vendredi 20 mai 2016

Les occidentaux n'ont rien voulu comprendre de ce moyen orient islamique en général!

"Les populations locales soutiennent l'État islamique"


INTERVIEW. Dans "État islamique, le fait accompli", Wassim Nasr explique pourquoi les sunnites d'Irak et de Syrie considèrent l'EI comme un moindre mal.

Il est une des rares personnes en France à véritablement connaître tous les rouages de Daech. Depuis le début de la guerre civile syrienne il y a cinq ans, Wassim Nasr est en contact permanent avec nombre de djihadistes présents tant en Syrie qu'en Irak. Sur sa chaîne France 24 et sur son compte Twitter, le journaliste arabisant décrypte au quotidien toutes les informations en provenance du "califat" de Daech. Il en a tiré État islamique, le fait accompli (Plon)*, un ouvrage rare expliquant dans le détail comment le groupe terroriste le plus puissant au monde est devenu un véritable État. Interview.
Le Point : L'EI est-il aujourd'hui en recul en Irak et en Syrie ?
Wassim Nasr : C'est indéniable, l'État islamique a perdu du territoire en Irak et en Syrie à cause des frappes intensives de la coalition et de l'effort entrepris au sol. Mais le plus important n'est pas de perdre du territoire, mais des villes. Car, en perdant des villes, les djihadistes perdent leur potentiel étatique à administrer les populations. Et ils en perdent, comme Beïji ou Tikrit. Or ces villes reprises à l'EI sont vides. Regardez Tikrit : une partie de la population a quitté la ville quand les djihadistes se sont emparés de la ville. Une autre, lors des bombardements de la coalition. Et c'est le cas de toutes les villes à majorité sunnite.
Ces bombardements poussent-ils les populations dans les bras de l'EI ?
Les frappes sont à double tranchant. À votre avis, pourquoi la coalition internationale décide-t-elle de frapper les centres névralgiques de l'EI ? Pour l'affaiblir et attiser la rébellion contre lui. Or ce n'est pas encore le cas. Cela pourrait davantage marcher en Syrie, car les populations ont encore de l'espoir, avec la présence d'autres groupes rebelles sunnites. Mais pas en Irak, où il n'y a pas d'autre alternative que l'État islamique. Donc les sunnites rejoignent de facto le camp de l'EI. Et plus il y a de frappes, plus il y a d'animosité contre le gouvernement et l'Occident.
Les populations sunnites ont-elles accueilli Daech à bras ouverts ?
D'après mes informations sur place, la majorité des sunnites d'Irak a effectivement fait un très bon accueil aux djihadistes de l'EI, après dix ans de promesses non tenues de la part du gouvernement de Bagdad. Les populations mais aussi des policiers et des militaires ont été totalement déçus par le gouvernement chiite sectaire de Nouri al-Maliki. Beaucoup d'entre eux avaient pourtant participé aux forces Sahwa, des milices sunnites qui avaient réussi à se débarrasser des djihadistes dans de nombreuses villes, en échange de la promesse d'une participation accrue au gouvernement central. Or celle-ci n'a pas été respectée, ni par Bagdad ni par leurs propres chefs de clan, corrompus. Ainsi, l'EI a été accueilli comme une force libératrice.
Comment les djihadistes ont-ils pu rester en place ?
Au lieu de placer à la tête des villes conquises ses combattants étrangers, l'État islamique a noué des alliances avec les notables locaux, tandis qu'il s'occupait de l'aspect militaire. Petit à petit, les populations sunnites ont considéré l'EI comme un protecteur. Aujourd'hui, en Irak, les populations continuent de soutenir l'État islamique. Si ce n'était pas le cas, la destruction des villes par l'armée irakienne ne serait pas nécessaire. Comme tout mouvement d'insurrection, l'EI bénéficie d'une assise populaire et ne peut pas conquérir de territoire sans l'assistance et l'aide de celle-ci.
Et en Syrie ?
La situation est différente en Syrie. Après cinq années de guerre, les populations ont besoin d'ordre et voient donc l'EI comme un moindre mal. L'État islamique a donc réussi à capter une bonne partie des sunnites, que ce soit en Irak ou en Syrie. Et il n'y aura pas de solution tant qu'il n'existera pas d'alternative à l'EI.
Les djihadistes étaient-ils présents dès le début de la révolution syrienne ?
D'après les témoignages que j'ai recueillis, je peux affirmer que les djihadistes étaient présents en Syrie dès la fin de l'année 2011 pour capitaliser sur la révolution. Et le fait que l'Occident, en dépit de ses paroles, n'ait pas aidé la rébellion a permis aux djihadistes de s'emparer du mouvement.
Daech est-il, selon vous, un véritable État ?
Je pense que l'État islamique a réussi à mettre en place un État, avec une administration, des infrastructures, un système éducatif, un bureau de plaintes. D'ailleurs, la coalition internationale ne s'y trompe pas. Lorsqu'elle frappe l'EI, elle agit comme contre n'importe quel autre État. Elle cible ses infrastructures pour que l'organisation ne puisse plus contenter les populations qu'elle contrôle, et ainsi encourager la rébellion populaire. Maintenant, j'ignore si cet État va pouvoir perdurer.
D'où l'EI tire-t-il principalement ses revenus ?
On parle beaucoup du pétrole, mais le trafic d'or noir a toujours existé dans la région depuis l'embargo sur l'Irak dans les années 1990. Le pays est ainsi devenu une plaque tournante du trafic de pétrole, transitant avant tout par le Kurdistan irakien puis par la Turquie. Ce commerce a enrichi de nombreux trafiquants qui revendent le pétrole aux meilleurs acheteurs sans considération politique aucune. Et il est d'autant plus difficile à tracer qu'il est mélangé au flux légal de pétrole. On ne peut donc pas accuser des pays comme la Turquie d'acheter le pétrole à l'État islamique, ce qui reviendrait à accuser l'Union européenne de vendre, dans ses bijouteries, des "diamants du sang" africains ! Pour ma part, j'estime, d'après les nombreux témoignages que j'ai pu recueillir, que l'EI tire avant tout ses revenus des ressources contenues dans les zones qu'il contrôle : le blé, le béton, les taxes sur les droits de passage…
Daech bénéficie-t-il de soutiens étatiques ?
Aucun État ne soutient aujourd'hui l'EI. C'est un électron libre qui représente, au contraire, un danger imminent pour des pays comme l'Arabie saoudite et la Turquie, qui sont pourtant accusées de le financer. Oui, il y a eu des donateurs privés en provenance des pays du Golfe. Oui, certains pays ont pu fermer les yeux sur ces transferts d'argent au début de la rébellion syrienne. Mais cela ne signifie en aucun cas qu'ils soutiennent l'État islamique. Si l'embryon d'Al-Qaïda a été financé par la CIA dans les années 1980, cela ne signifie nullement que les États-Unis ont commandité le 11 Septembre ! N'oubliez pas que l'Arabie saoudite a financé en grande partie des Sahwa, ces milices sunnites qui ont réussi en 2007 à chasser les djihadistes de nombreuses villes d'Irak. En Syrie, de la même manière, Riyad soutient toutes les formations anti-djihadistes. Aujourd'hui, l'EI constitue un danger existentiel pour l'Arabie saoudite tout comme pour la Turquie, les deux pays observant une entité révolutionnaire s'installer à leurs portes.
À vous lire, Daech ne régnerait pas que par la terreur…
L'EI règne aussi bien par la terreur que par les valeurs islamiques qu'il affiche, la redistribution, le manque d'alternative face à lui et les alliances nouées avec les clans locaux. Personne ne peut régner uniquement avec le glaive. Regardez, il existe une justice, assez efficace, au sein de l'EI, notamment en ce qui concerne les émirs et les soldats fautifs contre lesquels il est possible de porter plainte. L'État islamique veut refléter l'image d'un État vertueux auprès des populations qu'il dirige, en opposition aux pouvoirs corrompus en place depuis des décennies. Mais cet affichage peut être contredit dans les faits par les intérêts et calculs, notamment vis-à-vis des clans locaux qu'il faut amadouer.
Daech n'a-t-il pas massacré des minorités, notamment les chrétiens d'Orient ?
Il n'y a jamais eu de massacres à proprement parler de chrétiens d'Orient. Certes, certains de leurs combattants ont été tués par les djihadistes et des églises ont été saccagées, mais, sous l'État islamique, les chrétiens sont traités comme des dhimmi (citoyens non musulmans, NDLR). Ils peuvent rester dans les territoires de l'EI à condition de payer une taxe (la jizya). Ils ont été soumis à ce statut en Syrie, ou forcés à l'exil en Irak. La situation est différente pour les chiites, que les djihadistes considèrent comme des apostats, ou des Yézidis, qu'ils qualifient d'« adorateurs du diable ». Beaucoup de femmes yézidies ont ainsi été réduites en esclaves, et leurs enfants convertis à l'islam. D'après les djihadistes, chacun de leurs actes a une justification religieuse.
Vous qualifiez de « mythe » l'idée selon laquelle l'armement de l'EI serait sophistiqué. Comment expliquer dans ce cas leur efficacité ?
L'EI s'est emparé d'une quantité non négligeable d'armements, piochés dans les stocks des armées syrienne et irakienne. Mais ces armes demeurent relativement anciennes en comparaison avec celles que possèdent les soldats combattant les djihadistes. La différence se situe surtout dans la motivation, autrement plus importante, des djihadistes qui se battent pour une cause, et non pour une quelconque solde. D'ailleurs, on constate que ceux qui obtiennent des résultats face aux djihadistes sont des combattants tout aussi dogmatiques : les membres du PKK kurde ou du Hezbollah, par exemple.
Les chefs de Daech croient-ils vraiment à l'apocalypse ?
Bien sûr. Les djihadistes de l'État islamique sont en train de préparer la fin du monde, et leur combat doit provoquer la venue du Messie. C'est à lui que le drapeau de l'EI sera confié. C'est sur la plaine de Dabiq, en Syrie, que doit avoir lieu la bataille finale entre les armées musulmanes et romaines, c'est-à-dire occidentales. L'État islamique veut précipiter l'arrivée de troupes occidentales au sol. C'est d'ailleurs pour cela que la tête de l'otage américain Peter Kassig a été enterrée sur cette plaine.
La foi islamique motiverait-elle donc réellement l'action des djihadistes ?
Tout à fait. Les gens ont du mal à accepter que la religion puisse être le moteur de l'action et des revendications politiques. Or c'est pourtant le cas partout dans le monde, de George W. Bush et sa « croisade » en Irak jusqu'au patriarche Kirill de Russie qui a béni en 2015 les avions de chasse russes engagés en Syrie. C'est aussi le cas des djihadistes de l'EI et d'Al-Qaïda.
Vous affirmez dans votre ouvrage, en citant des témoins, que, dans le monde musulman, la liberté est souvent synonyme de charia. Qu'entendez-vous par là ?
En effet, pour beaucoup de gens dans le monde musulman, la liberté signifie vivre selon les lois inspirées de la charia, ce qui n'est d'ailleurs pas forcément incompatible avec la démocratie. Regardez le résultat des élections en Égypte en 2011 et en 2012 ou dans les Territoires palestiniens en 2006 : elles ont respectivement porté au pouvoir les Frères musulmans et le Hamas. Beaucoup de musulmans aspirent à vivre sous la charia, y compris certains vivants dans les sociétés occidentales. C'est d'ailleurs pour cela que certains rejoignent l'État islamique.
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Depuis l'Afghanistan et la guerre en Irak sous l'égide majoritaire des USA ces populations ont une culture islamique ancrée dans leur histoire et considère les occidentaux comme des envahisseurs ou occupants, voir mécréants!

Et malgré les Talibans extrémistes qui pratiquent la charia ou DAESH qui font des actes de barbarie, ils préfèrent quelque fois cela, même si cela nous parait inconcevable dans nos sociétés libres démocratiques, voire laïque !
La religion chez eux prime sur tout le reste, et par notamment ces « printemps arabes » ou encore les occidentaux ont voulu se mêler, cela a été une erreur de plus de vouloir instiller des démocraties comme les nôtres en donneur de leçon teintée de droit de l'homme quand on voit déjà la condition de la femme dans leur culture par exemple !

(Peut être une réminiscence de nos missionnaires et de notre histoire coloniale notamment de grands pays et leurs empires, la France et l'Angleterre en Afrique et Asie)
Jdeclef 20/05/2016 13h58

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