Ploërmel : une croix sur la laïcité
Autorisation du burkini, de certaines crèches de Noël,
interdiction de croix... La laïcité française dans l'espace public est-elle
"à géométrie variable" ?
En avril 2015, le litige arrive devant le tribunal administratif de Rennes, pour qui les dimensions et la disposition de la structure font qu'elle revêt un caractère ostentatoire certain. Il demande donc le retrait de la statue. Mais le jugement est annulé quelques mois plus tard par la cour administrative d'appel de Nantes qui considère, en décembre 2015, que les plaignants s'y sont pris trop tard. La commune a en effet accepté le don de la statue, œuvre de l'artiste russe Zourab Tsereteli, par une délibération prise… en 2006. « Or, cette délibération, qui n'avait pas été contestée dans le délai de deux mois suivant sa publication, était devenue définitive et ne pouvait donc plus être contestée », écrit sur son blog la professeur de droit public à la Sorbonne Roseline Letteron.
Un motif permettant aux juges de ne pas avoir à se prononcer sur le fond d'une « affaire embarrassante », ajoute, avec malice, Roseline Letteron. C'était compter sans le Conseil d'État… En effet, ce dernier, le 28 octobre 2017, a considéré que la délibération prise par la commune de Ploërmel en 2006 ne visait qu'à accepter le don de la statue de Jean-Paul II ; et qu'à aucun moment le maire n'avait évoqué publiquement l'installation d'une arche et d'une croix. Ce faisant, le Conseil d'État a considéré que la croix surplombant la structure était bel et bien contraire à la loi de 1905, laquelle interdit d'ériger des signes religieux dans l'espace public.
Aristide Briand
avait tout prévu
Nulle
surprise ici : le Conseil d'État s'inscrit dans une vieille tradition
française. Quand Aristide Briand, en 1905, explique les termes de la loi de
séparation de l'Église et de l'État, dont il est le rapporteur, il insiste sur
le fait qu'il ne s'agit pas de « brimer la religion, mais d'empêcher,
autant que faire se peut, son exploitation cléricale, son instrumentalisation
politique », explique Jean Baubérot, professeur émérite de la
chaire « Histoire et sociologie de la laïcité » à l'École pratique
des hautes études. Aristide Briand précise ainsi qu'un habitant peut décorer sa
maison comme il l'entend, même si celle-ci a une façade sur la rue, ou peut
dresser un calvaire dans son jardin. Cela ne pose pas de problème particulier.Et Jean Baubérot, dans son billet de blog intitulé « La Laïcité, la croix et la bannière », d'attirer l'attention de son lecteur sur une question posée il y a plus d'un siècle lors des débats parlementaires par le député Édouard Aynard : sera-t-il possible, à l'avenir, d'ériger « sur les places publiques […] des statues d'hommes religieux ? » interroge l'élu. Ce à quoi Briand répond : « On peut honorer un grand homme, même s'il est devenu saint, sans glorifier spécialement la partie de son existence qui l'a désigné à la béatification de l'Église. » En clair, dans le cas de Ploërmel : le pape, oui ; la croix, non ! C'est justement parce que la laïcité est « conciliante » et « très large d'esprit » que cette statue peut être tolérée sur une place publique de la commune bretonne, note Baubérot.
La
confusion de #MontreTaCroix sur Twitter
Dans
son arrêt du 28 octobre 2017, le Conseil d'État fait déjà une
application large de l'esprit de la loi et considère que ce sont les dimensions
de la croix de Ploërmel qui la rendent illégale. « Dans le cas présent,
l'immensité de la croix reflète à la fois la revendication d'une opinion religieuse,
d'ailleurs largement assumée par l'élu, ainsi qu'une volonté de
prosélytisme », explique Roseline Letteron. Le Conseil d'État ne prend
cependant aucune injonction de destruction, ce qui rend les choses, en
pratique, extrêmement compliquées : « Le Conseil d'État aurait pu
apprécier l'ensemble de l'œuvre monumentale et considérer que le défunt pape,
ainsi surmonté d'une arche et d'une croix, était davantage considéré comme un
chef religieux que comme un leader d'opinion », remarque la juriste.Comment, dès lors, distinguer ce qui est licite de ce qui ne l'est pas ? À partir de quel moment les autorités peuvent-elles ordonner le retrait d'un symbole religieux installé dans l'espace public ? Depuis l'arrêt du Conseil d'État, des centaines d'internautes et plusieurs politiques publient sur les réseaux sociaux des photos de croix dans leur ville sous le hashtag #MontreTaCroix, comme si ces dernières étaient menacées. Mais ils sont nombreux (à l'instar d'Isabelle Balkany, de Roger Karoutchi ou encore de Gilles Pennelle) à tout confondre.
Lire aussi Croix de Ploërmel : les internautes se mobilisent
La loi de 1905 de séparation de l'Église et de l'État, sur laquelle s'appuie le Conseil d'État, ne vise que les espaces publics, « à l'exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires ainsi que des musées ou expositions ». Il est évident que les croix au-dessus des églises, dans les cimetières ou dans certains lieux publics construits avant 1905 (comme le Panthéon, un cas retweeté plus de 600 fois) ne sont pas concernées.
Les
crèches de Noël « décoratives »
En
juillet 2017, le Conseil d'État a ainsi considéré que la croix ornant le
portail d'entrée du cimetière de Prinçay, une commune viennoise, n'était pas
contraire au principe de laïcité. Mais quid de ces milliers de croix et
calvaires installés dans l'espace public et le long des sentiers de France
après 1905 ? Cette épineuse question impose un petit retour en arrière.
Avant que le pouvoir public ne légifère en 2004 pour interdire le
port de signes religieux dans les établissements scolaires, le Conseil d'État
considérait depuis 1989 que les symboles religieux n'étaient
illicites que s'ils portaient atteinte à l'ordre public ou témoignaient d'une
volonté de prosélytisme, rappelle Roseline Letteron. Sans plus de détails.Trente ans plus tard, dans ses arrêts de 2016 sur les crèches de Noël installées dans des mairies, la plus haute juridiction administrative a de nouveau cherché à ménager la chèvre et le chou. Elle a estimé que les crèches pouvaient être un simple élément de décoration à l'approche des fêtes et que, pour être légales, elles devaient revêtir un « caractère culturel, artistique ou festif, sans exprimer la reconnaissance d'un culte ou marquer une préférence religieuse ». Par exemple : une petite crèche installée dans le hall d'un hôtel de ville, qui ne porterait aucune mention des horaires de la messe ou du catéchisme, n'est pas contraire à la loi.
Pas
de « troubles à l'ordre public » pour le burkini
Le
Conseil d'État examine donc « les conditions particulières » de
l'installation de la crèche et se refuse à raisonner en termes de
« prosélytisme religieux », un critère qui aurait pourtant le mérite
de la simplicité. À l'été 2016, quand on lui a demandé de statuer sur le cas du
burkini sur les plages, le Conseil d'État a de nouveau raisonné en termes de
« troubles à l'ordre public » pour autoriser le port de ces vêtements
religieux, estimant qu'il n'y avait pas dans ce cas de « risques
avérés ».En réalité, si le pouvoir politique refuse de légiférer et si le Conseil d'État renonce à développer une jurisprudence claire sur l'absence ou non de prosélytisme d'un emblème religieux, c'est certainement pour se garder une marge de manœuvre au cas par cas. « De toute évidence, le Conseil d'État ne pouvait interdire totalement les crèches sans être accusé par certains de mieux traiter les musulmans [avec l'affaire du burkini, NDLR] que les catholiques, constate Roseline Letteron. À l'inverse, il n'a pas voulu les autoriser totalement, peut-être pour ne pas apparaître comme le protecteur de la culture catholique au détriment des autres... »
Un
problème politique
La
question est plus que jamais d'actualité, à une époque où certains considèrent
l'islam politique comme un danger, à l'instar de Jean-Louis Bianco, le
président de l'Observatoire de la laïcité, dans une interview à Ouest France. Et que de nombreux hommes politiques,
comme Manuel Valls, reprochent à leurs adversaires de se montrer trop laxistes
avec les communautarismes ou d'avoir une laïcité « à géométrie
variable ».Pour l'avocat Régis de Castelnau, qui publie régulièrement des chroniques sur le site d'actualité Causeur (que l'on ne peut pas soupçonner d'islamo-gauchisme) et sur un blog, « la mobilisation autour de l'affaire de Ploërmel l'est pour une mauvaise cause ». « En ces temps difficiles où le combat pour la laïcité, qui concerne d'abord l'islam intégriste, n'est pas facile à mener, pourquoi créer des précédents et réclamer ainsi pour les chrétiens des accommodements raisonnables en essayant de contourner la loi ? […] C'est justement en étant rigoureux sur les principes, et en étant cohérents, que l'on pourra mener ces indispensables combats dont l'outil est justement la loi de 1905. En ne confondant pas l'exigence républicaine avec une guerre des religions. »
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
L'exemple
de modifier par la suppression de la croix chrétienne sur ce monument honorant
un ancien pape dans une région comme la Bretagne très catholique dans notre
histoire française est une erreur !
Car
nous sommes en France pays de religion chrétienne de par sa culture et son
histoire depuis plus de 2000 ans que l’on ne peut effacer par des jugements
administratifs obtus !
Tout
comme des événements festifs ou des coutumes jusqu’à des nourritures interdites
ou tenues particulières pour les femmes et non-respect de celles-ci par
d’autres religions extrémistes et obscurantistes dans notre vie courante !
Inutile
dans faire le détail et les citer, elles sont de plus en plus nombreuses et érodent
nos libertés insidieusement et çà c’est préoccupant !
Ou alors,
soyons logique et de bon sens pour une fois pour toutes religions, même s’il
faut tout interdire strictement tout acte à consonance religieux sans
dérogation que nous subissons déjà dans notre pays par d’autres religions
venues d’ailleurs depuis des décennies !
Car
c’est la liberté de chacun de croire ou ne pas croire à ces mystiques et dogmes
religieux qui mène le monde en divisant
les hommes qui en arrivent à s’entretuer pour elles, jusqu’à ce servir du
terrorisme pour justifier leurs actes !
Il faut
absolument mettre fin à ses attaques de nos libertés coutumières et nos
dirigeants doivent agir, car ces incidents se produisent insidieusement de
plus en plus!
Jdeclef
06/11/2017 06h54 LP
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire