lundi 17 août 2020

Ce vieux monsieur remet les pendules à l'heure en appelant un chat un chat !

« Nous sommes dans une société gravement fracturée, et de plus en plus violente »

ENTRETIEN. Incarnation vivante de l'autorité républicaine, Jean-Pierre Chevènement remet les pendules à l'heure dans les confusions du moment. Décapant.


Jamais son nom n'a autant circulé dans les cercles du pouvoir. Le rebelle de la gauche voit ses intuitions politiques, souvent décriées par le passé, faire désormais mouche dans son camp comme dans les autres. L'octogénaire Jean-Pierre Chevènement est aujourd'hui salué pour sa cohérence politique. Incarnation vivante de l'autorité républicaine, l'ancien ministre – Recherche et Industrie, Éducation nationale, Défense, Intérieur – est régulièrement consulté par l'actuel président de la République. Et au cœur d'un été marqué par de multiples violences, dont des agressions répétées contre les dépositaires de l'ordre – policiers, mais aussi désormais maires –, une fermeté humaniste à la chevènement devient une référence nécessaire dans la gestion de l'ordre public.
L'actuel ministre de l'Intérieur, le sarkozyste Gérald Darmanin, parle d'« ensauvagement » de la société, et l'expression fait écho au mot « sauvageons » lâché par son prédécesseur Place Beauvau en 1999. Il y a plus de quinze ans… En attendant ses Mémoires qui paraîtront début septembre sous le titre Qui veut risquer sa vie la sauvera (Robert Laffont), Jean-Pierre Chevènement nous a accordé un entretien à bâtons rompus et, comme toujours chez lui, sans langue de bois.

Le Point : Emmanuel Macron est-il à la hauteur de la crise que nous traversons ?

Jean-Pierre Chevènement : Je suis beaucoup moins sévère que la plupart des commentateurs sur la gestion de la crise par Emmanuel Macron. À part la pénurie de masques que nous aurions pu éviter si on avait maintenu la politique de stocks stratégiques définie il y a dix ans, les mesures prises pour indemniser le chômage partiel ou pour accorder aux entreprises des prêts garantis par l'État ou encore pour reporter les charges sociales et fiscales ont permis jusqu'à présent de préserver notre tissu entrepreneurial. La crise a mis en lumière nos profondes dépendances, et pas seulement dans le domaine sanitaire. Indépendance est pour moi un maître mot. Il s'agit de retrouver des marges de manœuvre, une capacité à s'orienter par soi-même, ce qui est au fondement même de la République. Cette crise nous invite à prendre nos distances par rapport à la règle de l'approvisionnement au plus bas coût possible, qui a prévalu tout au long de trois décennies de mondialisation débridée. Nous avons ainsi laissé notre pays se désindustrialiser, au prix de fractures sociales de plus en plus insupportables. Il faut remonter la pente.

Le souverainisme redevient à la mode… Vous devez en être content ?

Je n'aime pas employer ce mot, qui est source de confusion avec certaines expressions que je ne fais pas miennes. Je me dis simplement républicain. Je me garde des amalgames. Je suis pour la souveraineté nationale, intitulé du titre premier de la Constitution de 1958, parce qu'elle est la condition de la République. Je considère que les étrangers venus sur notre sol ont vocation à s'intégrer à la République. Ils ne doivent pas être rejetés a priori ; en même temps, la politique d'immigration dépend de la capacité d'intégration du pays d'accueil. Il faut tenir les deux bouts de la chaîne.
Le nouveau cap fixé par Emmanuel Macron, et notamment le gouvernement Castex, a-t-il une coloration « chevènementiste » ?

J'observe que la nomination de monsieur Castex a permis une certaine embellie dans l'opinion publique, à la fois pour le président de la République et le gouvernement. Mais la politique du gouvernement Castex sera jugée sur le long terme sur sa capacité à reconquérir l'indépendance industrielle et technologique de la France pour laquelle s'était engagé le président. On a fait appel à des « poids lourds » politiques, c'est une bonne chose, mais je ne discerne pas dans l'état actuel ce qui, dans les structures du gouvernement, traduirait la volonté de reconquête de notre indépendance.

Castex : « Laissez dire que je suis le porte-serviettes du président »

Jean-Pierre Chevènement va sortir ses mémoires.
Sur quels axes doit-il orienter sa politique ?

La reconquête de l'indépendance ne se fera pas sans ressourcement républicain. Nous sommes dans une société gravement fracturée, et de plus en plus violente. Cette France éclatée est menacée par la montée des communautarismes. Je m'inquiète pour la République, elle ne tient que par la force des idéaux de citoyenneté et de laïcité. Je déplore l'évanescence du patriotisme français sans lequel il ne peut y avoir de civisme ni de sens de l'État.
Philippe de Villiers : « Nos dirigeants se pâment devant le discours racialiste »
Que pensez-vous des polémiques sur les violences policières ?
Je me refuse d'accoler ces deux termes, dont l'association signifierait que ces violences seraient le fait d'une institution de la République. Il existe des violences commises par des policiers, il y a des brebis galeuses partout, mais des « violences policières » propres à l'institution, non. La police est une institution républicaine faite pour la sûreté de tous, les policiers sont soumis à une stricte déontologie et, parmi tous les corps de fonctionnaires, ils sont les plus sanctionnés. Il faut s'interroger sur les violences dont sont de plus en plus victimes les policiers : verbales et physiques. Elles signalent la crise de l'autorité et de la citoyenneté.
Sécurité, terrorisme, présomption d'innocence… Gérald Darmanin dit tout
Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, parle d'« ensauvagement » de la société, et tout le monde s'est alors souvenu du terme de « sauvageons » que vous aviez employé en 1999, à cette même place, et les polémiques qu'il avait suscitées…
L'expression « sauvageon » (en vieux français un arbre non greffé) pointait un défaut d'éducation. L'explosion de violences dans la société française dont parle monsieur Darmanin résulte de sa fracturation, d'autres diraient de son « archipélisation ». Y porter remède ne peut être de la seule responsabilité du ministre de l'Intérieur.
Avant la République, la France s'est construite avec des hommes d'État comme Colbert qui a créé la Compagnie des Indes, fondé la manufacture des Gobelins, contribué à l'industrialisation de la France.
Comment avez-vous réagi quand vous avez vu la multiplication des déboulonnages de statues ?
L'histoire doit être écrite par les historiens. Déboulonner les statues de Jacques Cœur ou de Colbert est une atteinte grave à l'identité de la France. Jean-Marc Ayrault a découvert que Colbert n'était pas un personnage républicain, ni un grand parlementaire, alors qu'il a présidé le groupe socialiste à l'Assemblée pendant des années salle Colbert. Pendant tout ce temps-là, il n'a jamais demandé que l'on débaptise cette salle. Avant la République, la France s'est construite avec des hommes d'État comme Colbert qui a créé la Compagnie des Indes, fondé la manufacture des Gobelins, contribué à l'industrialisation de la France. Je n'essaye même pas d'expliquer que le Code noir était le premier essai de juridicisation des rapports entre les esclaves et leurs propriétaires, car l'esclavage est évidemment une abomination. Le mouvement indigéniste ou décolonial fraie la voie à l'apartheid et à l'extrême droite. Les Républicains doivent le combattre résolument. Contrairement à la lutte des classes qui a nourri le réformisme social, la lutte des races n'offre aucune perspective de progrès. Il ne faut pas céder à l'intimidation des partis décoloniaux, des réunions de « racisés » et autres manifestations de déconstruction du modèle républicain.
L'Histoire n'est plus que jugement
Le taux d'abstention aux dernières élections, les municipales, est-il le signe d'une crise politique structurelle ?
On ne peut que constater la désaffection croissante des électeurs pour l'offre politique qui leur est présentée. J'espère que cette crise sera un jour surmontée. Il faut que le président de la République donne sens à la dernière partie de son quinquennat, sinon, nous irons vers la poursuite du dégagisme. L'intérêt national n'est plus clairement l'aune à laquelle se définissent nos politiques.
Sur quoi repose une telle affirmation ?
Regardez, par exemple, notre politique énergétique : elle est, à mes yeux, profondément contraire à l'intérêt national. Supprimer quatorze tranches nucléaires, et donc renoncer à la production d'une électricité décarbonée et peu chère, n'a pas de sens. En effet, le recours à des énergies intermittentes va imposer des centrales à gaz ou à charbon, en l'absence de moyens de stockage d'énergie intermittente, dont aucun n'est opérationnel aujourd'hui. C'est un saut sans parachute.
Jean-Pierre Chevènement a été plusieurs fois ministre.
Douze maires écologistes de grandes villes, est-ce une bonne ou une mauvaise chose ?
Je distingue l'écologie en tant que science visant à préserver les biens communs de l'humanité, et à laquelle j'adhère, de l'idéologie des Verts qui est, pour moi, essentiellement régressive par rapport à l'horizon historique, substituant l'idée de la catastrophe à celle du progrès. Cette idéologie est née en Allemagne au lendemain de la Seconde Guerre mondiale avec le philosophe Hans Jonas, dont la théorie du « principe de précaution » débouche sur la technophobie, la sortie du nucléaire, par exemple, ou l'hostilité à la 5G… Nous avons la faiblesse de nous mettre dans le sillage de l'Energiewende allemande, qui a abouti à un fiasco total. Martine Aubry, en 2011, a élaboré dans la foulée d'Angela Merkel un programme socialiste qui prévoyait la fermeture de très nombreuses centrales nucléaires, François Hollande l'a repris dans sa loi de 2015, Emmanuel Macron a amélioré la prestation en repoussant la fermeture de quatorze réacteurs de 2025 à 2035. Mais on a déjà fermé deux réacteurs nucléaires, à Fessenheim, ce qui va coûter 1 milliard de dédommagements à EDF et 5 % de notre potentiel électrique ! Un pays se suicide-t-il avec plus de méthode ? Faire tourner, à la place, des centrales à charbon et au lignite représente un acte grave. Il serait temps de revenir aux idéaux des Lumières et ne pas céder aux tendances anti-sciences du courant soi-disant écologiste. Il faut éviter une écologie réglementaire, paperassière, contraignante, punitive, qui rendra la vie très difficile aux agriculteurs, sans parler des chasseurs ou des pêcheurs, qui ont quand même le droit d'exister. Les électeurs des métropoles ne sont pas tout l'électorat. S'il s'agit d'imposer un diktat idéologique à la société, je crains qu'on aille vers des tensions qui nourriront l'extrême droite.
Le nucléaire, grand absent du plan de relance ?
Au départ, les socialistes pensaient que les écologistes leur apporteraient un appoint électoral. Finalement, ceux-ci se sont hissés sur leurs épaules. La sensibilité écologiste a grignoté de l'intérieur la gauche républicaine traditionnelle.
Les municipales ont-elles marqué un réveil de la gauche ?
Au plan de la sensibilité peut-être, mais pas au plan idéologique. Le problème de la gauche est qu'elle ne veut pas faire l'autocritique de sa pratique depuis 1983, c'est-à-dire de son ralliement au néolibéralisme. Elle ne met pas en cause cette dérégulation généralisée de l'économie qui s'est faite au prétexte de l'Europe, mais qui lui a fait tourner le dos à ses valeurs fondatrices. Elle ne remet pas en cause la politique économique associée à la mondialisation qui a conduit à la désindustrialisation et à la dépendance productive et financière dans laquelle nous sommes. La gauche républicaine traditionnelle a capitulé au profit d'une sentimentalité mièvre qu'elle a en commun avec les écologistes. Au départ, les socialistes pensaient que les écologistes leur apporteraient un appoint électoral. Finalement, ceux-ci se sont hissés sur leurs épaules. La sensibilité écologiste a grignoté de l'intérieur la gauche républicaine traditionnelle. Et maintenant, nous voyons fleurir des exhortations à la décroissance, à la frugalité, à la sobriété, à travailler moins. Est-il sûr que ces recommandations conduiront à une société plus harmonieuse, plus équilibrée, plus heureuse ?
Élisabeth Guigou : « Le PS n'a pas su prendre le virage de la mondialisation »
Si vous aviez 20 ans aujourd'hui, sur quel combat vous engageriez-vous ?
À chaque génération d'inventer son combat. Je suis d'une génération qui, au début des années 60, fut confrontée aux luttes de libération nationale par rapport au colonialisme. J'ai fait partie de l'une des dernières classes qui ont été engagées dans la guerre d'Algérie, en 1961-1962. Puis, j'ai inventé mon combat puisque j'ai choisi de créer un think tank pour influencer l'union de la gauche, le Ceres. Pour moi, aujourd'hui, le combat digne d'être mené, c'est celui qui vise à maintenir le modèle républicain à l'échelle nationale, mais aussi européenne et mondiale. La démocratie ne trouve guère son compte dans le fonctionnement des institutions européennes actuelles. Je suis pour une Europe à géométrie variable où les Parlements nationaux continuent de jouer leur rôle de contrôle des exécutifs, tant nationaux qu'européens. Et je suis pour une Europe indépendante face aux deux empires qui se disputent la domination du monde.
La génération qui a sucé le lait de SOS Racisme n'est pas allée loin en politique.
La laïcité est-elle encore une valeur de gauche ?
Ce n'est pas une valeur de gauche, c'est une valeur républicaine. La République est laïque comme il est mentionné dans la Constitution depuis 1946. L'actualité de la laïcité, c'est la réponse donnée à juste titre à des courants qui veulent rétablir le droit divin, qui, aujourd'hui, ne sont pas principalement des courants chrétiens, mais musulmans. Un vieux combat qui, en Europe, date de 1789 et reste moderne. À la gauche de porter cette lutte si elle veut rester fidèle à elle-même. Comme elle doit conserver l'héritage de la nation, cadre privilégié de la démocratie et de la solidarité. Pourquoi la gauche a-t-elle abandonné à Le Pen en 1984 la défense de la nation ? Pourquoi a-t-il fallu qu'en 1985 je rétablisse, en tant que ministre de l'Éducation, l'apprentissage de la Marseillaise sous les quolibets d'une partie de la gauche ? Nous sommes un pays pluriethnique, pluriconfessionnel, mais pas pluriculturel : il y a une culture française.
Liberté d'expression – Me Richard Malka : « La situation est bien pire qu'il y a cinq ans »
Regardez-vous la série Baron noir ?
Cela m'arrive. J'aime Kad Merad, sans doute la seule figure socialiste à laquelle, à l'ère de l'immédiateté, les Français s'identifient facilement aujourd'hui. Entre François Mitterrand et Kad Merad, il n'y a pas eu grand monde dans la mémoire collective. La génération qui a sucé le lait de SOS Racisme n'est pas allée loin en politique.
--------------------------------------------------------------------------------
Mais il est déjà trop tard, car la clique des derniers quinquennats nous a donné des politiciens (que nous avons élus) médiocres sans courage et volonté sclérosés par l'argent roi et leurs avantages auxquels ils s'accrochent, mais plus au fait du peuple qu'ils dirigent si mal, car ne pensant qu'à eux !

Et notre société par contre coup est devenu violente par certains qui voudraient faire leurs lois qui nous font glisser immanquablement vers une anarchie latente que l'on a de plus en plus de mal à maîtriser, car le chacun pour soi prend de plus en plus le dessus sur le bien commun et les respects d'autrui !

Et comme notre justice est d'un laxisme préoccupant avec un code pénal devenant totalement inadapté il n'y a plus de garde fous pour les trublions voyous, brigands criminels de tous poils qui sèment un désordre quotidien, par des services d'ordres muselés pour ne pas déraper au point de devenir inefficaces par nos bien-pensants donneurs de leçons hypocrites qui ne pensent qu'à leur carrière pour être réélus !

D'ailleurs la crise sanitaire par cette pandémie mondiale a mis en exergue leur incompétence et la situation économique très préoccupante à venir confirme le déclin de notre pays !

On a eu quelques grands hommes d'état dans notre histoire, mais depuis trente ans, c'est bien fini, car même si on changeait de président en 2022 on ne saurait pas par qui le remplacer ce qui prouve la faiblesse et la médiocrité de nos politiciens de tous bords ou ceux qui voudraient diriger notre pays !

Notre V eme république devient obsolète engluée dans une administration kafkaïenne et des fonctionnaires bornés incapables de gérer n'importe quels problèmes, il faudrait en changer pour le bien de tout le monde, mais c'est un rêve utopique pieux !

Jdeclef 17/08/202013h45

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire