dimanche 30 août 2020

C'est comme en politique le show byz télévisuel surtout privé qui marche !

Philippe Bouvard, le déboulonné… reboulonné

ÉPISODE 9. Dans cet ultime rendez-vous, le patron des « Grosses Têtes » est écarté de RTL pour rajeunir l'antenne. Six mois après, son retour est triomphal.

Ce 17 mai 2000, le paysage radiophonique est sous le choc : Philippe Bouvard, créateur et animateur des Grosses Têtes durant vingt-trois ans (25 % de parts d'écoute par jour !), est écarté de RTL. Dans un communiqué de presse, la station de la rue Bayard annonce que l'émission continuera sans lui. Comment expliquer cette décision alors que RTL trône largement en tête des audiences et que les Grosses Têtes, désignée un peu plus tôt dans un sondage du Parisien comme l'émission du siècle, rassemble près de trois millions d'auditeurs ? Deux mois avant, la station avait été secouée par un changement de direction non prévue : Philippe Labro, amené à prendre les rênes de RTL, tombe en dépression ; Stéphane Duhamel le remplace.
La spirale négative s'enclenche dès que le nouveau patron souhaite mettre sa patte sur la grille et surtout, guidé par des études marketing alambiquées, enclenche la vitesse « jeunesse ». En moins de trois semaines, Georges Lang (The Last DJ), Fabrice (l'homme de La Valise) et donc Philippe Bouvard sont écartés. Le début de la fin… « En radio, les audiences descendent par l'ascenseur et remontent par l'escalier », dit un dicton que l'on se répète dans les couloirs.

Si le choc est si important en mai 2000, c'est que le programme radiophonique est culte. La légende veut – elle est fausse – que Les Grosses Têtes aient été lancées un 1er avril 1977. « Si ça ne fonctionnait pas, on aurait dit que c'était un canular », se marrait à longueur d'interviews Bouvard. Son idée : un face-à-face avec Jacques Martin dont l'érudition, la science de l'improvisation et la propension au loufoque peuvent assurer un spectacle de deux heures. Le test est concluant, et à la rentrée de septembre, l'émission s'installe en fin d'après-midi avec une formule remaniée. Les deux gais lurons sont rejoints par Jean Yanne, Jean Dutourd, Olivier de Kersauson, Philippe Castelli, Sim, Thierry Le Luron, Alice Sapritch, Roger Pierre, Claude Sarraute, etc.
S'ouvre une décennie de succès, d'éclats de rire, de questions de Mme Bellepaire de Loches ou de Mme Envie de Béziers. Philippe Bouvard sait mettre en valeur ses sociétaires, dont la liste grandit. Lui qui a si souvent maltraité ses invités dans Samedi soir (l'émission référence du talk-show à la française) ou Passez donc me voir est pris à partie par ses camarades qui se moquent de sa taille, de ses questions, de ses activités nocturnes. De ce savant mélange de culture, d'humour et de sexe se produit un petit miracle radiophonique. Un rire à la française alternant sans cesse entre le léger, le graveleux et le haut de gamme. Les sociétaires passent, l'émission reste. Et les vagues d'audience sont à chaque fois un triomphe.
TF1 était en quête de sens, nous, on était plutôt en quéquette de sens.
Dans les années 1990, l'émission est propulsée en première partie de soirée sur TF1. La culture est oubliée, mais les délires costumés et les histoires cochonnes augmentés. Près de dix millions de personnes assistent une fois par mois à cet ovni télévisuel où tout est presque dit sans trop de filtres. Accusée par une partie de la presse de faire de la « trash TV », TF1 se lance dans une quête de sens. Exit, Morandini, Pradel… et Bouvard. « TF1 était en quête de sens, nous, on était plutôt en quéquette de sens », rigolait Bouvard. Premier avertissement. L'animateur, qui s'approche doucement des 70 ans, reste un pilier de RTL, renouvelle un peu son émission en instaurant des questions sur l'actualité, en la séquençant. Mais le programme semble tourner sur trois roues : Bouvard s'est fâché avec Jacques Martin et la qualité des nouveaux sociétaires laisse parfois à désirer (Bernard Mabille, Jean-Jacques Peroni, Amanda Lear et Jacques Mailhot, eux, assurent). Les sondages se tassent, mais rien de bien méchant : Les Grosses Têtes règnent toujours sur la bande FM (2,7 millions d'auditeurs) et écrase l'émission concurrente portée par Laurent Ruquier sur Europe 1. L'an 2000 arrive, Labro passe la main à Duhamel.

« On dit aux auditeurs : vous êtes trop vieux, cassez-vous »

La suite est terrible : les stars vieillissantes de la radio sont poussées vers la sortie. Invitées sur les plateaux télé, elles se répandent et taclent la direction. Bouvard n'est pas le moins tendre : ses réseaux médiatiques (télé, radio, presse écrite) lui permettent d'être invité matin, midi et soir. Le 20 mai 2000, il est l'invité de Thierry Ardisson. Derrière le visage rond et le sourire bonhomme, papi Bouvard flingue : « C'est la première fois que les Grosses Têtes me rendent triste » ; « On dit que je suis viré, je préfère dire que je suis lourdé, comme ça ne s'est pas fait légèrement » (rires et saut sur lui-même si caractéristique de la joie bouvardienne après un bon mot) ; Duhamel ? « C'est un homme sans cœur et sans éducation, un gougnafier » ; « On dit aux auditeurs : vous êtes trop vieux, cassez-vous ! […] Bref, c'est la valise pour tout le monde. »
Christophe Dechavanne est choisi pour incarner les nouvelles Grosses Têtes. Dans le creux de la vague après plusieurs échecs à la télévision, l'ex-animateur de Coucou c'est nous ! a la pression, surtout, dès la fin de saison les chiffres de RTL dévissent. Les auditeurs envoient clairement un message… qui n'est pas écouté par la direction. Ultime pied de nez à son ancienne maison, Philippe Bouvard annonce qu'il rejoint Laurent Ruquier sur Europe 1 – qui a déjà récupéré Jacques Martin et Jean Yanne. La rentrée s'annonce cataclysmique. Elle le sera. La station de la rue Bayard perd un million d'auditeurs et deux points d'audience en trois mois – Europe 1 en engrange un. Du jamais-vu dans l'histoire de la radio.
Les auditeurs sont furieux. Les lettres déferlent rue Bayard. Dechavanne a fait fondre l'audience de l'émission : 800 000 paires d'oreilles envolées ! Duhamel commence à sortir les rames : « Le style de RTL n'est pas de s'inscrire dans des durées courtes » ; Philippe Bouvard « a rendu la vie future des Grosses Têtes impossible » ; « Je ne suis pas un gougnafier, et Philippe Bouvard n'a pas été viré comme un malpropre. » Cependant la décision est prise : Les Grosses Têtes sont supprimées. Quoi qu'il en dise, Bouvard jubile : après lui, le déluge. Ses six mois d'absence ont fait vaciller un édifice que l'on croyait solide. « On voit ce que cela donne quand un responsable des programmes, Stéphane Duhamel, fait passer sa vindicte personnelle avant l'attente des auditeurs. » À la fin du premier trimestre 2001, la victoire de Bouvard est totale : Duhamel est écarté, Les Grosses Têtes ressuscitées, le déboulonné reboulonné.
Philippe Bouvard va mener cette seconde carrière avec la confiance du conquérant : le train-train quotidien reprend. Les années sont marquées par les morts de sociétaires : Castelli, Carlos, Brialy, Dutourd, Amadou. Le programme ne retrouve pas ses 2,7 millions d'auditeurs d'avant la crise de 2000, mais reste solidement en tête, malgré le grignotage régulier de Laurent Ruquier. On va s'gêner sur Europe 1 se tient bien et retrouve (un peu) l'esprit Grosses Têtes des années 1980. Laurent Ruquier a réussi quelques coups de recrutement : Olivier de Kersauson, Claude Sarraute, Jean-Pierre Coffe et le génial Pierre Bénichou l'ont rejoint. En face, l'originale est plus laborieuse, moins drôle. À plus de 80 ans, Bouvard n'arrive ni à se réinventer ni à quitter la scène. «  Un jour, mon refus de vieillir sera pathétique », avait-il prévenu à la fin des années 2000.
Lire aussi « Un jour, un destin » : Bouvard intérieur
En 2014, RTL s'aventure une nouvelle fois dans la délicate opération succession. L'animateur a son idée : Stéphane Bern, ex-sociétaire et présent sur l'antenne de RTL ; la station souhaite miser sur Laurent Ruquier. La décision est prise, presque sans heurts, cette fois. Philippe Bouvard tire sa révérence, sans oublier d'égratigner Ruquier. Le challenge est énorme pour l'animateur d'On n'est pas couché : va-t-il amener ses auditeurs d'Europe 1 ? Va-t-il, surtout, retenir ceux de Bouvard ? Ruquier gagne sur les deux tableaux : les premiers résultats sont époustouflants et résultent d'une stratégie infaillible, à savoir réunir les meilleurs ex-pensionnaires de Bouvard (Mailhot, Peroni, Mabille) et la garde d'Europe 1 (Bénichou, Bravo, Steevy).
Lire aussi Bouvard aux « Grosses Têtes » : la der des ders
Six ans après cette passation de pouvoirs, Philippe Bouvard s'accroche sur RTL et Laurent Ruquier est toujours installé dans le fauteuil de maître de cérémonie de l'émission la plus écoutée de l'après-midi. S'il rumine toujours à 90 ans, Bouvard aura réussi à revenir dans la cour des grands et à se réinstaller sur son trône : la restauration aura duré quatorze ans. Un espoir pour tant de stars télé déboulonnées…
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L'audimat compte avant tout et comme on n'a pas de vrais remplaçants pour ce genre de vedettes du petit écran ou de radio on les reprend, mêmes si de grand âge !

C'est un peu comme les chanteurs français qui ne veulent jamais quitter la scène et le public !

On les appelait péjorativement des cabotins, mais c'est surtout ceux qui les engagent qui y voient leurs avantages, car la publicité se greffe sur les audiences quand elles augmentent donc ça rapporte !

Jdeclef 30/08/2020 13h18

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