Sarkozy :
"Je sais comment ça va se finir"
Sans filtre.
L'ancien président se livre. Au gouvernement ou dans son camp, il n'épargne
personne. Surtout pas Juppé, qu'il pense battre.
Quand et comment
allait-il jeter l'éponge ? C'est dans l'espoir de recueillir ces confidences
qu'on a voulu voir Nicolas
Sarkozy. Pourquoi vous acharnez-vous ? attaque-t-on dans l'avion Paris-Delhi, le 12 avril. « On se
demande », réplique-t-il. Il picore un morceau d'ananas rôti. Sourit. Soupire.
Sourit encore. « On se demande, oui, pourquoi je fais ça. » On s'attendait à
surprendre une lassitude, à déceler les stigmates du renoncement, à
entrapercevoir une ombre incertaine dans son regard, à entendre des points de
suspension mourant à la fin de ses réponses, à comprendre qu'il n'irait pas
jusqu'au bout, qu'il ne serait pas candidat, il ne prendrait pas le risque de
perdre, or il ne pouvait pas croire qu'il allait gagner. C'était la logique de
l'histoire. La sienne et la nôtre. Il était devenu le personnage tragique de
l'époque, pensait-on. Celui que François Fillon avait
décapité devant nous, début avril : « Même les militants ne veulent pas de
Sarkozy. Ils ne veulent pas qu'on leur impose le même match. Ma longue
fréquentation de Nicolas m'a appris, parce qu'il le répétait tout le temps, que
les Français étaient régicides. Une fois que vous avez coupé la tête du roi,
c'est difficile de la remettre sur son cou. » Étêté, le Sarkozy ?
Nicolas Sarkozy et Alain Juppé au
Conseil national des Republicains , le 13 février. Selon l'ex-président, Juppé
est comme Fillon : "Il n'a pas d'idées. Pas d'originalité." © Bruno
Levy
On n'y était pas. «
Ce qui est dingue, ce n'est pas de faire de la politique, c'est de vivre à
fond. On pense qu'on est propriétaire de la chose la plus fragile : la vie.
J'ai la passion et l'énergie, mon Dieu. Je me demande pourquoi ça ne se tarit
pas », nous raconte-t-il dans la navette Paris-Nice, le 26 avril - les avions,
ça autorise toutes les apesanteurs, toutes les leçons de philosophie à voix
haute. Et l'ancien président de poursuivre : « On ne choisit pas d'être comme
ça. On est comme ça. » Il est comme ça. Il épuise. Lui, vous, nous, eux. Il
fait tout trop. Il opine. « Oui, trop, c'est moi. Je suis obsessionnel,
hélas... » Il n'est qu'intensité. Ça brûle, il est cramé, enfin c'est ce qu'on
croyait. Ce qu'on a découvert, ces dernières semaines, c'est qu'il était
ignifugé. Il va bien. Vraiment bien. « Il y a quelques mois, il était énervé ;
là, j'ai été étonné de le trouver serein, patient, le visage décontracté »,
témoigne Hubert Falco, qui le recevait dans sa chère ville de Toulon le 26
avril et qui ne saurait être suspecté de sarkozysme - les proches d'Alain Juppé
assurent d'ailleurs qu'il ne va plus tarder à annoncer son soutien à l'ancien
Premier ministre. « Face à la difficulté - les sondages, les problèmes
judiciaires -, ou bien Nicolas s'écroulait, ou bien il se dépassait, complète
Falco. Il est métamorphosé. Il est gentil avec tout le monde, redoutable, donc.
Prudence, il est capable de renverser la table, il a le socle. Ce n'est pas
joué. Juppé n'a pas gagné. »
"The
world needs you. France needs you."
On n'a pas été déçu
du voyage. Alors bien sûr, avec Sarkozy on n'est jamais déçu, parce que l'homme
sait donner un spectacle. Et de sa personne, tant et tant. Il est incapable de
faire autrement. Aujourd'hui, ça peut paraître fou, mais il est convaincu...
qu'il va gagner la primaire. Il n'était que de le voir, lors de son périple
mi-avril au pays de Gandhi, parler aux Indiens comme le futur président. Lui
demande-t-on en quelle qualité le Premier ministre, Narendra Modi, l'a reçu
qu'il plaisante : « Comme il avait du temps à perdre, il s'est dit : « Je vais
rencontrer un petit retraité avec ses deux potes'' » [NDLR : les élus
Républicains Éric Woerth et Luc Chatel, qui étaient de la virée à Delhi]. Il
fallait l'entendre, à la fin de son entretien avec Manmohan Singh, l'ancien
Premier ministre, saluer son hôte dans un anglais qui n'a plus grand-chose de
ridicule, il faut dire qu'il a bossé : « Unfortunately, we are leaving this
evening. I have a lot of work. The politics is not finish for me." A quoi
Singh a répondu : "The world needs you. France needs you." Et Sarkozy
de jeter un coup d'oeil dans notre direction pour vérifier qu'on avait bien
entendu.« Je sais ce qui va se passer, nous a-t-il juré, dans cet avion pour Delhi. On me dit « si la gauche vient voter »... Mais c'est ne rien comprendre à ce que sont la gauche et le peuple de droite. Vous voyez un électeur de gauche dire qu'il est de droite pour voter à la primaire ? La dynamique, c'est le noyau dur. Ça va se gagner à l'énergie, à l'envie. » Il fait le geste de la conquête avec le poing. On le provoque : « Mais il y a une envie de Juppé, non ? » Il sourit. « Je me souviens de Balladur. J'étais sûr qu'il allait gagner. Les journalistes l'adoraient. Mais vous ne rencontriez personne qui allait voter pour lui en dehors de Paris. Plus on est le candidat des médias, de l'establishment, moins on a de chances. Je vous le signe. Moi, j'ai eu la chance de connaître ça avec Balladur. Je sais comment ça va se finir. »
« Il
y a un mouvement tectonique qui ne se voit pas »
Et il dégaine la
phrase qui lui sert de leitmotiv, ces temps-ci : « Le sage montre la lune,
l'imbécile regarde le doigt. » L'imbécile, c'est le microcosme médiatique, bien
sûr. Impossible de le suivre sans entendre cette maxime au moins deux ou trois
fois par jour. Ça reste moins que la question qu'il pose à tout-va, à tout le
monde, tout le temps : « Tu as vu ce film ? » Et il vous relate l'histoire, il
a tellement souffert qu'on le dise inculte qu'il n'en finit pas d'avoir besoin
de faire savoir qu'il voit des films, et des bons, presque tous les soirs, et
qu'il s'en souvient. Il ne veut surtout plus passer pour un « plouc », souvent
il répète ce mot, à propos des autres. On sent que ça l'obsède de ne surtout
pas être un « plouc ». Alors même qu'avant, avant Carla, il disait qu'il était
« un gros populaire ». « Vous voulez savoir le dernier film que j'ai vu ? »
Comment esquiver ?
L'ancien président dédicace son dernier
ouvrage, "La France pour la vie", à Nice, le 26 avril. © Valery Hache
En lui parlant du
sage qui montre la lune et de l'imbécile qui regarde le doigt, pardi ! « Il y a
un mouvement tectonique qui ne se voit pas », veut-il croire. « Mon livre [NDLR
: La France pour la vie, Plon]
s'est vendu à 180 000 exemplaires, je passe mon temps sur le terrain devant des
salles pleines. » On est toujours dans l'avion pour Delhi. Les hôtesses
sollicitent des autographes. Et un selfie par-ci, un autre par-là. Il n'a pas,
dans les gestes et dans la crispation du sourire, l'agacement qu'on lui
connaissait. « J'aime ça », il nous dit. Et il évoque une rencontre avec les
militants, la veille, à Saint-Maur, dans le Val-de-Marne. « Les gens étaient
suspendus. J'aime. » Il nous dévisage. « Ça donne de la force. » Il mentionne
le serveur du McDo qui lui a demandé une dédicace pour sa petite copine
coiffeuse lors d'une séance de signatures au Leclerc de Montargis, le jeudi
précédent. Qu'est-ce qu'il signe, Sarkozy ! Il ne se déplace plus sans
enchaîner les séances de dédicaces : trois en deux jours lors de son seul
déplacement dans le sud de la France, les 26 et 27 avril. Et chaque fois ça
dure des heures... « C'est vraiment un honneur, un honneur », lui répète la
première demandeuse de paraphe de la journée, une dame aux cheveux noirs qui
patiente depuis plus de deux heures dans le jardin Albert-Ier de Nice. Un peu
plus tard se présente un jeune Arthur de 14 ans qui veut être « président ».
Gloussements des journalistes. Sarkozy : « Laisse-les rire, eux ils ne seront
pas président. Tu sais, si tu n'y crois pas, Arthur, personne n'y croira pour
toi. » Il prend l'air entendu de celui qui en sait quelque chose. « J'aime les
êtres extraordinaires », le congratule une blonde aux yeux gris. Et Pascalou,
36 ans, les cheveux en pétard, le presse : « Faites tout pour revenir ! Il faut
nous débarrasser de François Hollande ! » Ce président dont Sarkozy ne nous a
guère parlé, sauf pour le juger « faux et froid » et le condamner par ces mots
: « Vous vous rendez compte, il ne lit pas de livres ! » Mais ça, il ne le dit
pas à Pascalou.Tous veulent une photo. Noémie pousse l'audace jusqu'à poser le menton sur l'épaule de son héros. A-t-on halluciné ? La tache de fond de teint sur la veste de Sarkozy atteste que non. Une autre, aux anges : « Oh, la chance, notre futur président ! » Une brunette lui embrasse le crâne. Il est un peu surpris. Et terriblement réjoui. Il se tourne vers les représentants des médias : « Ils sont gentils, les gens ! Ça vaut tous les sondages ! Ça, c'est du vrai ! » Eric Ciotti, député LR des Alpes-Maritimes, opine : « Ça traduit quelque chose, quand même, souligne-t-il. On peut dire que ce sont des fans, mais il n'y a pas que des militants. » « Il y en a peut-être un quart d'encartés, pas plus. Les autres, c'est des Aixois », dénombrera Maryse Joissains, le lendemain, à Aix-en-Provence, tandis que 1 500 personnes sont agglutinées dans et devant la Librairie de Provence. Des voix s'élèvent : « Sarko président » et ça dure deux, trois minutes, peut-être plus. « Juppé, je n'en veux pas, il est trop vieux, trop orgueilleux », assène Yvette. Sarkozy pouffe discrètement, mais ne dit rien. À chacun il répond : « C'est sympa, merci beaucoup ! » Variante : « Merci beaucoup de votre gentillesse. » Il a l'air de le penser. Il a l'air heureux.
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Mais essayons d’être juste, si l'ex
président et le président actuel ne se présentaient pas ou n'étaient pas élus,
beaucoup de français seraient déjà satisfaits...
Car le vrai changement en 2017, il ne
faut pas croire au père Noël !
On retrouve hélas toujours les mêmes et
nos concitoyens ont de la constante et un manque d'imagination et un
conservatisme incurable semble-t-il ?
Jdeclef 16/05/2016 13h21
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