vendredi 10 novembre 2017

Il a pris le pouvoir oui, mais cela ressemble à une révolution de palais ?!

Arabie saoudite : et le prince prit le pouvoir...

Ministres, rivaux, cousins... Mohammed ben Salmane fait le ménage à la tête du royaume, dont il veut changer le modèle. Jusqu'où ?

C'est une minute qui a bouleversé la courte histoire de l'Arabie saoudite moderne. À l'occasion d'une conférence internationale organisée à Riyad le 24 octobre, le prince héritier Mohammed ben Salmane annonce la création de Neom, une mégalopole futuriste sur les bords de la mer Rouge. Alors qu'il détaille les objectifs de ce projet pharaonique, qui pourrait attirer plus de 500 milliards de dollars d'investissements, le fils du roi Salmane est soudain interpellé par la présentatrice sur le problème que pose l'islam radical promu au pays des deux saintes mosquées.
Peinant à cacher cette mise en scène, celui que l'on désigne volontiers par ses initiales, «  MBS  », parvient tout de même à surprendre son auditoire : «  Nous n'étions pas ainsi par le passé. Nous souhaitons seulement revenir à ce que nous étions : un islam modéré ouvert au monde, ouvert à toutes les religions, affirme de sa voix rauque ce jeune homme à la barbe noire, dont la calvitie naissante est cachée par le keffieh rouge qui tombe sur son traditionnel thoub blanc. 70 % du peuple saoudien a moins de 30 ans. Et, franchement, nous ne gâcherons pas trente autres années de nos vies à combattre les idées extrémistes. Nous allons les détruire aujourd'hui.  »
Des applaudissements nourris retentissent dans la salle. Âgé d'à peine 32 ans, l'homme fort du pays vient de s'attaquer à la mainmise des oulémas conservateurs sur la société saoudienne. Il remet ainsi en question le pacte scellé en 1744 entre Mohammed ibn Saoud, le patriarche de la famille, et l'imam Mohammed ibn Abdelwahhab, à l'origine du premier État saoudien : le pouvoir politique aux Saoud, la gestion de la société aux religieux ultraconservateurs.

Révolution

La nouvelle «  Arabie modérée  » de MBS est née. Dès le lendemain, elle devient le premier pays au monde à accorder la citoyenneté à... un robot féminin  ! Prénommée Sofia, l'androïde se présente sans abaya ni foulard, devant un parterre d'hommes d'affaires saoudiens amusés. À ceux qui raillent le côté utopique de cette Arabie 2.0, la pétromonarchie inondant depuis quatre décennies le monde avec son idéologie wahhabite, version ultrarigoriste de l'islam sunnite, le jeune prince héritier répond cette fois par des actes. Sous l'impulsion de MBS, la police religieuse, bras armé des oulémas, a perdu ses prérogatives. Des dizaines de religieux conservateurs ont été écroués début septembre. Deux semaines plus tard, les Saoudiennes ont enfin été autorisées à conduire, elles qui étaient les dernières au monde à être privées de ce droit.
Depuis, pas une semaine ne passe sans que de nouvelles mesures soient annoncées. Fin septembre, les Saoudiennes ont pu se mêler à des hommes dans un stade de Riyad pour assister à la fête nationale, alors que c'est strictement interdit hors du cadre familial. Elles pourront en outre bientôt assister à des rencontres sportives. «  C'est quelque chose qui était attendu par tout le monde en Arabie saoudite  », se félicite Hoda al-Helaissi, l'une des 30 femmes membres du Majlis al-Choura, l'Assemblée consultative saoudienne. Des concerts de musique pop sont désormais organisés. Des cinémas vont ouvrir dans le pays. Pendant ce temps, Saad al-Hijri, un religieux saoudien, a été interdit de prêche pour avoir annoncé que les femmes n'avaient que le quart du cerveau d'un homme. «  Il fallait que ces changements aient lieu si l'on veut garder nos jeunes dans le pays  », affirme la responsable saoudienne, nommée en 2013 par le précédent roi, Abdallah.
Arabie saoudite : «  Le sport féminin va exploser !  »
L'Arabie saoudite change, et MBS tient à le montrer à l'Occident, où l'image du royaume wahhabite s'est considérablement dégradée depuis l'essor de Daech, qui s'inspire de cette idéologie à des fins terroristes. Par le biais de la fondation MiSK, qu'il a créée en 2011 pour favoriser l'émancipation de la jeunesse saoudienne, le prince héritier multiplie les opérations de communication. En avril, une équipe féminine de basket-ball de Djedda s'est rendue en France pour affronter le Paris Université Club. Coiffées d'un voile, mais sans leur tuteur masculin – pourtant obligatoire à l'étranger –, les Saoudiennes ont battu les Françaises 57 à 44. «  À l'échelle de l'Arabie saoudite, c'est révolutionnaire, confie la sénatrice Nathalie Goulet, présidente du groupe interparlementaire d'amitié France-Pays du Golfe, qui a assisté à la rencontre. Tout cela se fait sous l'impulsion de MBS.  »

Autorité

En juin 2016, l'élue française a eu l'occasion de rencontrer le prince à Paris. Reçue dans une suite de l'hôtel The Peninsula, Nathalie Goulet a pu s'entretenir pendant près d'une heure avec MBS, qui avait revêtu à l'occasion un bisht noir, vêtement fin orné de broderies dorées. «  C'est un personnage extrêmement charismatique, qui possède une autorité naturelle, souligne la sénatrice de l'Orne. Tout le monde le décrit comme pressé. Or, il a pris le temps d'échanger longuement avec moi. Il a décrit sa volonté de transformer l'Arabie saoudite avec de nombreux arguments.  » À cette occasion, l'élue n'a pas hésité à évoquer les sujets qui fâchent : le droit des femmes saoudiennes, le sort du blogueur saoudien Raif Badawi, emprisonné depuis 2012... «  Le prince héritier n'a éludé aucun sujet, assure Nathalie Goulet. Il est conscient des failles du dispositif, mais il est apparu comme ayant une volonté très affirmée.  »
Actif à l'étranger, MBS multiplie également les événements au sein même du royaume. Le 15 novembre, sa fondation accueille une conférence consacrée à la jeunesse, en présence du milliardaire Bill Gates ou d'Avram Glazer, le président de Manchester United. «  Cette image correspond tout à fait à la jeunesse saoudienne, férue de high-tech et première consommatrice de YouTube au monde, confie un familier du royaume des deux mosquées. Elle a longtemps été muselée, et MBS souhaite en faire son premier soutien.  »
l y a à peine trois ans, le révolutionnaire de Riyad était pourtant un relatif inconnu à la cour royale. Personne n'a vu venir son ascension fulgurante, entamée à la mort du roi Abdallah, en janvier 2015. À la différence de ses trois brillants demi-frères – Sultan, le premier astronaute arabe, Abdulaziz, ministre de l'Énergie, et Faisal, docteur en sciences politiques et gouverneur de Médine –, Mohammed n'a pas étudié à l'étranger. Il ne maîtrise pas bien la langue de Shakespeare et ne possède qu'une simple licence de droit obtenue en 2008 à l'université King Faisal de Riyad. «  S'il n'est pas le plus compétent, c'est à coup sûr le fils préféré du roi, explique un ancien diplomate en poste à Riyad. Il a toujours été extrêmement proche de son père et a entretenu avec lui une relation privilégiée.  » Fils de la princesse Fahda bint Falah ben Sultan, troisième femme – et épouse préférée – du roi Salmane, Mohammed a été élevé dans la plus pure tradition bédouine au côté de son père, réputé conservateur. À en croire ses proches, le jeune prince serait irréprochable : il ne boirait et ne fumerait jamais. D'autres sources, pourtant, vantent ses fêtes privées aux Maldives, à quelques heures d'avion de Riyad... «  Il vit à l'occidentale  », confie une source bien informée.

Arrogance

Depuis l'âge de 12 ans, MBS suit son père dans le moindre de ses déplacements. Une proximité qui s'est traduite par un titre de «  conseiller spécial  », du gouvernorat de Riyad, en 2009, jusqu'au palais royal, en 2015. «  Le roi Salmane sert pour l'affichage, mais il n'a jamais réellement dirigé le pays, estime Stéphane Lacroix, chercheur à Sciences Po Ceri. Très vite, il a sous-traité le pouvoir à MBS, à qui il fait une confiance aveugle. Mais le roi reste utile car sa présence légitime les décisions controversées de son fils.  » Réputé impulsif et arrogant, le prince héritier cumule aujourd'hui les postes de vice-Premier ministre, de ministre de la Défense, de conseiller spécial du roi et surtout de président du Conseil des affaires économiques et de développement, qui a la haute main sur le ministère de l'Économie. À en croire un diplomate qui l'a côtoyé, «  tout interlocuteur doit passer par lui pour voir le roi  ». L'ancien roi d'Espagne en a fait l'amère expérience* : cherchant un jour à joindre le roi Salmane sur son téléphone portable, il se fit sèchement éconduire par le jeune impétrant. «  Ah  ! Juan Carlos d'Espagne  ! Le roi est occupé  », lui répondit simplement MBS avant de raccrocher.
À 3 heures du matin, le monumental palais d'Al-Yamamah, à Riyad, résidence officielle du roi, est encore en effervescence. Entouré d'une myriade de conseillers, le fils du roi est comme habité. «  C'est un jeune homme enthousiaste et très énergique, confie Hoda al-Helaissi. Il est très ambitieux, mais il possède avant tout une vision. Il veut le meilleur pour la population saoudienne.  » Le prince héritier n'a plus de temps à perdre. Les cours du baril de pétrole ont plongé, le budget a été ponctionné et la maison Al-Saoud est en danger. Pour sortir de la malédiction du pétrole, MBS, qui travaille, dit-on, seize heures par jour, a lancé ce qu'il appelle sa «  révolution thatchérienne  ». Son nom : «  Vision saoudienne à l'horizon 2030  », un ambitieux programme de réformes visant à sortir de l'économie rentière. «  Il veut absolument mener à bien ce programme, confirme un familier de la sphère économique saoudienne. MBS s'est entouré d'un réseau de consultants anglo-saxons qui le poussent à accélérer les réformes de diversification économique, qu'il compense par une libération des mœurs.  » Crime de lèse-majesté, il entend céder au privé 5 % du joyau de la couronne, la compagnie pétrolière nationale Aramco, pour créer le plus grand fonds souverain au monde (2 000 milliards de dollars).

Humiliation

Mais MBS possède aussi une face beaucoup plus sombre. Depuis l'accession de son père au trône, le prince impétueux s'est employé à détruire, un à un, tous les fiefs royaux qui constituaient le pouvoir saoudien. Clan de l'ex-roi Abdallah, clan de Sultan, puis clan de Nayef (tous des oncles), chaque faction de la maison Al-Saoud a vu ses prérogatives disparaître, alors que la gouvernance de l'Arabie saoudite se caractérisait jusqu'ici par un système d'équilibre horizontal entre les différentes branches de la famille royale. En juin dernier, ce fut au tour du prince héritier de l'époque, Mohammed ben Nayef, pourtant champion expérimenté de la lutte contre Al-Qaïda, d'être éjecté au profit de MBS et de son propre clan : une quinzaine de personnes qui lui sont entièrement dévouées. «  Nous assistons à une transformation radicale du système saoudien de l'horizontalité à la verticalité, analyse Stéphane Lacroix. MBS ne tolère plus de réseau parallèle ou de faction dissidente. Il faut tout mettre en ordre de bataille derrière lui. Beaucoup pensent que c'était nécessaire, car l'ancien système provoquait une profonde inertie.  »
Samedi soir, de nombreux jets privés sont restés cloués au sol dans les aéroports saoudiens. Impossible également d'accéder à l'hôtel Ritz-Carlton de Riyad, qui affichait complet. À l'intérieur se jouait une autre page importante de l'histoire de l'Arabie saoudite. Prisonniers dans le palace, plusieurs princes, ministres et hommes d'affaires saoudiens venaient tous d'être arrêtés par décret royal. Parmi eux figurent Metab ben Abdallah, le chef de la puissante Garde nationale, ainsi que le célèbre milliardaire Al-Walid ben Talal, propriétaire de l'hôtel George V à Paris.
Ils sont tous poursuivis par une commission de lutte contre la corruption, à la tête de laquelle vient d'être nommé... le prince héritier Mohammed ben Salmane. «  Il ne s'agit pas d'un petit contrôle fiscal mais d'une humiliation publique d'une violence inouïe, jamais vue en Arabie saoudite, où tout s'est toujours joué dans le secret des palais, s'étonne le familier du royaume. Si MBS affirme vouloir donner leur place aux jeunes et moderniser l'économie, il ne le fait visiblement pas de façon consensuelle, à la scandinave, mais brutalement, à la saoudienne : toutes les figures qui ont émis des réserves sur sa gestion se retrouvent en prison.  » Il va pourtant falloir s'habituer au «  style MBS  ». Âgé de 81 ans, le roi Salmane est en outre affaibli par la maladie, si bien que Mohammed ben Salmane devrait rapidement devenir le plus jeune roi d'Arabie saoudite. Et pour très longtemps.
* Comme le révèlent les journalistes Georges Malbrunot et Christian Chesnot dans «  Nos très chers émirs  » (Michel Lafon).

Une purge sans précédent

Ministres, princes et hommes d'affaires... L'arrestation de nombreux dignitaires du pays est spectaculaire. C'est une première qui marque la reprise en main du pouvoir par MBS. Cette purge est destinée à montrer à tous ceux qui pensaient que MBS mettrait du temps à s'installer au pouvoir qu'il a déjà toutes les commandes.
Celui qui a court-circuité l'ordre établi en matière de succession (avec l'aval de son père) veut aussi montrer au reste du monde qu'il est le seul détenteur du pouvoir et qu'il ne sert à rien de jouer « la guerre des princes ».
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Mais dans ce pays très religieux gouverné par des familles de monarques absolus :

Pour lui, il faut surtout pouvoir le garder ?!

Car les extrémistes religieux ont eux, le vrai pouvoir dans ce  pays berceau de l'islam et de par ses lieux saints ou convergent les musulmans du monde entier lors de leurs pèlerinages grandioses à LA MECQUE !


Jdeclef 10/11/2017 10h00 LP

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