Dans les
rues de Hongkong : « La Chine est un monstre,
réveillez-vous ! »
REPORTAGE.
Malgré la nouvelle loi qui prévoit des peines à perpétuité, l'opposition
hongkongaise a manifesté. Avec la rage du désespoir.
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Malgré le risque, l'opposition a appelé à manifester, en ce 23e anniversaire de la rétrocession, un rendez-vous annuel incontournable des démocrates hongkongais, pour la première fois interdit. Sur une photo prise par un passant, l'homme arrêté, qui porte un tee-shirt noir « Libérez Hongkong », croise les bras en signe de défiance, l'air calme, comme sûr de son fait. En zoomant, des internautes ont remarqué un détail sur son drapeau : le slogan « indépendance de Hongkong » est précédé, en tout petit, d'un « non à ». Il savait qu'il pourrait être arrêté. Il a fait cela pour tester la loi. Ça pimentera son procès.
Lemmings
Ils sont comme ça, les Hongkongais. Malgré l'atmosphère, qui est
au tragique. Pékin semble implacable, la nouvelle loi est féroce :
criminalisation lourde d'actions politiques anodines comme des blocages, ou
d'opinions politiques comme le soutien à la démocratie en Chine ou
l'autodétermination de Hongkong, en somme de toute opposition au Parti
communiste chinois, extraterritorialité, peines de perpétuité, police secrète
venue de Chine continentale placée au-dessus des lois… Les soutiens extérieurs
se résument à des mains tendues pour prendre la route de l'exil. Suréquipées,
les unités de police antiémeute sont depuis le matin omniprésentes, barrent,
cordonnent, inondent, chargent, hurlent, mitraillent aux billes de poivre
et aux grenades lacrymogènes, ou à la lance à eau irritante d'un camion de
fabrication française, tandis que rugissent les sirènes des fourgons en tous
sens…Impossible de former un cortège dans ces conditions. Dans le quartier commerçant de Causeway Bay, les citoyens venus manifester débordent en masse des bouches de métro, et piétinent dans des directions au hasard, suivant ceux qui les précèdent comme une armée de lemmings, dans des allées de traverse, dans des centres commerciaux, sur les escalators et les mezzanines, sur les rares trottoirs libres des boulevards occupés par la police. Celle-ci est bien incapable de distinguer « ennemis de l'État » et simples passants de ce quartier d'ordinaire très fréquenté. De temps à autre, sans qu'il soit toujours possible de comprendre pourquoi, une unité lève un drapeau bleu pour signaler un rassemblement interdit, avant de le disperser. Et, c'est la nouveauté du jour, elle exhibe parfois aussi un drapeau violet conçu spécialement pour l'occasion indiquant que la loi sur la sécurité nationale est enfreinte – par qui, comment, nul ne le sait. La consigne du jour est d'interpeller ceux qui exhibent des bannières et pancartes portant des slogans proscrits par la nouvelle loi.
Justement, un grand dadais aux habits multicolores déploie un parapluie griffonné d'inscriptions en plusieurs langues, reprenant le cri de ralliement des manifestants depuis un an : « Hongkong, révolution de notre temps ». Une demi-douzaine de policiers se jettent sur lui, l'entraînent derrière un cordon. Il est entravé, les mains liées dans le dos par un collier de serrage en plastique. À la rigueur, « Révolution de notre temps » pourrait relever du crime de subversion, supputent des observateurs, qui restent au seuil du cordon de police pour suivre de loin la procédure. « Apparemment, ils hésitent à l'embarquer », commente l'un d'eux. Il est emmené vers la loterie de l'arbitraire qu'est devenue la justice hongkongaise, autrefois exemplaire. 370 personnes auront été arrêtées à la fin de la journée, dont 10 spécifiquement pour violation de la loi sur la sécurité nationale, le reste relevant des infractions habituelles, rassemblement illégal, désordre public, émeute…
« Je continuerai de manifester jusqu'à ce qu'ils
m'arrêtent »
Oui, l'atmosphère est au tragique, et pourtant, les Hongkongais
gardent leur esprit farouche, plein d'ironie et de courage. Des
« mamies » posent pour les photos devant les cordons de police,
tractent, ricanent. La foule applaudit une jeune fille en jupe ultracourte qui
fuit en dansant après avoir nargué les forces de l'ordre. Tous chantent
les slogans et leurs hymnes interdits dès que l'intervalle entre deux charges
leur laisse reprendre leur souffle. Et ils jubilent et mugissent quand des
jeunes arrachent une banderole gouvernementale célébrant la nouvelle loi. Rien
n'a changé… ou presque : les bannières, pancartes et drapeaux, qui
semblent devoir valoir la prison, sont beaucoup plus rares. Dans une
contre-allée irriguée par un flux incessant de manifestants, un jeune homme qui
se présente comme monsieur Ho, la vingtaine, est un des derniers irréductibles
à brandir un immense drapeau « Libérez Hongkong, révolution de notre
temps », avec un portrait du leader indépendantiste emprisonné Edward
Leung.« Je suis venu manifester pour montrer que je n'ai pas peur de cette nouvelle loi et que nous combattons toujours pour notre liberté », se justifie Ho, le visage intégralement dissimulé dans un cache-nez, une casquette et des lunettes de soleil pour être tout à fait incognito. « Je me suis engagé à cause de la loi d'extradition de 2019. La Chine ne devrait pas avoir le droit d'arrêter des gens à Hongkong et de les emmener sur le continent pour les juger. Au début, je ne voulais que rejeter la loi d'extradition. Mais maintenant, nous savons que, si nous n'obtenons pas l'indépendance, le gouvernement chinois continuera de créer des lois pour faire taire toute opposition. » Autrefois position totalement marginale dans l'opinion publique, l'indépendance de Hongkong prospère désormais chez les jeunes les plus radicaux. Et de conclure : « Même si je peux être arrêté et mis en prison pour dix ans, je veux montrer que nous n'avons pas peur. Je sais que cela peut très mal se finir pour ma vie et ma carrière. Mais je pense que la liberté est ce que les Hongkongais désirent. Je continuerai de manifester jusqu'à ce qu'ils m'arrêtent. » Et après ? L'exil, peine-t-il à s'avouer.
D'autres ont commencé à en prendre la route. Le groupe Demosisto, fondé par la jeune star du Mouvement des parapluies Joshua Wong, s'est dissous la veille. Un de ses membres, Wong Yik-Mo, avait pour sa part donné sa décision de quitter le mouvement neuf jours plus tôt. Il est maintenant à Taïwan pour « affaires personnelles ». « J'hésite à revenir en juillet », confie-t-il par téléphone. « Je m'en sens la responsabilité. Mais j'ai peur d'être arrêté ou de ne pas pouvoir repartir. » Ayant mené des campagnes de lobbying à l'étranger qui ont conduit les États-Unis à adopter un mécanisme de sanctions contre la Chine fin 2019, les membres de Demosisto sont des cibles de choix.
Ils auront le droit de tuer des gens.
« Nous avons dissous le mouvement pour protéger ceux d'entre nous qui n'ont pas participé à la campagne de lobbying international, mais nous continuerons notre lobbying, individuellement », promet Wong Yik-Mo. Avec des accents sarcastiques, il décortique les monstruosités du texte, les « lavages de cerveau » prévus dans les écoles, le « ridicule » article 38 qui prévoit que la loi soit applicable au monde entier, l'article 60 qui met l'agence de sécurité nationale au-dessus des lois (« Ils auront le droit de tuer des gens », s'alarme-t-il). « Un dernier mot pour la France, conclut-il. Si, dans l'opinion et chez vos dirigeants, qui que ce soit a encore des espoirs et des rêves pour la Chine, c'est une illusion, un délire, devrais-je dire. Cette loi est bien pire que tout ce qu'on aurait pu imaginer. Le gouvernement français veut commercer avec la Chine, donc il ne parle jamais ou très peu de droits de l'homme, et il agit concrètement encore moins qu'il ne parle. Mais cette loi… La Chine est un monstre. Réveillez-vous ! C'est un monstre. »
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Elle est gouvernée
par un gouvernement et son parti communiste totalitaire et dirigé par un dictateur
à vie !
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