samedi 13 novembre 2021

Elever des adolescents est compliqué pour les parents, surtout dans notre société qui marche à la vitesse du son et de l'image des réseaux sociaux poubelles du net !?

 

Joggeuse en Mayenne : chronique d’un mensonge

Lundi soir, la disparition de Lisa, 17 ans, a mobilisé un très important dispositif, avant que la jeune fille ne réapparaisse, vivante, le lendemain soir.

Le mensonge a donc tenu près de quatre jours. Mais avant de devenir une « dénonciation d’infraction imaginaire » qui lui vaudra des poursuites judiciaires, selon le communiqué diffusé ce vendredi à 15 heures par la procureure de Laval, Céline Maigné, l’histoire de Lisa P. a d’abord tenu en haleine toute une région, voire un pays entier.

Lundi soir, lorsque son père signale sa disparition aux alentours de 18 h 40, celle-ci est immédiatement prise très au sérieux, et pour cause : des effets personnels de sa fille, 17 ans, partie faire son jogging en milieu d’après-midi, ont été découverts sur son itinéraire habituel. L’inquiétude monte d’un cran lorsqu’on apprend que lesdits objets, en l’espèce une paire d’écouteurs reliée au téléphone portable et une montre, porteraient des traces pouvant s’apparenter à du sang. Une analyse rapide des données GPS de la montre indique que Lisa a quitté son domicile à 15 h 49 et qu’elle s’est volatilisée après seulement 5 minutes et demie de course à pied et 1,23 km parcouru. Aussitôt, une cinquantaine de gendarmes ratissent les lieux, soutenus par un hélicoptère. Sauf qu’il fait déjà très sombre, et cela ne donne rien.

Dans un premier temps, la joggeuse avait fait aux gendarmes le récit d'un « enlèvement par deux jeunes hommes la frappant et l'emportant dans une camionnette verte dans une maison d'où elle serait parvenue à s'enfuir en frappant l'un d'entre eux, resté seul », selon le communiqué du parquet.

Évidemment, ce vacarme inhabituel ne passe pas inaperçu auprès de la population. « On se demandait s’il n’y avait pas eu un accident, mais ce n’est que le lendemain, quand j’ai allumé la radio, que j’ai appris qu’une jeune fille avait disparu », raconte Jean-Marc. Pour ce riverain, c’est d’autant plus un choc qu’il connaît très bien la famille, dont le père avec qui il a tapé le ballon dans une équipe de foot de Sablé-sur-Sarthe, à quelques kilomètres de là. Quant à Lisa, beaucoup ont déjà aperçu sa silhouette sur les sentiers, comme Florian : « Dans le bourg de Saint-Brice, dans le lotissement, on la voyait passer au moins trois fois par semaine, c’est une sportive et elle connaît très bien les lieux. »

200 militaires mobilisés

Les lieux, justement, sont réputés tranquilles et, surtout, particulièrement fréquentés. Randonneurs, cueilleurs de champignons, VTTistes se croisent sur les chemins de la forêt domaniale de Bellebranche toute la journée. Un enlèvement, aussi rapide soit-il, aurait-il pu passer inaperçu ici ? « C’est très propre, très dégagé, et entre les arbres, on arrive à bien voir de loin, et avec tous les promeneurs, c’est assez bizarre quand même, il y a tout le temps du monde, sauf des chasseurs », s’interroge cet agriculteur qui exclut, de fait, l’hypothèse d’une balle perdue.

C’est pourtant, et logiquement, que l’enquête ouverte par le parquet de Laval change de braquet le lendemain et passe de disparition inquiétante à enlèvement et séquestration. Cela permet d’engager rapidement plus de moyens. Ainsi, les effectifs passent à 120 puis à 200 militaires. Ce n’est pas de trop pour verrouiller totalement la zone de près de 180 hectares parsemée d’étangs, dont celui de Curécy, qui se trouve sur l’itinéraire entre le domicile familial de Lisa et la forêt de Bellebranche. Interrompues par la tombée de la nuit, les recherches reprennent donc de plus belle aux premières lueurs du jour mardi matin. Petite consolation, l’épais brouillard de l’aube s’est vite dissipé, laissant place à un ciel bien dégagé. La météo est claire, la visibilité y gagnera, c’est déjà ça… Une battue s’organise.

Réapparue mardi soir saine et sauve dans un restaurant à une dizaine de kilomètres de son domicile, l'adolescente a reconnu vendredi devant les gendarmes avoir « menti ».

« On avance tous les uns à côté des autres, en partant du point de disparition, puis en élargissant le périmètre, explique Franck, un gendarme du coin à la retraite. Dès qu’un indice apparaît, on stoppe tout et on attend les enquêteurs. » Pourtant, malgré l’arrivée de plongeurs de Nantes pour sonder les plans d’eau, d’une brigade équestre pour progresser sur terrain difficile et de chiens pisteurs, toujours aucune trace de la joggeuse. Le porte-à-porte ne renseigne pas d’avantage, personne n’a rien vu, rien entendu d’anormal. On renvoie poliment les quelques volontaires qui se présentent spontanément pour donner un coup de main. Pendant ce temps, on apprend qu’un homme est en garde à vue depuis la veille au soir, 23 heures. Le quadragénaire a été interpellé en état d’ébriété après avoir passé plusieurs coups de téléphone aux forces de l’ordre pour s’enquérir de l’avancée de l’enquête. Les gendarmes ont trouvé cela suspect, tout doit être vérifié.

Réapparition

La journée de mardi s’écoule, sans aucune piste en vue. Or, on le sait, dans le cadre d’une disparition, chaque heure qui passe, c’est une chance qui s’envole… À 17 heures, Céline Maigné, la procureure de Laval, sort de son silence et tient une première conférence de presse. Indirectement, elle s’adresse aux éventuels auteurs et leur tend une perche : s’ils relâchent la jeune fille, la qualification des faits sera délictuelle et non criminelle.

Aux alentours de 20 heures, un miracle : à 13 kilomètres du lieu de sa disparition, Lisa réapparaît, et se présente, seule, dans un restaurant kebab de la rue Gambetta de Sablé-sur-Sarthe (ville dans laquelle elle est scolarisée). En état de choc, selon le gérant, elle présente des blessures qui se révéleront superficielles. Après l’immense soulagement, les questions déferlent. Qui a fait quoi, où, comment ? Une camionnette est évoquée. D’abord blanche, puis verte. Personne ne l’a vue. D’où arrivait la jeune fille quand elle a réussi à s’échapper, comme elle le prétend ? Elle ne sait pas répondre, et là encore, personne n’a rien remarqué. Pas même les enregistrements des caméras de surveillance de la ville et des commerces de cette artère très passante, qui sont saisies…

Joggeuse disparue : les propos polémiques d’un général de gendarmerie

Des zones d’ombre apparaissent, le scepticisme gagne le parquet, qui ne diffuse aucun signalement à l’échelle nationale pour arrêter de supposés criminels. Une seconde audition est ordonnée ce vendredi à la mi-journée. Poussée dans ses retranchements, et face aux incohérences de son récit initial, Lisa, décrite comme insérée, gentille et studieuse, jeune pompière volontaire de surcroît, passe finalement aux aveux et reconnaît avoir tout inventé. Toutes proportions gardées, cela rappelle l’épisode Diary Sow. En début d’année, la jeune et brillante Sénégalaise de 20 ans avait mis en scène sa propre disparition en région parisienne. Disparition qui, compte tenu de sa personnalité, avait connu un important écho médiatique. Son livre, intitulé « Je pars », est sorti en librairie… le 4 novembre.

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