jeudi 20 juin 2019

C'était un bon président sympathique et grand moderniste qui tranchait après le gaullisme plus rigide !


50 ans après, le retour en grâce de Georges Pompidou

ENTRETIEN. Un discours de Macron, un colloque clôturé par deux ex-présidents... Éric Roussel, biographe de l'ancien président, revient sur la nostalgie Pompidou.

Trois présidents de la République pour saluer l'œuvre de Georges Pompidou, 50 ans après son élection. Si Chirac avait pu, sans doute aurait-il été de l'hommage. Mais jeudi et vendredi, Valéry Giscard d'Estaing et Nicolas Sarkozy clôtureront à tour de rôle une journée du colloque qui lui est consacré au Centre Pompidou. Emmanuel Macron a tenu, lui aussi, à prononcer mercredi soir un discours à l'Élysée reprenant les grandes lignes de la préface qu'il avait rédigée pour Dans l'intimité du pouvoir (de la présidence de Georges Pompidou, éditions Nouveau Monde). En creux de ce texte, Emmanuel Macron semble vouloir dessiner une sorte d'autoportrait idéalisé : homme d'ordre, réformateur inlassable, avant-gardiste, européen, inspiré par les ingénieurs, mais homme de lettres aussi, persuadé que la politique de culture devait être un projet de civilisation. Pompidou, après le moment de Gaulle, fédérateur, connaîtrait-il son heure de gloire, tardive, à l'heure où la France incline à penser à ses riches heures ? Du temps où elle était sinon belle du moins prospère... Nous avons interrogé l'auteur de sa biographie (éditions Tempus), Éric Roussel, membre de l'Institut, qui vient de préfacer la dernière œuvre de Pompidou, Le Nœud gordien (édition Perrin) sur les raisons d'un tel retour de flamme pour ce fils d'instituteurs du Cantal, proche et distant à la fois, qui incarna une présidence plus normale que celle du général.
Éric Roussel : L'intérêt a toujours été latent. Pour preuve, le succès que ses Mémoires publiées au début des années 1980 avaient connu (près de 300 000 exemplaires), de la biographie que je lui avais consacrée en 1984 ou encore des lettres et des carnets que nous avons édités et annotés avec son fils Alain Pompidou en 2012. Le temps a fait son œuvre et il se dégage le souvenir d'une période faste, où la France, au sommet des Trente Glorieuses, mangeait son pain blanc de la prospérité. Il meurt quelques mois après le déclenchement du premier choc pétrolier. Il incarne une ère heureuse qu'on attribue aussi à certains de ces choix, en particulier son projet industriel et technologique associé aux fleurons d'Ariane, d'Airbus, du TGV...
Pompidou traînait une légende noire, le revers négatif de ce projet industriel, où on l'associe au tout-bagnole et à une industrialisation tous azimuts. Aujourd'hui, Emmanuel Macron, dans sa préface au livre Dans l'intimité du pouvoir. De la présidence de Georges Pompidou, en vient à saluer en lui le « premier combattant de la protection de l'environnement ».
C'est un peu forcer la note. Certes, il est à l'origine du premier ministère de l'Environnement en 1973, mais l'aspect daté de son projet est la priorité absolue donnée à la voiture, qui paraît aujourd'hui inconséquente. Il l'a fait par goût, et parce que l'époque, moins sensible aux problèmes de pollution et de déplacement, s'y prêtait.
En lisant le « testament » de Robert Poujade, le Premier ministre de l'Environnement, le ministère de l'Impossible, on sait aussi que Pompidou ne lui avait guère donné les moyens d'une véritable politique et qu'il dut se battre de manière acharnée pour les obtenir...
Pompidou n'a pas eu de chance non plus avec l'architecture. Paris avait besoin de nouvelles constructions, elle n'avait pas connu de grands travaux depuis Haussmann, mais les années 1965-1975 ne coïncident pas avec un apogée de l'architecture, comme en témoigne le front de Seine. La volonté était là, mais la technique ne suivait pas.
Entre la continuité et la rupture avec De Gaulle, qu'est-ce qui l'emporte ?
La continuité, même si son accession au pouvoir en 1969, assez pénible, est marquée par le conflit larvé qui les a opposés après 1968. Il sait qu'il doit tout à De Gaulle pour qui il éprouvait plus que de l'admiration, de la vénération, même s'il lui consacrera un portrait en 1973 où il ne cache pas ses réserves sur la dureté humaine du général. Au fur et à mesure de son quinquennat, même si son style diffère, il revient au sens même du gaullisme, en nommant Messmer Premier ministre ou en nommant Michel Jobert aux Affaires étrangères. Ainsi, dans le droit fil gaulliste, il marque une opposition de plus en plus résolue à l'égard des États-Unis, refusant de participer au front uni que ceux-ci veulent imposer aux pays de l'Opep.
Il semble toutefois plus ouvert à la construction européenne...
C'est à nuancer. Si on lit bien le compte rendu de son entretien avec le Premier ministre anglais Edward Heath, où il lève l'interdit gaulliste à l'entrée du Royaume-Uni dans l'Europe, il exige que les Anglais se rallient au compromis de Luxembourg, qui prévoit la possibilité pour un État de faire cavalier seul si ses intérêts vitaux sont en péril. On voit bien là qu'il prolonge la vision confédérale du général de Gaulle.
Vous évoquiez sa rupture avec De Gaulle. Qu'est-ce qui les a séparés ?
Les problèmes sont nés de leur désaccord sur la participation, projet gaulliste, auquel Pompidou ne comprenait rien. Ils se sont accrochés aussi sur l'université où Pompidou, pourtant normalien et agrégé de lettres, était contre la sélection, à la différence du général. Il a voté la mort dans l'âme le projet de loi sur l'université d'Edgar Faure. Enfin, il avait été très déçu, blessé même, par l'attitude du général dans l'affaire Markovic.
Il est dans son rôle de président, qui assume la part positive de ses prédécesseurs. Il pourrait agir de même avec la dimension européenne de Mitterrand. Cet hommage appuyé est aussi de nature à gêner la droite, la famille politique à laquelle appartenait Pompidou. Mais rappelons qu'après sa mort, son fils naturel, Chirac, s'est comporté comme un enfant très indépendant, préférant se réclamer de l'héritage plus prestigieux du général de Gaulle, tandis que certains fidèles gaullistes vouaient une détestation à Pompidou. Ceci explique d'ailleurs qu'il n'ait pas été reconnu tout de suite à sa juste valeur.
Au-delà de son action, comme Premier ministre ou président, au-delà de l'époque qu'il représente, quelles qualités expliquent son capital sympathie ?
Il incarne l'homme d'État humaniste, et son élection aisée en 1969 doit sans doute au rôle d'apaisement qu'il a joué lors de la crise de Mai 68, où il a évité que les choses ne tournent mal. Ajoutons l'homme de culture qu'il fut, et ces deux qualités, il en était d'ailleurs conscient, équilibrent le fait que les sympathies des Français se soient portées surtout vers des personnages héroïques. Il incarnait le gaullisme humanisé, mais aussi la convergence entre deux traditions, celle de ces hommes politiques de la IIIe République de très haut standing intellectuel, Tardieu, Blum, Herriot, et celle d'une sensibilité gaulliste. Par ailleurs, de tous nos présidents, il est sans doute celui dont le destin était le moins prémédité. Sa destinée s'est révélée au fur et à mesure, d'étape en étape. Cette absence de calcul joue sans doute dans la sympathie qu'il inspire.
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On peut le souligner, car quand a connu les suivants après lui, moi qui les tous connus, j'ai malheureusement été toujours déçu !

Déjà en tant que 1er ministre qui a subi la révolution soixante-huitarde et qui avait accepté les changements, il s'en était bien tiré alors que les français qui défilaient lors de manifestations monstres qui criaient en scandant « POMPIDOU corde au cou! »

En 1970 il faisait bon vivre, mieux que maintenant !

Et j'ai une anecdote dans ces périodes de l'après 1968 de grèves de cette époque en 1974 quand il est décédé, il y avait encore une grande grève des banques en cours et je travaillais dans une de celle-ci et quand on a annoncé son décès la CGT toujours en pointe comme d'habitude a interrompu le mouvement !

Donc on n'a rien obtenu des revendications !

Mais surtout, on n'a obtenu bien plus de désillusions avec les présidents qui ont suivi !

Jdeclef 20/06/2019 13h36

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