"Implanter la base d'entretien des sous-marins
nucléaires à Toulon est irresponsable"
Ancienne présidente de la commission de la Défense de
l'Assemblée nationale, Patricia Adam juge le choix de Toulon inutile, coûteux
et dangereux.
Quelques aménagements de petite dimension seront réalisés à Brest, au cas où des réparations légères seraient nécessaires. Au rythme actuellement prévu, le premier sous-marin à propulsion nucléaire de la série Barracuda, le Suffren, sera remis à la Marine nationale fin 2019, les cinq autres se succédant ensuite tous les deux ans, jusqu'en 2029. Tous les dix ans (à partir de 2029 s'agissant du Suffren), chacun des ces navires subira un ATM (arrêt technique majeur), nécessitant la dépose de son cœur nucléaire, préalable à la réalisation de lourds travaux d'entretien programmé. Le choix du gouvernement consiste concrètement à implanter la future base au cœur du port militaire de Toulon, donc à deux pas du centre-ville. Préparés par le Commissariat à l'énergie atomique, des plans précis sont déjà prêts.
Présidente de la commission de la Défense de l'Assemblée nationale sous la précédente législature, la socialiste Patricia Adam, ancienne députée de Brest, est très opposée au choix de Toulon. Elle l'estime dangereux, hors de prix, et pour tout dire inutile, puisque des installations modifiables à moindre coût existent déjà à l'Île Longue, dans la rade de Brest, et à Cherbourg. Interview.
Le Point : La ministre des Armées Florence Parly a confirmé vendredi que la base d'entretien des futurs six sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda sera construite à Toulon. Qu'en pensez-vous ?
Patricia Adam, ici en 2015, était
présidente de la commission de la Défense de l’Assemblée nationale sous la
précédente législature et ancienne députée de Brest. © CLAUDE TRUONG-NGOC
Citizenside
Patricia Adam :
Ce n'est pas une bonne décision, mais aucune alternative n'a été proposée à
Florence Parly ! Lorsque Michèle Alliot-Marie
était ministre de la Défense (2002-2007), elle avait déjà annoncé une mesure en
ce sens, en estimant que les enjeux majeurs pour la France s'étaient déplacés de la
façade atlantique à la Méditerranée. Cet argument a moins de valeur
aujourd'hui, puisque les principales activités de sous-marins autour de nos
côtes se trouvent dans l'océan Atlantique. Des incursions y sont relevées
régulièrement, notamment au large de Brest. Cette évolution stratégique doit
être prise en considération. Un sous-marin nucléaire d'attaque est d'abord
conçu pour protéger les sous-marins nucléaires lance-engins (SNLE), qui
n'entrent pas en Méditerranée. S'il rencontre une avarie, il doit pouvoir
rejoindre au plus vite un chantier… sans passer par un détroit comme celui de
Gibraltar.
Il n’est pas raisonnable qu’à l’heure
où nous cherchons à faire des économies partout et sur tout ce qui existe dans
les armées, on crée de toute pièce une installation nouvelle
Mais les sous-marins d'attaque
étant principalement basés à Toulon, n'est-il pas logique d'y installer le
chantier qui assurera leur entretien ? Je trouve illogique de créer une base nucléaire nouvelle, à partir de zéro, alors que nous disposons déjà de deux bases majeures capables d'accueillir de tels navires à propulsion nucléaire, l'une à l'Île Longue dans la rade de Brest et l'autre à Cherbourg. La décision annoncée vendredi nous engage pour les cinquante années à venir, il n'est pas raisonnable qu'à l'heure où nous cherchons à faire des économies partout et sur tout ce qui existe dans les armées, on crée de toute pièce une installation nouvelle. Pour entretenir les SNLE, lors de leurs révisions les plus lourdes, les cœurs nucléaires sont déposés à l'Île Longue, et la coque est conduite au chantier de Brest, où d'excellents ouvriers, techniciens et ingénieurs la prennent en charge. Ces installations pourraient parfaitement servir aux Barracuda…
Dans ces conditions, pourquoi le choix de Toulon ?
Au ministère des Armées, des groupes de pression ne souhaitent pas que ces installations échappent à Toulon. Et le politique n'a pas contesté ce choix effectué a priori. Le plus fort, c'est qu'à ma connaissance, aucune étude comparative n'a été demandée au Commissariat à l'énergie atomique, chargé des études de ce chantier, pour étudier les coûts budgétaires des différentes options. On n'a notamment pas pris en considération l'option qui aurait consisté à mettre en place un chantier utilisant les installations de Brest et de Cherbourg, dans une complémentarité intelligente. On connaît dès à présent les dates des périodes d'entretien des Barracuda, pratiquement sur toute la durée de leur vie. Franchement, ce dossier que je connais bien n'aurait pas dû conduire Florence Parly à prendre cette décision.
Comment peut-on raisonnablement
vouloir implanter au cœur d’une grande ville, à quelques centaines de mètres du
stade Mayol, une installation portuaire de traitement du nucléaire de cette
importance ?
Quel est le prix de la
construction d'une base nouvelle à Toulon ? Les prix que je connais sont ceux que nous avions demandés lorsque j'étais présidente de la commission de la Défense à l'Assemblée nationale. Nous avions conduit des études précises et documentées, dont les résultats m'avaient été communiqués à la fin de 2016. Avant cette étude, nous disposions d'une évaluation chiffrant les installations à construire à Toulon à 500 millions d'euros. Mais nous avons appris que ce chiffre était très, très en deçà de la réalité : celui que nous avons vu apparaître très rapidement, c'est plus du triple, à savoir 1,8 milliard d'euros. Je doute vraiment que l'on s'y tienne. Je souhaite aussi souligner que le budget gigantesque nécessité par ce chantier aura des répercussions énormes sur les deux prochaines lois de programmation militaires et au-delà, sur le niveau d'équipement des forces dans leur ensemble.
Cette question est sur la table depuis des années. Pourquoi les politiques ont-ils tant tardé ?
Le lobby politique toulonnais s'est de tout temps montré efficace, d'autant plus que le maire de la ville Hubert Falco a été secrétaire d'État à la Défense dans le ministère Fillon. De plus, il n'y avait pas d'urgence à trancher formellement, puisque le premier sous-marin Barracuda, le Suffren, ne sera livré à la marine que l'an prochain, dix ans avant sa première période d'entretien. Je mesure également tout le poids du lobby des sous-mariniers. Il pèse visiblement plus lourd que le Commissariat à l'énergie atomique, la Direction générale de l'armement et l'industriel Naval Group réunis, qui ne sont pas vraiment favorables à la solution toulonnaise, en raison de considérations industrielles diverses. Comment peut-on raisonnablement vouloir implanter au cœur d'une grande ville, à quelques centaines de mètres du stade Mayol, une installation portuaire de traitement du nucléaire de cette importance ? C'est irresponsable...
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Mais
quand cela ne sert qu’aux lobbys divers et cela fait perdre du temps et n’est
pas sérieux car il s’agit de notre défense nationale !
Ajouter
à cela des querelles politiciennes de « bonnes
femmes » même ministre ou fonctionnaire de quelque bord qu’ils soient c’est
déplorable !
C’est
aux marins et ingénieurs militaires de décider en spécialistes, ce qui serait
le mieux et ne pas tergiverser sur des histoires de gros sous ou d’endroit ou
implanter cette base pour faire plaisir à des politiciens, car le climat de
paix mondial n’est pas stable et bien
que l’on ne soit pas vraiment en guerre !
Jdeclef
06/11/2017 11h37
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