François
de Rugy : « L’écologie n’est pas la propriété d’EELV»
ENTRETIEN.
OGM, nucléaire… L’ancien ministre dynamite les totems et annonce la
création d’un think tank pour nourrir le programme écologique de LREM.
On pensait sa rupture avec EELV, actée en 2015, essentiellement
stratégique : aspirant à gouverner, il refusait l'alliance des Verts avec
le Front de gauche et leur choix de ne pas participer au gouvernement de Manuel
Valls. Elle était en réalité plus profonde. Le Marcheur François de Rugy,
contraint à la démission du ministère de l'Écologie en juillet 2019 après
la tempête de « l'affaire des homards » lancée par Mediapart,
redevenu depuis simple député, a pris « de la hauteur », et le temps
de la réflexion.
Au Point, il
confie avoir beaucoup appris de l'exercice concret du pouvoir. Alors
qu'Emmanuel Macron peine à définir un programme qui lui soit propre en
matière d'écologie, piochant ses idées dans l'escarcelle des Verts, l'ancien
ministre lance aujourd'hui un think tank destiné à alimenter le futur
programme présidentiel, pour construire une écologie « de progrès »
basée sur la science, sans tabou sur le nucléaire ou la génétique des plantes.
Entretien qui explose les totems.
Le
Point : Vous avez milité dix-huit ans chez EELV avant de créer un
petit parti, puis de rejoindre La République en marche. Vous dites ne plus
reconnaître votre ancienne famille politique. Pourquoi ?
François de
Rugy : J'ai
toujours pensé que les positions d'EELV étaient déconnectées des réalités
économiques, et j'étais mal à l'aise avec certaines positions sur la sécurité,
l'immigration, la laïcité. Mais le plus problématique est leur rapport à la
science. J'ai vu les choses évoluer. Quand je me suis engagé pour l'écologie au
début des années 1990, les Verts avaient tendance à valoriser l'expertise
scientifique, autant pour analyser les problèmes du climat, de la biodiversité
ou de l'épuisement des ressources que pour y apporter des solutions. Puis,
au fil du temps, j'ai vu une lente déconnexion s'opérer, jusqu'à atteindre un
point de bascule sur la question des OGM. Cela a marqué le divorce entre les
écologistes et les scientifiques, qui ont très mal vécu que les Verts s'en
prennent aux recherches sur la génétique, détruisent leurs essais en plein
champ, et pour certains aillent jusqu'à saccager un laboratoire à Montpellier.
J'ai compris progressivement que je ne partageais plus grand-chose avec ce
parti. Leur vision de l'écologie, articulée autour du « c'était mieux
avant », rejette l'idée même de progrès. Elle est antitechnologique, antiéconomique,
nourrit des tendances régressives… En réalité, toutes leurs prises de position
sont motivées par ce projet de décroissance, qui n'est jamais avoué parce que
s'il était explicite, il aurait évidemment moins de succès électoral. Mais pour
contrer ce courant, En marche ! n'a jamais su développer sa propre vision
de l'écologie, et c'est à quoi je veux m'atteler. Aujourd'hui, la majorité est
enfermée dans le piège politique qu'ont façonné les Verts, en préemptant
littéralement les questions écologiques et en installant l'idée que, comme eux
seuls détiennent les tables de la loi écologique, ou le « petit livre
vert », eux seuls décident de qui est pour ou contre l'écologie.
Audrey Pulvar :
« La loi climat est une vaste blague »
Le think
tank que vous lancez promet de bousculer les tabous. Êtes-vous, comme une partie des Verts allemands, en
train de changer d'avis sur certains sujets ?
J'ai une
conviction : ce n'est pas une « révolution écologiste » qui
permettra de résoudre les problèmes, mais le progrès technologique et
économique. Pour le bien-être de l'être humain, on ne peut pas les dissocier
alors qu'on cherche à combattre la pauvreté dans le monde, à avoir un niveau de
vie qui continue à progresser et à financer des changements qui seront
indispensables à la transition. Le prêt-à-penser d'EELV est un prêchi-prêcha où
rien n'est jamais remis en cause, et où les avis sont fondés sur des certitudes
qu'on ne réinterroge jamais. En exerçant la responsabilité de ministre de
l'Écologie, j'ai pu aller au fond d'un certain nombre de réalités. Dans le
domaine de l'énergie, la France est en train d'inventer un nouveau modèle, dans
lequel les énergies renouvelables associées au nucléaire pourraient nous
permettre de nous passer totalement des énergies fossiles, quand tous les
autres pays conservent des centrales thermiques pour faire face à
l'intermittence de la production électrique renouvelable ou pour compléter le
nucléaire pour les pointes de consommation. Pour être viable, ce modèle exigera
encore des progrès technologiques, notamment sur le stockage de l'électricité.
Dans le combat pour le climat, le fait d'avoir une production d'électricité de
base en grande quantité décarbonée est un formidable atout pour la France. Or
c'était impossible à dire à EELV !
Sur le nucléaire ou les OGM, nos politiques publiques ne
doivent pas relever de la foi.
Lorsque vous
vous êtes présenté à la primaire socialiste en 2017, vous promettiez pourtant
« 100 % d'énergies renouvelables à l'horizon 2050 ». Comment, en
quatre ans, devient-on pro-nucléaire ?
Dès que j'ai
été nommé ministre, j'ai dit dans une interview : « Sortons des
guerres de religion sur l'énergie. » J'ai regardé au fond des choses et
j'ai approfondi les dossiers. J'ai pu vérifier que l'enjeu de sécurité
nucléaire – le risque d'un accident est le premier sujet – était extrêmement
maîtrisé en France, avec des outils de contrôle de sûreté extrêmement
resserrés. Ce qui se passe à Flamanville le montre, d'ailleurs, et EDF se
plaint beaucoup des mesures que lui impose l'Autorité de sûreté du nucléaire. Et sur
l'autre sujet majeur des déchets, j'ai acquis au ministère une conviction que
je n'avais pas avant : le stockage en grande profondeur, tel qu'il est
préparé à Bure, est une solution sûre. J'étais même favorable, lorsque j'étais
ministre, à ce qu'on le dise publiquement… Je n'ai pas été suivi. Nous allons
maintenant devoir définir ce qu'on fait avec le nucléaire et le renouvelable.
Nous avons des autorités de sûreté très exigeantes, qui garantissent que le
prolongement des centrales existantes se fera de façon sûre.
Les Français soutiennent de
plus en plus le nucléaire
Vous
souhaitez aussi rouvrir le débat sur les organismes génétiquement modifiés
(OGM) en Europe. Vous bousculez un tabou suprême, une écrasante majorité de
Français y restant opposés. Pourquoi ?
Là aussi, il
faut absolument sortir d'une approche religieuse, et en parler avec précision,
car nos décisions politiques ne devraient pas relever de la foi. J'ai suivi en
tant que député les lois de bioéthique, et je constate que la recherche
génétique nous fait continuellement progresser dans la prévention et le
traitement des maladies humaines. Elle nous a apporté les vaccins à ARNm contre
le Covid-19 ! Mais on refuse cette recherche pour les plantes. Les
scientifiques savent pourtant que la génétique végétale peut apporter des
solutions à des problèmes environnementaux essentiels. Les techniques d'édition
du génome permettraient, par exemple, d'accéder beaucoup plus vite à des variétés
de betterave résistantes à la jaunisse, ce qui permettrait de nous passer
totalement d'insecticides néonicotinoïdes, plutôt que de passer dix ans à
obtenir le même résultat par une sélection variétale classique. Les
laboratoires de recherche sont entravés parce qu'ils n'ont pas de débouchés. Je
propose de travailler avec les scientifiques (et le monde économique) pour voir
comment la législation peut évoluer. La recherche génétique, autre nom de la
sélection variétale, est le plus grand espoir pour réduire l'utilisation des
pesticides, et faire face au réchauffement climatique. La forêt dépérit en
France à cause du réchauffement climatique. Sans croire aux miracles, nous
pouvons nous adapter à ces changements. Vingt pays dans le monde cultivent des OGM
depuis plus de quarante ans, et nous avons en France des laboratoires de pointe
dans le domaine de la génétique. Le moment n'est-il pas venu de faire un état
des lieux des connaissances et d'évoluer ?
L’idée qu’il faudrait en revenir aux pratiques agricoles d’antan
est absurde, car l’écologie, c’est améliorer le rendement pour moins puiser
dans les ressources naturelles !
Ne
craignez-vous pas d'être désigné comme « anti-écolo » ?
Encore une fois, l'écologie n'est pas
la propriété d'EELV ou d'une poignée d'associations, et nous n'avons pas à nous
déterminer par rapport à leurs vues. Il existe plusieurs écologies. Réduire
l'écologie à des symboles, c'est la faire régresser. Or le débat public se
cristallise souvent autour de symboles. Des réseaux militants ont agité la
question du glyphosate pendant des années, avec les fameux pisseurs
volontaires, qui redécouvrent que les urines sont faites pour éliminer les
déchets du corps humain, et des relais médiatiques puissants, qui écrasent
complètement le débat. Nous sommes sommés d'arrêter le glyphosate
définitivement et le plus rapidement possible. Mais pendant ce temps-là, on ne
parle ni des autres pesticides, ni des autres produits chimiques. Quand on est
vraiment dans l'action de fond, les choses ne se font pas en un tweet ou une
émission de télé. On est sur des objectifs chiffrés ! Le « small is
beautiful » peut être romantique et plaire aux médias, il ne
résoudra pas les problèmes. Pour ma part, j'ai la conviction que pour faire
réellement progresser la cause de l'environnement, nous devons changer
d'échelle. Pour cela (c'est totalement étranger à la culture des Verts), la
question du rendement est centrale. L'idée qu'il faudrait en revenir aux
pratiques agricoles d'antan est absurde, car l'écologie, c'est améliorer le
rendement pour moins puiser dans les ressources naturelles ! Si l'on veut
avoir moins de pression sur les terres, augmenter la surface forestière pour
faire des puits de carbone et nourrir une population en augmentation, il
n'y a pas d'autre solution. On ne peut pas résoudre l'équation autrement, sauf
à renoncer à nourrir le monde. C'est le progrès technologique qui permet
d'améliorer le rendement ! Et la réflexion vaut pour tous les sujets. Les
voitures électriques ou hybrides se développent parce que nous avons
négocié au niveau européen des perspectives de baisse des émissions de CO2
à dix ans, et que les industriels, voyant qu'on ne dérogerait pas, se sont mis
au travail. Cela produit des résultats concrets, et massifs. L'écologie crève
depuis des années de la marginalité, visant des niches, des produits écologiques
très marginaux. Cela ne résout pas les problèmes de fond.
On a fait croire aux gens que le chauffage des terrasses de
café est un enjeu majeur pour le climat, et donc un symbole extrêmement
important. C’est à côté de la plaque !
Le projet de
loi issu des travaux de la Convention citoyenne pour le
climat, dont vous aviez soutenu la création, est en cours d'examen à
l'Assemblée. Pourtant vous avez choisi de ne pas faire partie de la Commission
spéciale qui travaille sur le texte. Est-ce que le texte vous déçoit ?
Étant un peu
l'un des « pères » de cette CCC, je ne regrette pas d'avoir innové
sur le plan démocratique, mais je suis déçu par le résultat. Notamment par le
fait que des sujets essentiels ont été écartés, alors que nous souhaitions
justement une réflexion sans tabous. Les « conventionnels » ont
écarté d'emblée la question du prix du carbone et de la fiscalité écologique,
alors que c'était l'une des raisons pour lesquelles nous les avions
rassemblés ! Évidemment, on ne peut pas mener de politique efficace et de
grande ampleur sur le climat sans donner un prix au carbone. La question
intéresse le monde entier, et si vous l'écartez, vous vous condamnez à manquer
votre cible. Du coup, on a vu de petites surenchères sur quelques points
symboliques. Par exemple, se focaliser sur le transport aérien n'a aucun sens,
ni écologique, ni économique, ni scientifique. C'est du symbole. Les émissions
de CO2 de l'aviation, en temps normal, c'est-à-dire avant la crise
qui a conduit à une baisse de 60 % du trafic aérien, représentent moins
de 5 % des émissions des transports ! Cette loi permettra
peut-être quelques progressions, mais elle n'est qu'un élément d'une politique.
De la même manière, on a fait croire aux gens que le chauffage des terrasses de
café est un enjeu majeur pour le climat, et donc un symbole extrêmement
important. C'est à côté de la plaque ! Avec un chauffage électrique, cela
n'a plus aucun impact CO2, en France. Si le sujet est le climat, ce
n'est pas un problème ! Ma conviction, c'est que si on
dit « notre combat, c'est le climat », la bataille no 1
en Europe et dans le monde, c'est de sortir du charbon et des énergies
fossiles. Cet objectif doit guider toutes nos politiques.
Peggy Sastre – Les oubliés
de la Convention citoyenne sur le climat
Tout porte à
croire, même si vous n'êtes pas encore déclaré, que vous affronterez aux
élections régionales dans les Pays de la Loire deux autres écologistes :
Matthieu Orphelin, pour EELV, et Hervé Juvin, pour le Rassemblement national.
Ce sera la première campagne où s'opposeront, justement, trois visions de
l'écologie. Un laboratoire pour la présidentielle ?
Les
électeurs pourront juger et trancher. Certains sont dans la politique des
symboles et la course à la radicalité. Il faut qu'en face on puisse opposer une
vision claire qui cherche à transformer les choses durablement, avec des
progrès pour les gens. Le numérique a une empreinte écologique, mais permettra
des progrès écologiques considérables, dans les transports ou le pilotage de la
consommation d'énergie. Si certains veulent stopper son développement en
s'opposant à la 5G pour des raisons qui n'ont rien à voir avec l'écologie, ils
devront le dire. Quant au localisme, nous avons vu ce que cela donnait face au
Covid. Lorsque nous avons fermé les frontières, de nombreuses filières
économiques ont été assommées, d'autres ont cessé d'exporter. Et comment
aurions-nous pu avancer aussi vite dans la recherche d'un vaccin sans la
coopération mondiale ?
Soutiendrez-vous
Emmanuel Macron à la prochaine présidentielle ?
Bien sûr. Je
souhaite qu'il soit candidat pour un deuxième mandat en assumant une écologie
de progrès, et qu'il soit réélu. Je ferai tout pour que cela se produise
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EELV
est un parti politique avant tout (dit écolo), mais surtout sectaire et extrême
avec ces politiciens illuminés bornés !
L'écologie
est à la mode bobo, bien qu'utile sur le fond, mais si mal gérée, car ne faisant
à cause de ce parti qui fait comme d'autres tout pour avoir le pouvoir de la
mauvaise politique politicienne « d'empêcheurs de tourner en rond »
et qui n'arrive déjà pas à s'entendre jusqu’à dans ces propres rangs !
Et
ce n'est pas la solution une écologie politique bien que l'écologie doive être
soutenue, mais maitrisée autrement que de façon extrême, sans oublier de
devenir une charge trop lourde à supporter par les français et la France qui
n'est pas un grand pays et ne peut assumer tous les efforts demandés alors que
d'autres plus puissants ne font à peu près rien !
C'est
une affaire européenne et surtout mondiale !
Jdeclef
14/03/2021 17h14

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