Sécurité,
terrorisme, présomption d'innocence… Gérald Darmanin dit tout
EXCLUSIF.
Un mois après sa nomination, le nouveau ministre de l'Intérieur dévoile son
programme et répond à ses détracteurs.
Depuis
la composition du nouveau gouvernement Castex, Gérald Darmanin est le ministre
le plus exposé. Et pour cause : ces dernières semaines, les faits divers,
souvent tragiques, se sont multipliés à Dijon, à Bayonne, à Étampes et ailleurs.
Le ministre a parlé d'un « ensauvagement » d'une partie de la société.
Parallèlement, il a dû faire face aux débats sur les méthodes d'intervention de
la police, qui ont notamment causé la mort, en janvier, de Cédric Chouviat.
S'il admet des «
dérives » et des « abus », il récuse le terme de « violences
policières ». Sur le plan personnel, l'élu du Nord a dû également
composer avec les attaques de militants féministes, qui ont redoublé
d'activisme depuis la réouverture - pour une question de procédure et après un
non-lieu - d'une enquête pour viol. La rentrée s'annonce également chargée pour
le ministre de l'Intérieur. En septembre, le procès des attentats de Charlie Hebdo,
de Montrouge et de l'Hyper Cacher aura lieu et permettra de faire un point sur
la menace terroriste, toujours présente. À l'automne, le ministre présentera
une loi sur le «
séparatisme », afin « d'éviter que certains groupes ne se referment autour
d'appartenances ethniques ou religieuses ». Interrogé par Le Point,
Gérald Darmanin n'élude aucune de ces questions, faisant montre d'un
franc-parler annonciateur du « combat culturel » qu'il dit vouloir mener
Le Point :
Comment vous présenteriez-vous aux Français, qui commencent à vous connaître ?
Gérald Darmanin : On est
toujours le fruit de son éducation, de sa famille et de son humus régional, le
Nord pour ma part. Les trois se confondent. J'ai reçu une éducation
républicaine, qui croit à la protection de l'État, au mérite et au travail.
Certes, j'ai connu une enfance modeste mais elle était digne, avec des parents
travailleurs. À la maison, on n'a jamais manqué de rien. Femme de ménage, ma
mère se levait à 5 heures du matin pour aller travailler. Ce qui est encore le
cas aujourd'hui. Plus jeune, je rêvais d'être préfet : quand j'étais gamin, on
m'avait offert une biographie de Jean Moulin dans laquelle j'ai appris qu'il
avait tenté de se suicider, en 1940, pour éviter d'être contraint par les
nazis, sous la torture, d'imputer des massacres de civils à des tirailleurs
sénégalais ; puis, une fois rétabli, il est entré dans la Résistance. Pour moi,
cet homme, c'était ce qu'il y avait de mieux.
Vous voilà aujourd'hui ministre de l'Intérieur. Avez-vous voulu ce
poste ? Vous avez, dit-on, « menacé » de retourner à Tourcoing si le président
ne vous nommait pas…
Tourcoing, c'est la ville que j'aime, c'est là où j'habite, y
retourner n'est pas une punition, ni une menace ! Par ailleurs, on ne « menace
» pas le chef de l'État. Je lui ai simplement expliqué, comme je l'avais déjà
fait avec Édouard Philippe puis Jean Castex, que si je fais de la politique
c'est pour être utile, pas pour gagner un strapontin ou pour respecter des
équilibres politiques. Ce qui m'intéresse dans l'absolu, c'est d'être utile à
mon pays et d'avoir une influence sur le cours des choses. Si le président de
la République m'avait proposé un poste moins prestigieux, mais influent, à ses
côtés, je l'aurais accepté bien volontiers. Certes, la politique est une drogue
dure, mais il est bon pour soi-même de faire autre chose. Je le répète depuis toujours
et je constate que personne ne me croit : je ne ferai pas de la politique toute
ma vie. Je me suis d'ailleurs demandé il y a un mois et demi, s'il n'était pas
temps pour moi, après trois ans au Budget, de passer à autre chose.
Repères
1982 Naissance le 11 octobre à
Valenciennes (Nord).
2012 Élu député de la 10 e
circonscription du Nord, où il succède à Christian Vanneste.
2014 Élu maire de Tourcoing.
2014 Nommé par Nicolas Sarkozy, en
septembre, porte-parole de sa campagne pour la présidence de l'UMP.
2015 Directeur de campagne de Xavier
Bertrand aux élections régionales, il est élu vice-président des
Hauts-de-France.
3 mars 2017 Il renonce à soutenir François
Fillon et démissionne de ses fonctions de secrétaire général adjoint de LR.
17 mai 2017 Ministre de l'Action et des
Comptes publics du gouvernement d'Édouard Philippe.
6 juillet 2020 Ministre de
l'Intérieur du nouveau gouvernement de Jean Castex.
Vous avez la réputation de vous être imposé aux fonctionnaires du
Budget. Y parviendrez-vous à Beauvau, où l'administration est considérée comme
toute-puissante ?
Je ne crois pas à cette chimère qui prétend qu'il y a trop
d'administration, voire trop de technocratie dans notre pays. Je pense surtout
qu'il n'y a pas assez de politique. Le ministre est le patron de son
administration. Un ministre qui dirait « mon administration bloque » n'est pas
un bon dirigeant politique. C'était un honneur pour moi de diriger le ministère
des Comptes publics, et je n'y ai trouvé que des agents loyaux qui aiment
l'État.
L'exemple des sanctions non appliquées par l'administration dans
l'affaire des maltraitances contre des personnes déférées au dépôt du tribunal
de Paris ne démontre-t-elle pas qu'elle prend trop de libertés ?
Cette affaire du dépôt du tribunal judiciaire de Paris, je
l'apprends par la presse. Ce qui est déjà anormal, et je l'ai dit fermement à
qui de droit. Cependant, les investigations ont existé avant les révélations
dans les médias, et elles ont été plutôt bien réalisées. L'IGPN a fait son travail.
Par ailleurs, on a parfois dit des choses fausses, non corroborées par
l'enquête administrative. Le problème, c'est que l'IGPN n'a pas de système de
retour des sanctions qu'elle propose. Si ses propositions de sanction peuvent
être contestées par les services, il est indispensable de savoir pourquoi. J'ai
donc décidé que, désormais, lorsqu'une sanction est proposée, l'autorité
hiérarchique dispose d'un mois pour répondre et donner une suite, soit en
appliquant la sanction, soit en justifiant son refus. Dans les cas les plus
graves, en cas de désaccord sur les suites à donner, c'est à l'autorité
ministérielle de trancher. Cela me paraît être une mesure de bon sens.
À propos des violences policières, ne serait-il pas sain de
changer ce système dans lequel la police enquête sur la police ?
Je récuse le terme de « violences policières ». Les principales
victimes de violences, notamment en manifestation ou lors d'interpellations, ce
sont les policiers et les gendarmes. Plus de 11 000 policiers et gendarmes ont
été agressés en 2019 et 7 sont morts en fonction. Là est la violence ! À aucun
moment, au cours des manifestations de ces dernières années, un policier ou un
gendarme, parfois dans une confusion et une violence extrêmes, n'a attenté à la
vie d'un manifestant. Il faut leur rendre hommage. La force légitime est
l'apanage de la police et de la gendarmerie. Il a pu y avoir des abus, des
dérives, qui doivent être sanctionnées, mais « violences policières » est un
terme inacceptable. Ensuite, il existe dans notre pays une autorité judiciaire.
Elle s'applique aux faits qui concernent aussi les policiers. À côté des
enquêtes judiciaires, il doit y avoir des enquêtes administratives, c'est le
rôle de l'IGPN, qui doit poursuivre sa mission. En revanche, je pense que
l'IGPN peut être plus transparente en publiant, par exemple, ses rapports, à
condition évidemment qu'on respecte la vie privée des agents et que cela
n'impacte pas l'enquête judiciaire. Le ministère de l'Intérieur n'a rien à
cacher.
Vous avez dit vous « étouffer » quand on évoque les violences
policières… Le mot n'est-il pas pour le moins inapproprié ?
Comprendre l'émotion, ce n'est pas subir la dictature de
l'émotion. Il n'y avait aucune intention de ma part de faire un parallèle avec
telle ou telle affaire. « S'étouffer », « s'étrangler », ce sont des images
populaires que chacun comprend. J'ai entendu la veuve de M. Chouviat dire
qu'elle avait été blessée par mon propos. Je n'avais pas du tout cette
intention. Je comprends son émotion. Je lui ai donc écrit pour m'en expliquer
et lui dire que je la comprenais. Mais, en trois heures d'audition à la
commission des Lois de l'Assemblée nationale, on n'a jamais évoqué la tragédie
vécue par M. Chouviat. Il y a une enquête judiciaire qui suit son cours.
Plusieurs policiers concernés ont d'ailleurs été mis en examen.
Que faudra-t-il changer dans la formation des policiers ?
Un point majeur devra changer, mais qui là aussi prendra un peu de
temps : on ne peut plus envoyer de jeunes policiers sortant de leur terroir à
Paris ou en proche banlieue dans des conditions de violence bien plus élevées
que ce qu'ils ont connu, sans davantage de formation. Ils ne sont pas toujours
prêts au maintien de l'ordre. Ils doivent parfois acheter eux-mêmes en grande
surface un casque de protection ou leur propre caméra piéton ! On voit
quelquefois des policiers en tenue bigarrée, avec des uniformes différents. Ce
n'est donc pas qu'une question de schéma de maintien de l'ordre et de technique
d'interpellation, c'est aussi des policiers qui doivent être davantage formés,
mieux équipés, et dont une partie de la mission, désormais, même lorsqu'ils
font de la voie publique, consiste à faire du maintien de l'ordre. La crise
violente dite des Gilets jaunes a bousculé les habitudes. Le ministère doit
s'adapter.
« L'ensauvagement » dont vous avez parlé visait-il les faits
divers tragiques de ces dernières semaines ou percevez-vous un « ensauvagement
» plus global de notre société ?
J'aurais pu parler de violence mimétique. Il y a des moments dans
l'histoire d'un pays où la société est plus violente, parfois plus sauvage. Je
ne dis pas que les gens sont sauvages, je dis qu'une partie de la société
l'est. Je crois que René Girard a tout à fait raison et qu'il existe une
violence mimétique et des boucs émissaires. Les gens se regardent et
reproduisent parfois des faits violents ou des paroles parce qu'il y a une
tension sociétale qui monte. L'ensauvagement, c'est aussi celui des réseaux
sociaux, le tribunal populaire, le mot qui est déformé et monté en épingle.
Depuis que j'ai été nommé ministre, il y a trois ans, j'ai dû recevoir
plusieurs dizaines de menaces de mort ! Je ne trouve pas que ce soit le signe
d'un haut degré de civilisation…
Une partie de votre majorité est elle-même troublée par ce terme
d'ensauvagement…
Je respecte l'opinion de tous les parlementaires, mais il se
trouve que j'ai aussi la mienne. Je parle un français que les gens comprennent
et je pense, par ailleurs, que les hommes et les femmes politiques ne vivent
pas toujours ce que vit le peuple. Quand on gagne plus de 6 000 euros par mois,
on a les moyens d'assurer sa propre sécurité, contrairement à l'ouvrier qui va
travailler le matin à l'usine ou à la femme de ménage qui revient de son
travail en banlieue.
Depuis le début de cet entretien, il a beaucoup été question de
mots. L'autorité passe-t-elle par là ? En février 2019, lors d'une
manifestation contre l'antisémitisme, Nicolas Sarkozy a posé la question de
l'autorité au sommet de l'État, comme si elle faisait défaut…
Les mots sont importants. Moins on a de mots, plus on est violent.
C'est le ministre de l'Éducation nationale qui résoudra les problèmes du
ministre de l'Intérieur dans vingt ans. Mais si je pense qu'il n'y a pas
d'excuses à la violence, si je n'ai pas une vision bourdieusienne des choses,
il y a quand même quelques explications. Quand on a peu de vocabulaire, qu'on
vit dans un monde hyperviolent, on a plus tendance à aller vers une société
violente. Ensuite, la politique, la vie, c'est quand même les mots. Au commencement
était le verbe ! Le mot exprime la pensée, qui précède l'action, et je pense
que les politiques ont lâché le combat culturel. Si ce combat veut être gagné,
il commence par les mots.
Et qu'en est-il de l'autorité, notamment celle du chef de l'État ?
C'est un mauvais procès qui lui est fait. J'ai vu depuis trois ans
un président de la République souhaitant chaque jour restaurer l'autorité
républicaine dans une société qui avait parfois perdu ses repères, avec des
moyens sans précédent alloués au régalien. Cela ne s'est pas toujours beaucoup
vu car le sujet majeur de ces dernières années a été avant tout économique et
social.
La pensée précède les mots, qui précèdent l'action, dites-vous. Il
ne reste que six cents jours avant la présidentielle. Et les mots, on les
connaît déjà…
Non, les mots on ne les connaît pas toujours. Il faut mettre des
mots sur les choses. Quand quelqu'un commet une attaque terroriste et qu'on dit
qu'il est simplement déséquilibré, et qu'on n'ose pas dire que c'est aussi un
terroriste islamiste, il y a un problème de perception de la réalité. Encore
une fois, on a une bataille culturelle à mener. Je pourrais en dire autant de
ceux qui lient, du côté droit de l'Hémicycle, l'immigration et l'insécurité.
Ils ne rendent pas service à leur pays. D'abord parce que c'est faux, mais
aussi parce que c'est une vision essentialiste de la France, qui est le
contraire de la vision républicaine que nous prônons.
Êtes-vous satisfait de vos arbitrages budgétaires ?
À la demande du Premier ministre, le budget du ministère de
l'Intérieur augmente. Mais je n'ai jamais pensé qu'un ministre heureux, c'est
un ministre avec un budget qui augmente. Je garde un discours responsable
s'agissant des deniers publics. Des efforts doivent être faits en interne. Par
exemple, pour la police et la gendarmerie, à Paris, en centrale, il y a 10 000
personnes. Est-ce normal ? Il y a 344 agents au commissariat de Tourcoing…
Les policiers se plaignent que la réponse pénale n'est pas assez
ferme à l'égard des délinquants. Comment votre action va-t-elle s'articuler
avec celle du nouveau garde des Sceaux ?
Je n'ai jamais trouvé, personnellement, que la justice était
laxiste. En tant que maire, j'ai vu le travail des procureurs de la République,
des juges, et le manque de moyens, qui me semble bien plus flagrant dans la
justice encore que dans la police. Par contre, j'ai déjà vu une justice lente,
c'est cela le problème ! Elle peut être lente parfois par manque de moyens ou
en raison de difficultés d'organisation de la chaîne pénale pour appliquer la
politique pénale.
C'est la lenteur qui explique que les mêmes délinquants sont
arrêtés 10, 12, 15 fois.
Je peux témoigner que la très grande majorité des jugements ne
sont pas laxistes. En revanche, ils sont lents à être prononcés et exécutés. Je
pense que, quand la peine n'est pas rapide, elle n'est pas pédagogique. Des
choses intelligentes ont été faites : la comparution immédiate, les travaux
d'intérêt général… Je n'ai jamais pensé que la prison était l'alpha et l'oméga
de toutes les peines ni que seuls les trafiquants des quartiers étaient
responsables. Certes, il y a des familles entières qui vivent du deal de
cannabis ou de cocaïne, mais il y a aussi plein de bourgeois bohèmes qui
consomment ces drogues et qu'il faudrait aussi pénaliser. Il faut savoir aussi
sanctionner les cols blancs qui consomment les drogues qui font naître ces
trafics. L'amende forfaitaire délictuelle pour usage de stupéfiants, qui sera
généralisée en septembre à tout le territoire national, va en ce sens. Nous
devons aussi travailler sur les saisies, qui sont le nerf de la guerre.
Aujourd'hui, elles sont difficiles, administratives, compliquées… On doit
saisir bien plus les maisons, les voitures, les comptes en banque - je l'ai vu
au fisc ! Et s'attaquer aux réseaux internationaux. Les trafiquants de drogue
vivent parfois très chichement, puis ils s'en vont à l'étranger. Il faut qu'on
coopère bien plus, avec tous les pays de l'arc méditerranéen, de l'Europe de
l'Est, parfois d'Amérique du Sud. Je sais qu'avec le ministère en charge des
Comptes publics on peut le faire.
Vous rompez avec le discours traditionnel de la droite sur le
laxisme des juges. Nicolas Sarkozy, encore lui, n'a eu de cesse de poser ce
constat…
Chacun a sa personnalité. La comparaison avec le président Sarkozy
est toujours très flatteuse. Mais il y a une jolie chanson de Brassens sur
14-18 qui dit : « Chacune a quelque chose pour plaire/ Chacun son petit mérite.
» Moi, j'espère avoir mon petit mérite, et peut-être même quelque chose pour
plaire. Vous savez, il m'arrive d'avoir une personnalité propre.
Éric Dupond-Moretti a dit vouloir faire de son ministère celui des
« droits de l'homme et de l'antiracisme ». C'est très bien, mais n'est-ce pas
un peu court ?
Éric Dupond-Moretti est quelqu'un de très courageux. Quand on est
un grand avocat pénaliste, qui devait gagner très correctement sa vie, qui
avait tous les honneurs, qui a démontré qu'il en était un des plus hauts
représentants de son métier, accepter de se mettre en danger, de faire de la politique,
de dévoiler sa vie personnelle, de répondre aux questions parfois très
orientées des politiques et des journalistes, c'est plutôt à saluer qu'à
critiquer. Je ne vois aucune incompatibilité entre nous.
Une loi contre le « séparatisme » est en préparation. Avez-vous
des exemples d'endroits où des groupes souhaitent créer leurs lois et vivre
dans un système différent du nôtre ?
Oui, j'en connais. J'en ai vu à Tourcoing. C'est le fait de
personnes très minoritaires, mais très activistes, et souvent très douées, qui
considèrent que la loi est le produit d'un rapport de force local. Par
ailleurs, ce phénomène est insidieux. Il faut le combattre. L'histoire de
France nous apprend à rester sereins devant les vagues. Le séparatisme n'est
d'ailleurs pas que religieux. Dans la loi, on aura aussi des choses touchant
aux dérives sectaires. Les religions ont souvent eu un rapport compliqué avec
l'État. Il est normal que deux pouvoirs se combattent. Au cours des siècles
passés, l'État a contraint les protestants, les juifs et les catholiques à se
séculariser tout en garantissant la liberté de culte pour les croyants.
Aujourd'hui, il y a une religion relativement « nouvelle » sur notre
territoire, au moins depuis la Seconde Guerre mondiale, qui s'appelle l'islam.
Il faut expliquer à ses fidèles qu'ils ont la liberté de culte et de croyance,
que leur religion dans notre République n'est ni prééminente ni inférieure aux
autres religions. Il faut leur dire aussi que jamais la foi ne sera au-dessus
de la loi. Dans la loi sur le séparatisme, il faut rappeler cela à toutes les
radicalités, celles de l'islam politique mais aussi aux autres. L'immense
majorité des croyants veut, en épousant le beau projet de la République, vivre
loin des radicaux qui dévoient sa religion. C'est un gros chantier, qui fait
naître beaucoup de difficultés, car les questions sont complexes. On touche à
l'intime des gens. Il faut éviter de les blesser. En outre, le monde ne
s'arrête pas à la France. On constate des influences étrangères, des pays qui
souhaitent faire du soft power sur notre territoire. À ce titre, nous
regardons de près ce que fait M. Erdogan…
Lors des dernières législatives turques, des lieux de culte, en
France, ont hébergé des urnes et organisé des meetings. Concrètement, que
ferez-vous en cas de récidive ?
Il faut passer du stade de l'avertissement au stade de l'action.
Ce n'est pas valable que pour les Turcs. Tenir des bureaux de vote pour des
élections politiques dans des lieux de culte est inacceptable. C'est interdit
par la loi de 1905. Il est interdit d'organiser des élections ou de tenir un
discours politique dans un lieu de culte. Cela vaut pour tout le monde.
Cela signifie donc que, si des infractions sont constatées, vous
enverrez la police ?
Le ministre des cultes est le ministre de la protection des
croyants et des non-croyants. C'est lui qui applique la loi de 1905. Si des
actes sont contraires à la loi de la République, il faudra utiliser les moyens
pour les empêcher et poursuivre ceux qui les organisent. Les croyants eux-mêmes
ne vont pas dans un lieu de culte pour parler de politique. Ils y vont pour
prier. La quasi-totalité des musulmans en a assez des influences étrangères et
même assez qu'on la renvoie sans cesse à ses origines.
Qu'en est-il des élus français qui font campagne dans les lieux de
culte ?
La laïcité n'est pas non plus l'interdiction totale de la relation
entre les élus et les religions. Que les élus aillent les jours de fête
présenter leurs vœux aux communautés de croyants, ce n'est pas choquant. En
revanche, s'il s'agit de meetings ou de distributions de tracts, c'est
contraire à la loi. Les élus de terrain voient aussi que, parfois, le service
public est attaqué. Il y a la vie sociale, comme les clubs de sport, qui sont
des creusets républicains formidables mais également des foyers de certains
fondamentalismes. Je pense qu'il faut combattre ces comportements. La
République, pour l'heure, n'a pas toujours les moyens de le faire. J'en ai
beaucoup parlé avec le ministre de l'Éducation nationale et des Sports,
Jean-Michel Blanquer, qui a des idées très précises sur la laïcité. Je suis
certain qu'il s'exprimera pour dire ce qu'il préconise contre ce séparatisme.
Envisagez-vous une collaboration avec les maires dans cette lutte
?
Les maires sont les garants de la laïcité dans leurs services
publics. J'ai cependant l'impression qu'il faut être vigilant par moments. Avec
Marlène Schiappa, nous avons demandé à cinq préfets, qui sont en responsabilité
dans les départements où certains élus locaux, eux aussi très minoritaires,
tolèrent un certain communautarisme, de regarder de près ce qui se passe,
notamment s'agissant de l'égalité femmes-hommes. Comme la confiance va avec le
contrôle, on va évaluer les situations. En outre, on n'est pas forcé de monter
une liste communautaire pour défendre des intérêts antirépublicains. La taqiya
existe. La dissimulation existe. À nous de ne pas être naïfs.
Quelles sont les autres formes de séparatisme ?
Ce séparatisme peut aussi être le fait d'une partie de
l'ultragauche, très puissante, très organisée. Les black blocks, par exemple.
Il y a aussi des « suprémacistes blancs », certes minoritaires, mais qui
pensent que l'attentat de Nouvelle-Zélande est un modèle à suivre. Un
séparatiste est quelqu'un qui veut renverser la République, se séparer d'elle.
À la rentrée se tiendra le procès des attentats de « Charlie Hebdo
», de Montrouge et de l'Hyper Cacher. Où en sommes-nous de la menace terroriste
?
Trente-deux attentats ont été déjoués depuis 2017. Des moyens
importants ont été mis en place. Depuis 2017, 1 900 personnes de plus ont été
affectées à la DGSI et aux renseignements territoriaux. Aujourd'hui, la menace
est protéiforme. Malgré la défaite militaire de l'EI et la fin du califat, la
menace d'attentats commandités depuis des terres extérieures de djihad
persiste. Mais on assiste aussi maintenant à une sorte d'ubérisation du
terrorisme. Des gens se réclament d'organisations terroristes et envoient
d'eux-mêmes des allégeances pour ensuite s'emparer d'un couteau de cuisine,
entrer dans un lieu public et passer à l'acte. La menace est donc toujours très
présente. Beaucoup de gens sont suivis. Le risque zéro n'existe pas, et ce
n'est pas avec l'idée que les choses sont derrière nous que j'arrive au
ministère de l'Intérieur.
Comment mener pleinement toutes ces actions quand chaque jour des
militantes féministes vous rappellent la plainte pour viol déposée contre vous
et que des membres de la majorité, comme Élisabeth Moreno, trouvent que ce
sujet devient un « boulet » ?
Élisabeth Moreno m'a envoyé un gentil message d'excuse… Je suis à
mon poste de ministre. J'ai montré, je crois, une certaine présence avec de
nombreux déplacements. Mais lire matin, midi et soir des contre-vérités ne fait
que renforcer la difficulté de vivre une calomnie qui touche à mon intimité et,
à travers moi, affecte ceux qui m'aiment. Je pense que, collectivement, et en
particulier certains commentateurs, nous n'avons rien retenu des erreurs du
passé. Je pense par exemple à l'affaire Markovic ou à l'affaire Baudis. Dans
cette calomnie, j'ai d'ailleurs porté plainte pour dénonciation calomnieuse -
ce que personne ne rappelle. La justice s'est prononcée trois fois, en trois
ans. À chaque fois, elle a conclu à l'absence totale d'infraction. Deux fois
par le procureur de la République de Paris, une fois par une juge
d'instruction.
Souhaitez-vous un traitement rapide de la justice ?
Je suis à la disposition de la justice. Je l'ai été trois fois en
trois ans. Je le serai une quatrième fois, s'il le faut. La victime dans cette
histoire, c'est moi. C'est moi dont on salit le nom. C'est à moi qu'on prête
des comportements que je n'ai jamais eus. Des comportements que j'ai toujours
dénoncés et toujours combattus, comme élu et comme citoyen. Tout ceci est
peut-être le passage initiatique pour ceux qui dérangent quand on fait de la
politique nationale. Reste que c'est difficile à vivre. Mais je n'ai pas le
droit de me plaindre.
Dans un récent tweet, Edwy Plenel, le fondateur de Mediapart,
semble vous comparer à René Bousquet, le secrétaire général de la police de
Vichy… Comment réagissez-vous ?
M. Plenel ne s'en cache plus : il fait de la politique - mais cela
n'excuse pas tout. Il y a des limites à l'ignominie, qu'il a encore une fois
franchies. Cela ne m'étonne pas de sa part ni celle de Mediapart, qui semble
s'être transformé définitivement en procureur au petit pied et en parti, qui
m'attaque de manière obsessionnelle. Il a déjà été mis en examen à la suite
d'une plainte que j'ai déposée [après un article de 2017 intitulé « Deux ministres louent la
villa en Corse d'un repris de justice », NDLR]. Mais, cela,
personne n'en parle jamais
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Comme on a
trop l'habitude de le faire avec nos ministres qui veulent tout avaler qui se succèdes
depuis des décennies en tant qui ministres de l'intérieur (autres karcheristes..!)
Avec en plus
un ministre de la justice avec qui il devra s'entendre !
Parallèlement
à cela, il ne faut pas oublier qu'il est inféodé au président de la république
qui lui a tendance à tout décider !
Donc
attendons de le voir à l’œuvre,
en ne lui donnant pas un blanc-seing ou lui donner carte blanche.
Car pour discourir ces politiciens élus et plus encore quand ils
accèdent à des fonctions gouvernementales de ministres de premier plan, sont
des champions pour faire des discours bien tournés !
D’ailleurs notre président est aussi très bon dans cette qualité
de verbiage...
Jdeclef 06/08/2020
11h11
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