Joggeuse en Mayenne :
chronique d’un mensonge Lundi soir, la disparition de
Lisa, 17 ans, a mobilisé un très important dispositif, avant que la jeune
fille ne réapparaisse, vivante, le lendemain soir. Le mensonge a donc tenu près de quatre jours. Mais
avant de devenir une « dénonciation d’infraction imaginaire » qui lui
vaudra des poursuites judiciaires , selon le
communiqué diffusé ce vendredi à 15 heures par la procureure de
Laval, Céline Maigné, l’histoire de Lisa P. a d’abord tenu en haleine toute une
région, voire un pays entier.
Lundi soir, lorsque son père signale sa disparition aux alentours
de 18 h 40, celle-ci est immédiatement prise très au sérieux, et pour
cause : des effets personnels de sa fille, 17 ans, partie faire son
jogging en milieu d’après-midi, ont été découverts sur son itinéraire habituel.
L’inquiétude monte d’un cran lorsqu’on apprend que lesdits objets, en l’espèce
une paire d’écouteurs reliée au téléphone portable et une montre, porteraient
des traces pouvant s’apparenter à du sang. Une analyse rapide des données GPS
de la montre indique que Lisa a quitté son domicile à 15 h 49 et
qu’elle s’est volatilisée après seulement 5 minutes et demie de
course à pied et 1,23 km parcouru. Aussitôt, une cinquantaine de gendarmes
ratissent les lieux, soutenus par un hélicoptère. Sauf qu’il fait déjà très
sombre, et cela ne donne rien.
Dans
un premier temps, la joggeuse avait fait aux gendarmes le récit d'un
« enlèvement par deux jeunes hommes la frappant et l'emportant dans
une camionnette verte dans une maison d'où elle serait parvenue à s'enfuir en
frappant l'un d'entre eux, resté seul », selon le communiqué du parquet.
Évidemment, ce
vacarme inhabituel ne passe pas inaperçu auprès de la population. « On se
demandait s’il n’y avait pas eu un accident, mais ce n’est que le lendemain,
quand j’ai allumé la radio, que j’ai appris qu’une jeune fille avait
disparu », raconte Jean-Marc. Pour ce riverain, c’est d’autant plus un
choc qu’il connaît très bien la famille, dont le père avec qui il a tapé le
ballon dans une équipe de foot de Sablé-sur-Sarthe, à quelques kilomètres de
là. Quant à Lisa, beaucoup ont déjà aperçu sa silhouette sur les sentiers,
comme Florian : « Dans le bourg de Saint-Brice, dans le lotissement,
on la voyait passer au moins trois fois par semaine, c’est une sportive
et elle connaît très bien les lieux. »
200 militaires mobilisés
Les lieux, justement, sont réputés tranquilles et, surtout,
particulièrement fréquentés. Randonneurs, cueilleurs de champignons, VTTistes
se croisent sur les chemins de la forêt domaniale de Bellebranche toute la
journée. Un enlèvement, aussi rapide soit-il, aurait-il pu passer inaperçu
ici ? « C’est très propre, très dégagé, et entre les arbres, on arrive
à bien voir de loin, et avec tous les promeneurs, c’est assez bizarre quand
même, il y a tout le temps du monde, sauf des chasseurs », s’interroge cet
agriculteur qui exclut, de fait, l’hypothèse d’une balle perdue.
C’est pourtant, et logiquement, que l’enquête ouverte par le
parquet de Laval change de braquet le lendemain et passe de disparition
inquiétante à enlèvement et séquestration. Cela permet d’engager rapidement
plus de moyens. Ainsi, les effectifs passent à 120 puis
à 200 militaires. Ce n’est pas de trop pour verrouiller totalement la
zone de près de 180 hectares parsemée d’étangs, dont celui de Curécy,
qui se trouve sur l’itinéraire entre le domicile familial de Lisa et la forêt
de Bellebranche. Interrompues par la tombée de la nuit, les recherches reprennent
donc de plus belle aux premières lueurs du jour mardi matin. Petite
consolation, l’épais brouillard de l’aube s’est vite dissipé, laissant place à
un ciel bien dégagé. La météo est claire, la visibilité y gagnera, c’est déjà
ça… Une battue s’organise.
Réapparue
mardi soir saine et sauve dans un restaurant à une dizaine de kilomètres de son
domicile, l'adolescente a reconnu vendredi devant les gendarmes avoir
« menti ».
« On avance tous les uns à côté des autres, en partant du
point de disparition, puis en élargissant le périmètre, explique Franck, un
gendarme du coin à la retraite. Dès qu’un indice apparaît, on stoppe tout et on
attend les enquêteurs. » Pourtant, malgré l’arrivée de plongeurs de Nantes
pour sonder les plans d’eau, d’une brigade équestre pour progresser sur terrain
difficile et de chiens pisteurs, toujours aucune trace de la joggeuse. Le
porte-à-porte ne renseigne pas d’avantage, personne n’a rien vu, rien entendu
d’anormal. On renvoie poliment les quelques volontaires qui se présentent
spontanément pour donner un coup de main. Pendant ce temps, on apprend qu’un
homme est en garde à vue depuis la veille au soir, 23 heures. Le
quadragénaire a été interpellé en état d’ébriété après avoir passé plusieurs
coups de téléphone aux forces de l’ordre pour s’enquérir de l’avancée de
l’enquête. Les gendarmes ont trouvé cela suspect, tout doit être vérifié.
Réapparition
La journée de mardi s’écoule, sans aucune piste en vue. Or, on le
sait, dans le cadre d’une disparition, chaque heure qui passe, c’est une chance
qui s’envole… À 17 heures, Céline Maigné, la procureure de Laval, sort de
son silence et tient une première conférence de presse. Indirectement, elle
s’adresse aux éventuels auteurs et leur tend une perche : s’ils relâchent
la jeune fille, la qualification des faits sera délictuelle et non criminelle.
Aux alentours de 20 heures, un
miracle : à 13 kilomètres du lieu de sa disparition, Lisa réapparaît ,
et se présente, seule, dans un restaurant kebab de la rue Gambetta de
Sablé-sur-Sarthe (ville dans laquelle elle est scolarisée). En état de choc,
selon le gérant, elle présente des blessures qui se révéleront superficielles.
Après l’immense soulagement, les questions déferlent. Qui a fait quoi, où,
comment ? Une camionnette est évoquée. D’abord blanche, puis
verte. Personne ne l’a vue. D’où arrivait la jeune fille quand elle a
réussi à s’échapper, comme elle le prétend ? Elle ne sait pas répondre, et
là encore, personne n’a rien remarqué. Pas même les enregistrements des caméras
de surveillance de la ville et des commerces de cette artère très passante, qui
sont saisies…
Joggeuse disparue : les propos polémiques d’un général
de gendarmerie
Des zones d’ombre apparaissent, le scepticisme gagne le parquet,
qui ne diffuse aucun signalement à l’échelle nationale pour arrêter de supposés
criminels. Une seconde audition est ordonnée ce vendredi à la mi-journée.
Poussée dans ses retranchements, et face aux incohérences de son récit initial,
Lisa, décrite comme insérée, gentille et studieuse, jeune pompière volontaire
de surcroît, passe finalement aux aveux et reconnaît avoir tout
inventé. Toutes proportions gardées, cela rappelle l’épisode Diary Sow. En
début d’année, la jeune et brillante Sénégalaise de 20 ans avait mis en
scène sa propre disparition en région parisienne.
Disparition qui, compte tenu de sa personnalité, avait connu un important écho
médiatique. Son livre, intitulé « Je pars », est sorti en librairie…
le 4 novembre.
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