jeudi 8 octobre 2020

Les juges ont tendance à faire leurs lois ou les interpréter pour les jugements qu'ils rendent, à la limite d'un état dans l'état !

 

Les juges n'écoutent plus Dupond-Moretti

Les magistrats déclarent la guerre au garde des Sceaux, qui leur demande des comptes dans l'affaire des fadettes.

Il y a quelques années, au palais de Justice de Paris, le rare bureau où l'on pouvait encore fumer - illégalement - était celui du juge Thiel. Éric Dupond-Moretti, pas encore garde des Sceaux mais déjà terreur des prétoires, aimait s'y arrêter pour en griller une et se livrer à l'une de ces joutes verbales dont les deux hommes avaient le secret. C'est ainsi que le bouillant magistrat antiterroriste de la galerie Saint-Éloi raconte avoir lancé un jour à son illustre visiteur : « Votre plus grand mérite est d'être un révélateur de la lâcheté judiciaire. » Manière de critiquer les magistrats qui se couchaient devant les rodomontades de Dupond-Moretti. « J'avais poursuivi en lui disant qu'il ne terrorisait que les cons, raconte Gilbert Thiel, aujourd'hui à la retraite. Il y avait eu un blanc de trois ou quatre secondes. Puis celui-ci avait répondu : "Vous avez raison, j'en dirais autant à votre endroit !" » Un partout, balle au centre !

« Je ne terrorise que les cons » : Éric Dupond-Moretti a fait de cette phrase un grand classique de ses interviews. « Mais il a oublié le droit d'auteur ! J'ai pourtant mon greffier en témoin », se bidonne Thiel. Las. Depuis quelques semaines et sa nomination Place Vendôme, les juges ne sont plus très nombreux à « se coucher » devant lui, et sont plutôt vent debout. Les plus haut magistrats du pays, François Molins et Chantal Arens, se sont fendus le 29 septembre d'une tribune dans Le Monde, dénonçant le « conflit d'intérêts » dans lequel serait empêtré Éric Dupond-Moretti, s'inquiétant des menaces qui pèsent sur l'indépendance de la justice. Les deux principaux syndicats, l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire) et le Syndicat de la magistrature (SM, gauche), toisent le garde des Sceaux et ne veulent plus s'adresser à lui. Des motions de défiance ont été votées à la quasi-unanimité, lors d'assemblées générales dans 82 tribunaux du pays. Même les avocats, flattés qu'un des leurs ait accédé à la chancellerie, témoignent désormais de leur soutien à voix basse. Ou pas.

Le ministre peut, néanmoins, compter sur le soutien de Robert Badinter, figure idolâtrée du monde judiciaire pour avoir aboli la peine de mort. Invité à déjeuner à la chancellerie il y a quelques jours, l'ex-ministre n'est pas venu les mains vides. Un exemplaire dédicacé de son ouvrage Les Épines et les Roses, récit autobiographique de ses années Place Vendôme, voilà quatre décennies, trône désormais sur le bureau d'Éric Dupond-Moretti. Comme une source infinie d'inspiration… « Des épines, Robert Badinter en a connu avec les juges, souffle l'actuel garde des Sceaux. Je ne suis ni le premier ni le dernier », ajoute-t-il, rappelant qu'Élisabeth Guigou reçut, en son temps, « des exemplaires du Code pénal à la figure ». Mais que s'est-il passé en à peine trois mois, depuis que Dupond-Moretti, à la surprise générale, fut nommé ministre - à l'instigation, dit-on, de Brigitte Macron ? Lui qui avait ému l'assistance lors de la passation de pouvoir, rappelant le magnifique orateur qu'il était, est devenu à lui seul un problème politique.

Tempête. Tout remonte au 24 juin. Ce jour-là, Le Point révèle que le parquet national financier (PNF) a mené, de 2014 à 2019 et dans le plus grand secret, une enquête préliminaire visant à identifier une « taupe » à même de renseigner Nicolas Sarkozy et son avocat, Thierry Herzog, sur des procédures judiciaires en cours. Ces investigations, qui déboucheront sur un classement sans suite, ont conduit les policiers à éplucher les fadettes (factures détaillées) des téléphones de quelques-uns des avocats les plus réputés de France, dont Me Dupond-Moretti, et à réclamer des données leur servant à en géolocaliser certains. Si ces mesures attentatoires aux libertés individuelles ont été limitées dans le temps - quelques jours au plus -, l'enquête durera six longues années, sans que rien ne vienne le justifier.

Lorsque l'affaire éclate, Me Dupond-Moretti laisse exploser sa colère ; il dénonce des « méthodes de barbouzes » et porte plainte. Dix jours plus tard, le voilà ministre de la Justice. Le désormais ex-avocat n'a d'autre choix que de retirer sa plainte, mais il promet de rendre public le résultat de l'inspection ordonnée par sa prédécesseur, Nicole Belloubet. Le rapport est rendu le 15 septembre. Si l'Inspection générale de la justice estime qu'aucune faute n'a été commise par les magistrats du PNF dans l'exercice de leurs fonctions, et que le secret professionnel n'a pas été violé, elle émet tout de même de sérieuses critiques, note un manque de rigueur dans le suivi de la procédure, pointe de nombreuses erreurs matérielles et soulève quelques questions. Pourquoi l'enquête a-t-elle duré si longtemps ? Pourquoi aucun acte n'a-t-il été mené pendant plusieurs mois, voire plusieurs années ? Pourquoi a-t-elle été conduite en secret, sans que les magistrats croient bon d'en avertir leur hiérarchie ? Pourquoi, enfin, a-t-elle été cachée à la défense, alors qu'une information judiciaire confiée à des juges d'instruction était en cours ? Autant de questions qui, pour le garde des Sceaux, peuvent s'assimiler à des « manquements au devoir de diligence, de rigueur professionnelle et de loyauté ». Trois jours après avoir publié le rapport de l'Inspection, Éric Dupond-Moretti ordonne une enquête administrative et le fait savoir par voie de presse, citant les trois magistrats visés. La tempête se lève immédiatement.

« Gages ». L'USM se sent confortée dans ses propos lorsqu'elle avait déclaré, dans un drôle de procès d'intention, le soir même de la nomination d'Éric Dupond-Moretti, qu'il s'agissait d'une « déclaration de guerre à la magistrature ». Le SM embraie et souligne le conflit d'intérêts qui touche le ministre. Comment peut-il ordonner une enquête administrative contre des magistrats, alors qu'il s'estime lui-même victime de leurs méthodes, consistant à éplucher ses fadettes alors qu'il était encore avocat ? Comment peut-il prendre une telle initiative, affaiblissant de facto le PNF (placé sous son autorité hiérarchique) et la justice anticorruption, alors que son ami Thierry Herzog, avec lequel il s'est affiché cet été en vacances, doit être jugé cet automne pour « corruption », au côté de Nicolas Sarkozy ? « On ne se soulève pas parce que trois collègues font l'objet d'une inspection. Si nous sommes dans la rue, c'est parce que nous considérons que la justice est menacée […] et que des intérêts privés dominent l'action publique », assènent les syndicats USM et SM, unis dans la lutte. Ils ne veulent plus discuter avec le garde des Sceaux mais directement avec le président. Béatrice Brugère, secrétaire générale d'Unité Magistrats, refuse pour sa part la « posture » qui consisterait à rompre les discussions mais elle estime que l'on est « peut-être dans les prémices d'une crise institutionnelle ». « Soit l'exécutif calme le jeu et donne des gages pour éviter que le dialogue ne soit définitivement rompu, soit c'est l'escalade et on ne sait pas où elle nous mènera », prévient-elle. Son syndicat maintient son recours contre l'enquête administrative diligentée par le ministre, devant le Conseil d'État.

Éric Dupond-Moretti a-t-il sous-estimé la révolte qui couvait ? À peine les premiers vents avaient-ils commencé à souffler qu'il en rajoutait en critiquant « l'entre-soi des juges », au moment de nommer, à la tête de l'École nationale de la magistrature, la vice-bâtonnière de Paris, Nathalie Roret, première femme et premier avocat à occuper ce poste. Une décision qui allait encore davantage tendre ses relations avec les magistrats. Depuis des jours, le garde des Sceaux passe son temps à défendre ses choix. Il affirme que Thierry Herzog « est un ami et le restera », rouspète contre l'impunité supposée des magistrats. « Ce sont des gens qui convoquent les Français tous les jours, qui leur demandent des comptes, qui exigent de la transparence, et qui ne veulent pas répondre à un certain nombre de questions quand elles leur sont posées, mais on marche sur la tête ! » a-t-il tempêté, faisant référence à l'ancienne patronne du PNF, Éliane Houlette, qui a refusé d'être interrogée par l'Inspection, préférant répondre aux questions de Paris Match. Le garde des Sceaux nie tout conflit d'intérêts, affirme n'être « ni partie, ni juge », oubliant de préciser que lui seul aura le pouvoir, à la fin de la procédure, de prononcer une éventuelle sanction contre les parquetiers du PNF. Il devra au préalable, et à l'issue de l'enquête administrative, saisir le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) pour avis, lequel n'est pas contraignant. Comprendre : rien ne l'obligera à le suivre. Éric Dupond-Moretti refuse d'ailleurs de s'y engager publiquement.

« Fatwa ». Pour sortir de la crise, le garde des Sceaux aurait pu laisser au Premier ministre le soin de lancer l'enquête administrative contre les magistrats du PNF qu'il appelait de ses vœux. Mais il a préféré assumer, sur son nom. Signe d'un courage certain ou, selon d'autres, d'un manque d'expérience politique coupable… « Éric a un côté chiffon rouge qui nuit à la cause, commente un avocat qui l'a souvent côtoyé aux assises. Il me fait penser à Claude Allègre, qui, après avoir comparé son administration à un "mammouth qu'il fallait dégraisser", se plaignait ensuite de n'arriver à rien. » De fait, Dupond-Moretti a beau annoncer un budget en très forte hausse (+ 8 %, du jamais-vu), défendre aussi les magistrats face aux propos tenus par Marine Le Pen sur le laxisme des juges, rien n'imprime : le ministre est constamment renvoyé à son « conflit d'intérêts ». Un militant anticorruption a même saisi à ce sujet la Cour de justice de la République (CJR), pointant une prise illégale d'intérêt. « Ce délit aurait pu être caractérisé s'il n'avait pas retiré sa plainte contre le PNF. Aujourd'hui, ça va être plus compliqué à démontrer », décrypte un magistrat. Lequel poursuit : « Je n'étais pas contre la nomination d'un grand avocat pénaliste pour défendre les libertés publiques, face au bulldozer du ministère de l'Intérieur. Mais la nomination de Dupond-Moretti est une mise au pas décidée par le pouvoir politique, une marque d'hostilité pour le droit pénal des affaires. C'est du marketing. » 

« On dit que la femme de César ne doit pas même être soupçonnée, sourit Thiel. C'est pareil pour Dupond. » Sous-entendu : la justice ne doit pas seulement être impartiale et indépendante, elle doit aussi en donner l'image. C'est la fameuse théorie de l'apparence de tradition anglo-saxonne qui interroge, ici : en s'affichant avec Thierry Herzog, cet été, dans Paris Match, Dupond-Moretti a-t-il malmené ce principe ? N'aurait-il pas dû s'abstenir de lancer une enquête administrative, alors que le conseil de l'ordre des avocats de Paris avait déjà assigné l'État en responsabilité civile ? Un ancien juge d'instruction parisien hausse les épaules : « Dupond bouscule nos corporatismes et il y a une part de mauvaise foi dans les attaques menées contre lui. Dès sa nomination, il a d'ailleurs eu droit à une fatwa. » Le Syndicat de la magistrature n'avait pas attendu qu'il soit nommé à la chancellerie pour tenter - sans succès - de s'opposer à une inspection sur le PNF.

« Je trace ma route ». Éric Dupond-Moretti a de nombreux chantiers devant lui, parmi lesquels la réforme très attendue du statut du parquet. Il réfléchit à faciliter la justice de proximité ; à mettre en place, avec les tribunaux de commerce, des mécanismes de prévention pour éviter la faillite des agriculteurs en difficulté. Le ministre est également attendu sur la question carcérale, après la mise en demeure du Conseil constitutionnel enjoignant au Parlement de légiférer dans les cinq mois pour faire respecter le droit des prévenus à des conditions de détention dignes. « Je trace ma route, ma porte est ouverte », confie-t-il.

Le 2 octobre, en pleine débâcle médiatique, le ministre a reçu le soutien surprise de Tiphaine Auzière, avocate et fille de… Brigitte Macron, qui s'est improvisée chroniqueuse sur Europe 1. Dans un billet intitulé « Coup de griffe contre ceux qui s'attaquent aux avocats », la juriste est revenue sur les robes noires menacées « dans l'exercice de leur profession ». À ce titre, elle a cité Éric Dupond-Moretti, qui avait reçu des lettres de menaces pour avoir accepté de défendre Abdelkader Merah. Puis, citant Balzac, Me Auzière ajoutait : « La gloire d'un bon avocat consiste à gagner de mauvais procès. » Sauf qu'Éric Dupond-Moretti n'est plus avocat…

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Et ils font de la politique malgré qu’ils devraient être neutres et impartiaux, cela se voit notamment quand les justiciables sont des élus ou ex élus avec une justice d’une lenteur exceptionnelle pour faire trainer les procès qui se terminent souvent par le grand âge des accusés (bénéficiant d’immunités diverses parlementaires ou autres) donc sans véritable sanction de fait, on en a eu des exemples dans notre histoire de cette V eme république jusqu’au plus haut de l’état !

Pour le reste les juges sont une caste d’un autre âge exemple parfait d’un corporatisme rigide, alors avoir nommé un avocat de renom frondeur médiatique en plus comme ministre de la justice qui peut mettre des bâtons dans les roues des affaires qu’ils jugent ou ont été jugés est un camouflet qui n’étonne personne de la part de ses robes rouges à cols d’hermine avec leurs décorations bien accrochées sur leurs poitrines !

Surtout s’il s’agit d’une autre caste opposée, celle des avocats qui veut se mêler de leurs affaires et notamment celle du parquet financier bombe à retardement qui ne demande qu’à exploser !

Notons simplement que c’est E.MACRON qui l’a nommé comme d’habitude avec ses choix hors normes hasardeux, mais DUPOND-MORETTI sera difficile à déboulonner, car têtu comme un bull dogue qui ne lâche pas son os !

Là-dessus les français lambda regardent cela : comme un spectacle pitoyable sans trop en comprendre la finalité, car ils ont d’autres soucis et notamment que la justice soit moins laxiste en appliquant les sanctions avec plus de rigueur aux justiciables quand ils sont condamnés, sans erreur de procédures !

Jdeclef 08/10/2020 14h19

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