accès au marché. Il y a deux ans, parler de réciprocité était impossible.
… les Allemands bloquaient
Les Allemands bloquaient. Aujourd'hui, ils participent activement à la réflexion. Ils ont pris conscience que lorsque nos partenaires ne jouent pas avec les mêmes règles que nous, nous sommes forcément les perdants du jeu.
Le budget européen actuel ne permet pas de réaliser votre programme…
C'est pourquoi nous proposons, à travers la taxe carbone et la taxe sur les transactions financières, d'allouer à l'Union des ressources propres sans augmenter les contributions des États. Il faut bien comprendre que nous ne voulons pas créer un impôt de plus sur le dos des contribuables européens. Grâce à de nouvelles ressources propres, nous pourrons mener une vraie politique industrielle en définissant les secteurs d'avenir sur lesquels nous allons investir, financer des champions mondiaux dans l'intelligence artificielle, les réseaux 5G, le renouvelable… Ce qui exige de revoir aussi notre droit européen de la concurrence. Il a été conçu au XXe siècle dans un esprit de protection des consommateurs sur le mode « small is beautiful ». Sans abandonner la protection des consommateurs, on ne peut plus se contenter d'une « économie de bonzaïs ». Nos champions industriels doivent pouvoir atteindre la taille critique, d'autant que d'autres, ailleurs dans le monde, financent leurs entreprises à coups d'aides publiques…
Toutefois, je note que les choses évoluent. Avec les Allemands, nous nous sommes battus comme des lions pour faire émerger un « Airbus de la batterie électrique ». Il a fallu convaincre la Commission d'autoriser les aides publiques dans ce domaine. C'est fait depuis quelques jours ! L'Europe doit être le continent à la pointe de la technologie. Nous avons besoin d'environ 300 000 personnes par an qui soient familières des nouvelles technologies dans toutes les branches de ces nouveaux métiers.
Beaucoup de nos cerveaux sont partis dans la Silicon Valley…
Ce n'est pas une raison pour se résigner. Si nous créons les conditions favorables, si nous rémunérons correctement les talents, si nous osons financer des innovations à risque, nous pouvons reprendre la main. Nous voulons créer une agence européenne pour l'innovation de rupture, sur le modèle de ce qui existe aux États-Unis. Car il ne faudrait pas croire qu'entre le « garage californien » d'origine et le géant mondial qu'est devenu, par exemple, Amazon de Jeff Bezos, il n'y a aucune intervention publique aux États-Unis. Dans ce domaine, il s'agit de ne plus être naïf et de croire en nous.
N'est-ce pas, d'une certaine manière, un saut fédéral que vous proposez aux Européens ?
Nullement ! Nous sommes pour une Europe des solutions, pas pour une Europe des idéologies.
Sur les sujets régaliens – frontières, armée, monnaie… –, vous leur demandez pourtant d'abandonner une partie de leur souveraineté pour gagner en efficacité…
Non, quand c'est efficace, nous sommes favorables à plus d'intégration ; quand ça ne l'est pas, coopérer entre gouvernements suffit largement.
Aujourd'hui, la monnaie unique est le saut fédéral le plus important qu'une partie des Européens a consenti. Il faut consolider cette monnaie unique pour lui éviter les aléas qu'elle a rencontrés pendant la crise et la dépendance à un monde encore très « dollarisé ». Aujourd'hui une PME européenne ne peut pas nécessairement commercer avec l'Iran par peur de sanctions américaines. Ce n'est pas aux États-Unis de décider si nos entreprises peuvent commercer ou non avec l'Iran.
Dans d'autres domaines, bâtir sur nos compétences nationales et favoriser une coopération intergouvernementale est la solution la plus efficace. Prenons la lutte contre le terrorisme. Vous ne trouverez nulle part dans ce projet l'idée d'une CIA européenne. Simplement parce que ce serait moins efficace qu'une coopération entre services nationaux. Nous, Français, avons à partager notre connaissance de la menace, en particulier la menace djihadiste en provenance du Moyen-Orient ou du Sahel avec d'autres. D'autres partagent avec nous leurs connaissances de la menace russe par exemple.
En matière migratoire, notre approche suit la même logique : efficacité et pragmatisme.
C'est-à-dire ?
Prenez l'exemple de Frontex, l'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. Elle ne se substitue pas aux polices nationales, mais sans elle, quelle certitude avons-nous que le contrôle des frontières est renforcé là où c'est nécessaire ? Un pays comme le nôtre a un intérêt tout particulier à ce qu'une agence européenne soit présente avec des effectifs et des moyens suffisants dans les pays qui font face à des flux migratoires. Eh bien, le RN y est opposé, la Ligue de Matteo Salvini tout autant. Leur idéologie de la souveraineté nationale l'emporte sur une réponse efficace au défi migratoire.
Sous la présidence autrichienne de l'Union européenne il y a quelques mois, un compromis semblait en bonne voie pour réformer la politique européenne de l'asile. Il abandonnait les « quotas obligatoires » rejetés par le groupe de Visegrad (République tchèque, Slovaquie, Hongrie, Pologne) et consistait à mettre en place une entraide entre pays. Vous reprenez cette idée dans votre projet. Pourquoi le compromis autrichien n'a-t-il pas été adopté à l'époque  ?
Le compromis autrichien n'a pas abouti parce que les gouvernements nationalistes n'ont cherché aucune solution. Mais notons aussi qu'à l'époque Angela Merkel n'en a pas voulu pour des enjeux de politique intérieure. Comme ministre chargée des Affaires européennes, j'en avais parlé au groupe de Visegrad à l'époque, ils n'étaient pas fermés à l'idée. J'avais passé un week-end dans les Tatras et, à la suite de cet échange, ils ont contribué pour la première fois, à hauteur d'une trentaine de millions, à un fonds de développement de l'Afrique. Je leur avais dit : « Commencez par montrer que ce n'est pas un sujet sur lequel vous regardez systématiquement ailleurs. » Dans notre projet, nous conservons le principe que, face à la migration, l'entraide entre les États membres est obligatoire, mais elle peut prendre diverses formes : une contribution financière, des effectifs de gardes-frontières, des moyens matériels et, bien sûr, l'accueil de demandeurs d'asile.
Les Républicains, sur ce sujet des migrants, veulent réformer le droit de la mer pour renvoyer les bateaux qui arrivent dans les pays d'origine et rétablir une double frontière européenne et nationale. Qu'en pensez-vous ?
Ont-ils vu ce qui se passe en Libye ? Nous portons des valeurs et celles-ci consistent à ne pas renvoyer dans un pays en guerre civile des gens qui y seront maltraités. Je ne transigerai pas avec ces valeurs-là. Commencer à vouloir abattre la Convention européenne des droits de l'homme, c'est une détérioration de notre civilisation. Quant à l'établissement d'une double frontière, il faudra que les Républicains nous expliquent comment ils évitent de porter atteinte à la libre circulation des personnes, que ce soit celle des travailleurs frontaliers – il y en a au moins 200 000 en France – ou celle des entreprises, des PME qui vont, au jour le jour, commercer, livrer, travailler avec d'autres pays européens… Ce que nous souhaitons, c'est à la fois protéger nos valeurs et nos frontières, en construisant une politique européenne de l'asile et en remettant à plat Schengen. Il faut tout d'abord distinguer les réfugiés, qui fuient la guerre, la persécution et qui sont en besoin de protection, des migrants économiques. Accueillir les premiers fait la grandeur de l'Europe et de la France. En revanche, concernant les migrants économiques, chaque pays doit décider de qui il souhaite accueillir. Pour relever le défi migratoire, nous proposons une action en trois points : renforcer les frontières extérieures de l'Europe en portant les effectifs de Frontex à 10 000 hommes dès 2020 ; venir en aide aux pays d'origine des migrants et lutter plus efficacement contre les passeurs ; renforcer la coopération intra-européenne.
Qu'entendez-vous par « la remise à plat » de l'espace Schengen ?
La liberté de circulation est un atout formidable, mais elle a comme contrepartie que chacun exerce ses responsabilités, contrôle sa frontière extérieure de l'UE sérieusement en acceptant, dès que cela est nécessaire, d'être aidé par Frontex et chacun doit participer à l'entraide. Si on ne fait ni l'un ni l'autre, on doit pouvoir être suspendu et ne plus bénéficier de la liberté de circulation.
Parlons de l'Europe sociale. Comment parvenir à élever le niveau à l'Est sans baisser celui de l'Ouest ?
Merci de rappeler que nous n'avons jamais proposé de baisser ni les salaires ni la protection sociale de notre pays. Ce que nous proposons, c'est une convergence par le haut, la réduction des inégalités à l'intérieur de l'Europe et la fin du dumping social.
Le patronat de l'Est, lui, résiste à la hausse des salaires…
Les patronats à l'Est vivent aujourd'hui quelque chose de nouveau. Leurs pays connaissent des situations proches du plein emploi. Ces pays souffrent en outre de la fuite des cerveaux. Des dizaines, des centaines de milliers de gens plutôt formés et plutôt jeunes vont tenter leur chance ailleurs. C'est vrai d'une partie des pays de l'Est, ça a été vrai de la Grèce, c'est vrai de l'Italie aujourd'hui. À l'Est, le sujet devient : comment garder de la main-d'œuvre qualifiée et répondre aux commandes ? La compétitivité par le coût du travail le plus bas possible devient une impasse. Dans cette conjoncture nouvelle, nous devons avoir plus d'ambition sociale. Ce n'est justement pas le moment de baisser les bras ! C'est le moment d'exiger que la convergence économique entre l'Est et l'Ouest s'accompagne d'une convergence sociale par le haut. Les fonds de cohésion doivent servir à cela. On ne peut pas condamner les travailleurs de l'Est à être éternellement des travailleurs de deuxième classe.
Après la directive sur le travail détaché qui établit le principe du « salaire égal sur le même lieu de travail », quelle est la prochaine étape ?
Nous nous engageons à réaliser l'acte II de la réforme en instaurant le principe « à travail égal, coût égal » pour l'employeur afin d'en finir avec le dumping social.
Concrètement, nous proposons que l'employeur paie les cotisations sociales les plus généreuses entre celles du pays d'origine et du pays d'accueil des travailleurs détachés. L'employeur d'un travailleur roumain en France paiera le niveau de cotisation français. Et le montant des cotisations sociales retournera en Roumanie, dans un fonds européen qui aidera ce pays à avoir une vraie protection sociale de ses travailleurs.
C'est une démarche incitative. Cela ne veut pas dire qu'on ne veut plus de travailleurs étrangers en France. Il y aura toujours besoin de travailleurs détachés parce qu'ils ont une spécialité que nous n'avons pas ou parce que les besoins en main-d'œuvre sont très tendus temporairement. Mais nous voulons mettre fin à une concurrence déloyale. Nous voulons combattre un système où, comme je l'ai vu à La Réunion, on fait venir un travailleur portugais – en lui payant le billet d'avion – pour construire une route plutôt que d'employer un travailleur réunionnais qui vit sur place.
Lire aussi Europe : ce que dit la nouvelle directive sur le travail détaché
Le Rassemblement national avait voté contre la directive régulant le travail détaché…
Le Rassemblement national ne veut pas contribuer à des solutions, car il prospère sur les problèmes. Sur le dumping social, leur seul argument électoral, nous voir commencer à apporter une réponse leur est insupportable. Nous, nous aspirons à la convergence sociale. L'Europe, ce n'est pas le grand bond en avant chaque matin ni le « grand soir ». Mais, avec le président de la République, nous prenons nos responsabilités pour emmener l'Europe dans la bonne direction.
L'Europe sociale que vous proposez remet en cause le modèle économique des Allemands qui se servent de la sous-traitance à l'Est pour ne pas augmenter leur coût et gagner des marchés à l'export… Même Viktor Orbán s'en plaint !
Viktor Orbán va jusqu'à dire que les pays de l'Ouest ne veulent pas augmenter les salaires à l'Est. Mais la réalité a déjà changé. Même les entreprises allemandes vous disent qu'elles peinent à recruter et qu'il faut qu'elles paient plus cher pour garder la main-d'œuvre. Les sous-traitants automobiles se volent la main-d'œuvre à coups de primes, d'augmentation de salaires et de protection sociale. Ils sont en train de montrer le chemin de la convergence sociale. Reste un pays comme la Pologne, qui fait appel non plus seulement à de la main-d'œuvre ukrainienne, mais désormais aussi à de la main-d'œuvre philippine et indonésienne, tout en se disant hostile à l'immigration…


pour mettre en œuvre ce programme de « renaissance européenne », vous appelez à une conférence pour l'Europe qui réunirait les dirigeants européens, des citoyens tirés au sort et des spécialistes des domaines-clés. Est-ce qu'elle va réellement avoir lieu, cette conférence ? En avez-vous déjà parlé avec nos partenaires européens ?
Cette démarche est nécessaire : le divorce entre le projet européen et les citoyens est une réalité à laquelle nous sommes confrontés, même si, selon le dernier Eurobaromètre, il n'y a jamais eu autant d'adhésion à l'Europe en France depuis 1983. Les Français expriment des attentes très fortes, mais aussi un scepticisme sur la capacité de l'UE à les entendre et à y répondre. C'est pour cela que nous voulons poursuivre ce que nous avons initié avec les consultations citoyennes sur l'Europe : 1 100 débats sur l'Europe ont été organisés de mai à octobre 2018 en France. Donnons la parole aux citoyens pour définir les priorités sur lesquelles ils veulent que l'Union agisse. On voit aujourd'hui des mouvements citoyens sur le climat ; il y en a partout en Europe. Nous avons besoin que nos démocraties locales, nationales et européennes se réinventent en donnant la parole à des citoyens et à des personnalités engagées qui ne sont ni au Parlement ni au gouvernement. C'est nécessaire. Partir du principe qu'il suffit de repartir avec un nouveau Parlement et une nouvelle Commission comme si de rien n'était ne réglera pas cette fracture.
Si, au cours de cette conférence, vous rencontrez un groupe d'États qui veut aller plus loin avec la France d'Emmanuel Macron mais que d'autres, par manque de volonté, par crainte, par impréparation, ne le souhaitent pas, êtes-vous prêts à créer une Europe à plusieurs vitesses en plus du cadre de l'UE actuel qui serait alors relégué en deuxième division ? Si vous restez dans le cadre de l'UE, vous risquez d'être bloqués par le veto des autres…
Il ne faut pas l'exclure a priori. Tout ce que nous pourrons faire à 27, nous le ferons à 27. Mais cette Europe à plusieurs vitesses existe déjà : entre les débuts du projet européen et aujourd'hui, il y a eu Schengen, il y a eu l'euro, tout le monde n'y participe pas. On l'a vu aussi en matière de défense avec la coopération structurée permanente qui réunit 25 États. Il ne doit jamais y avoir de format exclusif : si un pays veut y participer, il le peut. Mais un pays ne doit pas pouvoir empêcher les autres d'avancer. Nous proposons ainsi de mettre fin à l'unanimité en matière fiscale. Vingt-quatre pays sont d'accord pour taxer les géants du numérique qui paient en moyenne 14 points de moins d'impôt qu'une PME française. Est-ce supportable d'attendre parce que quatre pays bloquent  ? Certainement pas.
L'Europe aujourd'hui est incarnée par différentes figures, un patron de la Commission, un patron du Conseil européen… Êtes-vous favorable à ce que les institutions se dotent d'un patron unique ?
Cela me semble prématuré. En revanche, il est essentiel que l'Europe soit incarnée par des élus, avec d'un côté des dirigeants au Conseil européen et de l'autre des députés au Parlement qui, tous, assument ce qu'ils votent ou décident. Pendant trente ans, les décideurs se sont réfugiés derrière l'excuse « Bruxelles m'impose… » en oubliant de mentionner qu'ils étaient autour de la table… Qu'on arrête de dire que la Commission décide de tout ! Son rôle est d'exécuter les décisions prises par les chefs d'État et de gouvernement. En revanche, il faut désormais que le Parlement européen puisse disposer du pouvoir d'initiative des lois, qu'on cesse de le traiter comme un mineur démocratique.
Beaucoup de nos concitoyens s'inquiètent de l'influence des lobbies sur le travail du Parlement européen. Que proposez-vous ?
Nous voulons rendre l'Europe plus transparente et indépendante des lobbies. Nos députés sont les seuls à avoir signé une charte exigeante en matière de transparence. Pour les députés de ma liste, toute activité rémunérée incompatible avec l'intérêt général en parallèle au mandat de député sera proscrite. Nous proposons de créer un organe indépendant pour superviser les questions relatives à l'éthique au sein des institutions comme au sein des agences et d'interdire le financement des partis politiques européens par des puissances étrangères et des entreprises. Il y a un problème de confiance à restaurer.
Frans Timmermans, le spitzenkandidat des sociaux-démocrates, propose la « transparence des salaires en Europe » pour lutter contre la discrimination salariale dont souffrent les femmes… C'est une mesure qui vous parle ?
Il m'arrive d'être d'accord avec Frans Timmermans, d'autant que c'est une démarche que la France a initiée. Plus généralement, sur l'égalité salariale, la conciliation entre la vie personnelle et la vie professionnelle ou la lutte contre les violences faites aux femmes, nous proposons de mettre en œuvre ce que nous appelons le « le pacte Simone Veil ». Harmoniser par le haut les droits des femmes en Europe : chaque pays signataire introduira dans sa législation les mesures les plus protectrices ayant fait leurs preuves dans les autres pays européens.
De manière plus symbolique, quelle figure européenne serait légitime à figurer sur les billets de banque en euros  ?
Simone Veil, Léonard de Vinci, Erasme, Gutenberg… Autant de figures qui incarnent l'identité européenne, preuve flagrante de l'existence d'une telle identité, n'en déplaise à certains. Nous poussons l'idée d'un « Erasmus de la culture » qui passe par des projets concrets. Par exemple, sur le projet de restauration de Notre-Dame de Paris, nous souhaitons faire venir des apprentis des quatre coins de l'Europe pour donner un coup de main. Nous ambitionnons de créer des résidences d'artistes à la manière de la Villa Médicis un peu partout en Europe, afin de pousser à la création. La culture, ce n'est pas seulement celle du passé, celle qu'on a dans le rétro. L'Europe a déjà beaucoup fait dans ce domaine. Sans les fonds européens, un film comme 120 battements par minute n'aurait pas vu le jour, par exemple. C'est une directive européenne qui a imposé à Netflix que son catalogue soit, pour un tiers, composé de créations européennes. Au début, ils ont résisté. Ce fut un combat de Titans. Maintenant, Netflix s'en flatte.
C'est d'ailleurs un réflexe commun aux géants du numérique : au début, ils résistent par tous les moyens à nos projets de réforme, mais une fois celles-ci adoptées, ils sont au contraire favorables à ce que la norme européenne s'étende aux autres continents. Nous l'avons vu avec le règlement sur les données personnelles, dit RGPD. Pour les grands acteurs, la généralisation du standard européen est facteur de simplicité juridique et d'économies d'échelle.
Jusqu'ici, les leaders européens ont toujours poussé à la présidence de la Commission un profil qui ne leur fasse pas d'ombre. Emmanuel Macron n'a qu'un goût modéré pour jouer les seconds rôles… Irez-vous jusqu'à soutenir un candidat fort à la Commission quitte à contrarier « Jupiter » ?
L'Europe a besoin d'un nouveau souffle et d'une Commission qui ne se contente pas, comme depuis vingt ans, de gérer le statu quo. Mais qui sera candidat ? Il n'y a pas à ce jour de réponse claire. Les socialistes soutiendront Frans Timmermans. La droite classique soutiendra Manfred Weber. Nous ne soutenons pas ce système des spitzenkandidaten qui veut pérenniser les groupes politiques en place au Parlement et qui a rejeté le système des listes transnationales que nous proposions.
Disons-le autrement : est-ce que « voter Bellamy », c'est voter pour Michel Barnier ?
Voter Bellamy, c'est voter pour Manfred Weber qui, je le rappelle, est le candidat de la CDU qui est en faveur de la suppression du Parlement européen à Strasbourg. Voter pour Hamon, c'est voter pour Yanis Varoufakis… Je ne soutiens ni Weber ni Varoufakis. Quant à Michel Barnier, il est en charge de la négociation du Brexit. Il n'est pas candidat à ce jour. François-Xavier Bellamy a indiqué qu'il souhaitait siéger aux côtés de Viktor Orbán au PPE ; le même Viktor Orbán qui fait les yeux doux à Matteo Salvini et Marine Le Pen. Je soutiendrai pour la présidence de la Commission un ou une candidate pro-européen convaincu(e), exigeant et progressiste.
Lire aussi « Michel Barnier, l'homme de l'année »
Une semaine après les réponses d'Emmanuel Macron au grand débat et après des polémiques qui ont mis en cause votre engagement de jeunesse, puis votre BD sur l'homophobie en Pologne, les sondages ont montré que le Rassemblement national était passé devant votre liste. N'y a-t-il pas là une cote d'alerte qui a été atteinte et allez-vous changer votre campagne ?
Nous n'avons jamais dit que ce scrutin était gagné d'avance. Les européennes ont toujours favorisé le vote protestataire et il se déroule dans un contexte agité. Il est temps que la campagne démarre sur le fond. Les polémiques qui m'ont visée ont surtout consisté à ce qu'on parle de tout sauf de l'Europe. Cela fait deux ans que je suis un personnage public. Ces attaques de caniveau sortent aujourd'hui alors que je mène un combat contre l'extrême droite.
Êtes-vous préparée à cette violence politique ?
On m'avait dit de m'attendre au pire. Je ne suis pas déçue. Ce climat politique nous fait courir deux risques : que les Français se désintéressent encore plus de la politique et que la politique n'attire plus que des robots ou des catcheurs.
Je voudrais que la France ne se retrouve plus dans la situation inefficace et humiliante d'avoir l'extrême droite comme premier parti représenté au Parlement européen. Cela nous a discrédités. Notre voix n'a pas été portée. Le premier parti de France n'a rien proposé et pire, il vote à Strasbourg contre ce qu'il prétend défendre à Paris.
En parallèle de la campagne, nous travaillons à rallier, dans un futur groupe parlementaire, des Européens convaincus et exigeants. Réunir des gens qui veulent travailler ensemble pour ensuite construire des majorités d'idées sur un grand nombre de projets.
Animerez-vous vous-même ce futur groupe ?
Dès lors que la délégation française a vocation à être la plus nombreuse et qu'elle apporte un souffle nouveau, il y a des conséquences à en tirer. Nous souhaitons une démarche inclusive qui réunisse ceux qui ont les mêmes priorités, les mêmes valeurs et la même envie d'une renaissance européenne. Nous avons déjà de nombreux contacts.
Au lendemain de la guerre, les défis qu'ont su relever ensemble les Européens étaient immenses. Ceux auxquels nous devons faire face aujourd'hui le sont aussi. Si nous n'avons pas la même foi européenne et une ambition aussi forte, nous ne les relèverons pas. Au-delà d'un projet sérieux, c'est un idéal européen que je porte.
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En ne tenant pas compte des aspirations de leurs peuples en ne pensant qu'à eux-mêmes en politiciens bornés nationaux qui ne pensent qu'à tirer la couverture à eux et avoir un poste tranquille bien rémunéré ou les grands partis envoient leurs laissés pour compte comme candidat !

A chaque élection européenne on assiste à ce même cirque dont nos compatriotes ne comprennent rien pour la majorité d’entre eux et se servent de cette élection pour sanctionner par leurs désaccords de politique intérieure avec leurs dirigeants du moment au pouvoir ou au mieux s’abstiennent d’aller voter !

D’ailleurs exemple ce brexit de l’Angleterre dont il n’arrive pas à dénouer le sac de nœuds de leurs différents flagrants déjà même avant que celui-ci n’ait lieu que les britanniques font traîner en longueur (car les anglais ne veulent pas perdre « le beurre et l’argent du beurre » dont ils profitaient avant leur sortie hypothétique de l’Union Européenne) et donc aussi cette Union européenne n’arrive pas à se débarrasser comme un bernique accroché à son île nostalgique de son ancien grand empire et Commonwealth !

Pourtant une vraie Europe unie serait une puissance capable économiquement de lutter efficacement à arme égale contre les USA et la CHINE par exemple et même s’offrir une défense militaire valable, mais çà, cela devient de plus en plus une utopie à cause de nos dirigeants européens politiciens internationaux médiocres qui ne savent que palabrer pour ne rien dire !

Jdeclef 09/05/2019 11h59

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