dimanche 5 novembre 2017

Oui, c'est bien de parler de cet épisode de la guerre de 1914 oublié !

Quand la France, en 1914, dut affronter le djihad

Dans "Djihad 1914-1918", l'historien Jean-Yves Le Naour raconte comment les Allemands et l'Empire ottoman ont tenté d'islamiser" la Grande Guerre.


Devant la mosquée Fatih de Constantinople, le 14 novembre 1914, lecture est donnée de cinq fatwas et d'un appel à la guerre sainte lancée par le sultan à la tête de l'Empire ottoman, qui vient d'entrer dans le conflit. Le feu de l'enfer est promis aux chrétiens français, anglais, russes, on exhorte à l'insurrection les populations et les soldats musulmans de ces pays. Cet appel du pied cible 7 millions d'habitants pour l'Empire français, 12 millions pour l'Empire britannique, 20 millions pour les Russes. La Grande Guerre va-t-elle basculer dans une guerre de religion ? Jean-Yves Le Naour, qui depuis 2011 raconte avec une verve rare chez les historiens français chaque année de la Première Guerre mondiale - notamment 1918, l'étrange victoire (Perrin) -, a ouvert ce dossier du djihad méconnu, mais étonnant. Avec le même bonheur d'écriture, il décrit sa genèse, les circonstances de son élaboration, les moyens singuliers déployés par les Ottomans et surtout leurs puissants alliés, les Allemands, mais aussi les réactions et les ripostes des ennemis visés.
Faisant sienne la phrase de Marc Bloch, « un historien est de son temps », il ne nie pas que ce livre lui a été inspiré par le contexte actuel, et on lit avec un intérêt aiguisé cette première tentative d'islamisation de la guerre. Mais Jean-Yves Le Naour met aussi en lumière d'autres enjeux qui courent jusqu'aujourd'hui : les relations de la France avec ses musulmans, en particulier en Algérie, l'importance de la question nationale et le panarabisme, enfant naturel et inattendu de ce djihad. Preuve qu'un historien, sans tomber dans le comparatisme, l'est aussi de son présent.
Le Point : En lisant votre ouvrage, on découvre que ce sont les Allemands qui ont, d'une certaine manière, inventé le djihad en 1914....
Jean-Yves Le Naour : Du moins le djihad global. L'Empire ottoman avait pu au XIXe déclarer une guerre sainte contre la Russie, mais ce qui change en novembre 1914, c'est que tout musulman, parce qu'il est musulman, est censé entrer en guerre contre les chrétiens adversaires de l'Empire ottoman. J'avais été estomaqué de lire qu'en Australie deux musulmans étaient montés dans un train pour attaquer au couteau des Australiens, ressortissants d'une nation qui se battait contre Constantinople, un acte qui renvoie au djihad actuel. Mais oui, derrière cette décision, il y a la pression de l'allié allemand, qui, dès 1898, avait identifié le panislamisme comme une arme à utiliser contre les futurs ennemis dotés d'empires coloniaux - le Kaiser se posant dès lors en protecteur des musulmans.
Et pourtant, Allemands et Ottomans font chou blanc : ce djihad est un quasi-échec. Pour quelles raisons ?
Un peu partout dans les colonies, mais aussi en Russie, où vivent plus de 20 millions de musulmans, les autorités musulmanes multiplient les déclarations de fidélité à la France, à l'Angleterre, à la Russie. Des textes qu'il faut prendre avec des pincettes, car ils ont été provoqués et ne sont pas spontanés. Mais Berlin s'est trompé en pensant que le sultan était une sorte de pape de l'islam, auquel les fidèles obéissaient au doigt et à l'œil. Même si le calife est un commandeur des croyants, il n'existe pas d'intermédiaire entre le fidèle et Allah. Par ailleurs, ce djihad était incohérent, car l'Empire ottoman le déclarait contre certains chrétiens alors qu'il était l'allié des chrétiens allemands et austro-hongrois. Très vite, les musulmans ont compris que le sultan était instrumentalisé par les Allemands.
La France et l'Angleterre réagissent en modifiant leurs relations à l'égard des musulmans.
La France, au fond, a la même approche que l'Allemagne : elle considère le musulman comme un fanatique dont il faut être l'ami. Le paternalisme bienveillant dont elle fait preuve enferme celui-ci dans l'islam. Elle va tout faire pour que les musulmans, soldats comme travailleurs coloniaux - la guerre inaugure l'immigration extra-européenne -, se sentent bien en France. Elle encourage leurs rituels religieux, construit une mosquée à Nogent-sur-Marne, finance même à partir de 1916 le pèlerinage à La Mecque, un comble pour un État laïque. Elle en fait trop, mais cet excès provient de sa vision du musulman, un grand enfant qu'il faut encadrer. Or le cadre, c'est sa religion, d'où une politique de séparation, officiellement pour que les musulmans restent ensemble et soient mieux traités, officieusement pour qu'ils ne soient pas contaminés par des idées démocratiques. Ce qu'on constate cependant, c'est que ces soldats musulmans se comportent comme les autres poilus : ils boivent, ils vont dans les cafés où on sert de l'alcool, ils fréquentent peu la mosquée de Nogent. Cette manière d'enfermer les musulmans dans le religieux se retrouve aujourd'hui, quand on voit qu'ils n'ont guère d'autres représentants que des imams, alors qu'un bon nombre sont laïques.
Les 1 000 soldats qui accepteront de se battre pour l'Empire ottoman déserteront, pour la plupart
La première leçon qu'on tire de votre ouvrage, c'est qu'en 1914 le fait national l'emporte sur le fait religieux. La fidélité à la nation est plus forte que la foi...
On peut s'interroger sur la raison qui pousse ces soldats musulmans français à rester fidèles à la France alors que les Allemands construisent un camp de prisonniers spécialement pour eux, près de Berlin, à Zossen, pourvu d'une mosquée. Là, ils se livrent pour la première fois dans l'Histoire à un bourrage de crâne et à des tentatives de retournement dignes du Viêt-minh. Flatteries, conférences, discours, menaces, rien n'y fait : les 1 000 soldats qui accepteront de se battre pour l'Empire ottoman déserteront, pour la plupart. Pourquoi cet échec ? Il ne faut pas sous-estimer l'importance de la communauté. Celui qui trahit est un traître au groupe. Mais la question nationale l'emporte définitivement lorsqu'en 1916 l'émir Hussein à La Mecque se rebelle contre le sultan et lance un autre djihad contre l'Empire ottoman : le panarabisme prend le pas sur le panislamisme. Par ricochet, l'appel à la guerre sainte a favorisé l'émergence du nationalisme arabe, qui sera bientôt la nouvelle crainte de l'Occident. À la peur du germano-islamisme a succédé celle du panarabisme et de l'islamo-bolchevisme, lorsque Lénine appelle tous ces peuples opprimés à se révolter.
À partir de 1914, pour réagir au djihad, la France se lance dans une formidable opération de séduction à l'égard des musulmans. Elle leur promet de multiples récompenses politiques, dont la naturalisation
L'autre leçon de votre ouvrage, c'est le rendez-vous manqué entre la France et ses musulmans. Il y avait là une formidable opportunité.
À partir de 1914, pour réagir au djihad, la France se lance dans une formidable opération de séduction à l'égard des musulmans. Exaltant la naissance d'une nouvelle fraternité dans les tranchées, elle leur promet de multiples récompenses politiques, dont la naturalisation. L'impôt du sang se paiera avec des droits politiques. De multiples projets naissent pendant la guerre, issus du Parlement, du gouvernement, on réfléchit à un nouveau statut de l'Algérie, à élargir le corps électoral, à accorder des naturalisations. À cette époque, les nationalistes algériens ne réclament pas l'indépendance, ils veulent simplement être des Français à part entière. Ils croient vraiment que des droits vont leur être accordés, en conséquence de leurs devoirs militaires. Or la réforme de février 1919 accouche d'une souris, en raison de l'opposition de la France coloniale, autrement dit des colons. Le seul geste de la France sera de construire la mosquée de Paris, en 1926. On renvoie toujours les musulmans à l'islam. Mais la veille de l'inauguration, dans la même ville, Messali Hadj tient la première réunion de l'Étoile nord-africaine, dont le but est l'indépendance.
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Dont on en n’a peu parlé et pourtant de nombreux soldats français sont tombés comme en France !

Justement, moi, c’est mon grand-père qui a perdu la vie à SEED UL BAHR (TURQUIE) lors de combats de son 17 eme régiment d’artillerie comme Maréchal des logis dans ce fameux détroit des Dardanelles contre les ottomans et allemands le 29 juin 1915 !

Avec d’autres de ses soldats dans cette grande guerre si meurtrière !

Sauf qu’à cette époque-là on n’hésitait pas à envoyer nos soldats nombreux sur le terrain !

Chacun en pensera ce qu’il veut, mais relater cet épisode tragique de la grande guerre 14/18 est important !

Quand à ma grand-mère, elle a reçu, après le décès de mon grand-père par la poste la médaille militaire et sa croix de guerre, quand on voit maintenant les honneurs que l’on fait actuellement à nos soldats tombés en opération extérieure, sans autres commentaires…


Jdeclef 05/11/2017 14h12 LP

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