Françoise Nyssen : "Défendre le français, cela
commence par le parler"
Fervente avocate de la parité dans le langage parlé,
contemptrice de l'écriture inclusive, la ministre de la Culture veut combattre
le sexisme.
Françoise Nyssen : Madame la Ministre, bien sûr.
Madame la Ministre, le Prix Nobel de littérature Svetlana Aleksievitch, que vous avez publiée avant d'être ministre, est-elle un écrivain, une écrivain ou une écrivaine ? Ou peut-être une autrice ?
Je suis favorable à la féminisation des titres et des fonctions. Je rappelle d'ailleurs que ce n'est en rien l'effet de mode que dénoncent certains, mais un usage ancien. « Autrice », par exemple, n'est pas un néologisme, mais le terme que l'on employait jusqu'au XVIIe siècle. En l'occurrence, le féminin n'est pas stabilisé : on peut dire autrice ou écrivaine.
Même si certains écrivains, notamment des femmes, soulignent que dans « écrivaine », hélas, on entend « vaine » ? Même si l'Académie française est contre cette féminisation ?
Il y a des femmes et des hommes qui exercent ce métier : c'est la façon la plus élémentaire de le reconnaître et de l'encourager. De la même manière que l'on dit « boulangère » ou « chirurgienne », on peut dire « écrivaine ».
Nous vivons dans un pays – et c'est peut-être tout à notre honneur – dont les habitants sont capables de se déchirer pour un point de langage. En ce moment, c'est l'écriture inclusive. Pensez-vous que les stéréotypes sexistes se combattent en remaniant l'orthographe ?
Ce sont les attitudes, les comportements qu'il faut changer. L'affaire Weinstein nous rappelle l'urgence de la situation : derrière ce cas particulier, il y en a des milliers d'autres, et donc des milliers de femmes qui continuent de souffrir dans le silence et l'anonymat. Pour changer la réalité, il faut des actions concrètes, et nous allons nous mobiliser au ministère de la Culture. Je vais demander à l'ensemble des établissements nationaux d'enseignement supérieur qui forment à la diversité des métiers des arts et de la culture de mener des campagnes de sensibilisation contre le harcèlement sexuel. Toutes les directrices et tous les directeurs seront chargés de délivrer un message clair et fort sur le sujet. Je me rendrai prochainement moi-même dans une école supérieure pour porter ce message.
En même temps, cette mobilisation ne commence-t-elle pas par les mots dont on use ? Et la façon dont on les accorde ? En français, il n'y a pas de neutre : un mot est féminin ou masculin. Alors, est-il juste que « le masculin l'emporte » ? Emmanuel Macron lui-même dit « celles et ceux » et non plus seulement « ceux »...
Emmanuel Macron emploie la formule la plus juste : ne pas faire primer l'un sur l'autre, mais faire apparaître les deux côte à côte, comme le voudrait l'égalité dans notre société. Il le fait à l'oral, simplement, sans discours théoriques, et cela a du sens. C'est par le son que le cerveau apprend le plus efficacement. Récemment, en prononçant un discours, j'ai commencé par dire « Mesdames », puis, au moment de dire « Messieurs », je me suis arrêtée et j'ai répété « Mesdames ?... Mesdames ?". L'assemblée a souri : tout le monde était conscient que les hommes étaient surreprésentés. Le gouvernement a valeur d'exemple à cet égard : je rappelle que le président de la République et le Premier ministre ont fait le choix de la parité. Mon cabinet compte plus de femmes que d'hommes. Les mots peuvent aider à faire évoluer les mentalités, mais c'est par les actes qu'on transforme le réel.
Je n’écrirai pas « les
électeur·rice·s », mais « les électrices et les électeurs », en
mentionnant les femmes et les hommes.
Vous faites bien de le préciser.
Le Haut Conseil à l'égalité entre les hommes et les femmes préconise en effet
d'insérer un point médian à l'intérieur d'un mot qu'on prononce pour
« inclure » les deux genres dans le mot. C'est l'un des piliers de la
désormais fameuse « écriture inclusive ». On est ainsi prié d'écrire
« les électeur·rice·s » pour parler des électeurs en général, hommes
et femmes confondus, ou « les citoyen·ne·s ». Pour
Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale, c'est une « façon
d'abîmer notre langue » .
Qu'en pense la ministre de la Culture ? Je suis chargée d'animer et de coordonner la politique linguistique du gouvernement ; le débat sur l'écriture inclusive est donc de ma responsabilité. Je rappelle que le Haut Conseil, qui réalise par ailleurs un travail remarquable, n'a pas de compétence en matière linguistique. Le point médian soulève d'importantes difficultés linguistiques : il remet en question le fonctionnement de notre langue, nuit fortement à la lisibilité des textes et, finalement, au partage d'une langue commune, qui est l'un des ciments de notre pays. Je n'écrirai pas « les électeur·rice·s », mais « les électrices et les électeurs », en mentionnant les femmes et les hommes. Comment cette écriture serait-elle compréhensible par des enfants en difficulté d'apprentissage, comme les enfants dyslexiques ? C'est une position que partagent mes collègues Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale, et Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes.
L'éditeur du premier manuel en écriture inclusive, Hatier, justifie sa démarche en avançant que « les manuels scolaires sont le reflet de la société et de ses évolutions ». Plus généralement, ne pensez-vous pas qu'on est en train d'entrer dans une sorte d'« ère du soupçon » vis-à-vis du langage ? Comme si toute conversation était implicitement chargée d'agressions potentielles contre son interlocuteur... et son interlocutrice, évidemment !
Je ne pense pas que l'école soit le lieu où introduire en priorité les débats de cet ordre. Sa vocation première est l'apprentissage des fondamentaux et l'acquisition de repères simples : on y apprend d'abord les codes le plus largement partagés, pour se construire soi-même et trouver sa place dans la société. Ces débats autour de notre langue sont le reflet de débats plus larges autour de notre culture. Nous ne sommes pas dans l'ère du « soupçon », mais dans un moment de profondes transformations sociales, économiques, géopolitiques, qui a des conséquences sur le plan culturel.
Le contexte social, en ce moment, est au débat sur la domination, voire la prédation, des hommes sur les femmes. Vous évoquiez l'affaire Weinstein. Faudra-t-il donc renoncer aux « droits de l'homme » pour les « droits de la personne », comme on l'a fait au Québec, par exemple, parce que les droits de l'« homme » excluraient les droits de la « femme » ?
Cette question est légitime, mais cela ne me paraît pas être au cœur du débat, aujourd'hui, en France. Dans le cadre de cette déclaration solennelle, le mot « Homme », avec un grand H, a vocation à désigner l'humanité tout entière et donc à inclure sans ambiguïté les droits des femmes. Je respecte évidemment la décision du Québec, mais, dans le cas de la France, une telle décision pourrait nourrir une polémique et ne servirait pas nécessairement la cause. Or je cherche à être constructive.
Que pensez-vous de la tendance actuelle, notamment dans le monde de l'entreprise, qui consiste à utiliser de plus en plus une nouvelle langue, une « novlangue », dirait Orwell, le plus souvent d'inspiration anglo-saxonne ? On parle ainsi de « brainstormer » pour dire « réfléchir » ou de « se faire un call » pour « se téléphoner » ?
La langue française est suffisamment riche pour ne pas avoir à recourir aux anglicismes. Ces emprunts sont le reflet de notre ouverture, en France, sur le monde et sur les autres cultures : il ne s'agit donc pas de les condamner d'un bloc, mais nous devons veiller à ce qu'ils n'affaiblissent pas notre propre langue. Défendre le français, cela commence par le parler. Édouard Glissant distinguait la mondialité et la mondialisation : là où la mondialisation laisse entendre l'uniformisation, notamment la domination d'une langue sur les autres, Édouard Glissant défendait, avec la mondialité, l'idée de diversité, dont la pluralité linguistique. Notre langue est une grande ressource. C'est un lien décisif au sein même de notre pays, mais c'est aussi un lien fort que nous entretenons avec des pays du monde entier : il y aura bientôt 300 millions de francophones dans le monde, répartis sur tous les continents. C'est une ressource, mais aussi une responsabilité.
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Tout
cela pour une crise épidermique identitaire et féministe, bien sûr qu’il faut
plus d’égalité en homme et femme, c’est normal et logique, mais il ne faut pas
tomber dans la bêtise bornée comme des suffragettes pour le droit de vote des
femmes tout aussi normal !
Regardez,
par exemple dans l’administration on a supprimé le joli terme de « demoiselle »
pour désigner de jeunes filles ou jeunes femmes célibataires, la bêtise du fonctionnarisme
obtus d’état n’a pas de limite !
En France
on ne sait que « compliquer pour
faire simple » avec cette classe poussiéreuse de pseudos intellectuels
qui veulent tout changer pour faire parler d’eux, mais qui ne font que se
regarder le nombril, car ils ne trouvent rien d’autre de plus utile à faire !
La seule
chose que l’on peut reconnaître à la ministre, c’est de dire je la cite :
"Défendre
le français, cela commence par le parler" !
Oui ! Mais bien le
parler correctement et le bien l’écrire aussi, ce qui n’est plus le cas hélas !
Jdeclef 28/10/2017 13h55
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