Julien
Dray : « François Hollande se dit : pourquoi pas
moi ? »
ENTRETIEN.
Le célèbre baron noir du Parti socialiste veut croire en l'union de
la gauche et torpille l'ancien président de la République ainsi
que Jean-Luc Mélenchon.
En 2007, il était aux côtés de Ségolène Royal pour l'annonce
de sa défaite. En 2012, il célébrait l'élection de François Hollande
et le retour de la gauche au pouvoir. Julien Dray, éminence grise
tendance visiteur du soir, stratège et conseiller, faiseur de victoires
électorales, a été de tous les combats, de la grande grève des infirmières
en 1988 à la fondation de SOS Racisme. Député de l'Essonne, en même
temps que Jean-Luc Mélenchon en était le sénateur, ce socialiste canal
historique connaît son Jean-Luc sur le bout des doigts et émet l'hypothèse que,
pour le chef de La France insoumise, si la route est droite, la pente de
la présidentielle sera raide. Quant à l'union de la gauche, ce vieux
serpent de mer socialiste, qui devra triompher du « en même temps »
macronien, Julien Dray y pose ses conditions.
Jean-Luc Mélenchon a levé l'hypothèque sur sa candidature. L'union
de la gauche est-elle toujours d'actualité ?
Julien Dray :C'est
un secret de polichinelle. Il se sentait en capacité d'y aller. Moi, je suis de
ceux qui regardent ce qui se passe, avec un certain détachement, à gauche.
Est-ce que nous devons nous concentrer sur les questions de personnes ? Je
ne le crois pas. Ça ne ferait qu'envenimer des relations déjà très tendues.
Après tout, la seule question qui vaille c'est : Jean-Luc Mélenchon
est-il en capacité de faire la démonstration qu'il est le candidat évident pour
toute la gauche et les écologistes ou va-t-il rester dans son pré carré ?
Se proclamer candidat, ce n'est pas le plus dur. Le reste est moins simple. Il
ne lui suffira pas d'avoir un ou deux points d'avance dans les sondages
sur tel ou tel autre candidat. Encore faut-il pouvoir démontrer une capacité
au rassemblement et à l'ouverture. Jean-Luc Mélenchon a fait
une proposition il y a quelques mois, celle de faire une fédération
populaire. Personne n'y a répondu. Si personne ne s'est levé, c'est qu'il y a
quand même un problème. Sans esprit de querelle ou de polémiques inutiles,
j'estime qu'il a le droit de se présenter. Lui jeter des anathèmes, c'est déjà
lui donner l'occasion de se poser en victime. Encore une fois, la seule
question qui vaille, c'est sa capacité à faire la démonstration politique qu'il
est capable de porter la victoire de toute la gauche et des
écologistes aux élections présidentielles.
Olivier Faure : « C'est à nous de montrer le
chemin »
Il existe quand même deux gauches irréconciliables…
Je n'ai jamais cru à la théorie des deux gauches irréconciliables
pour la bonne et simple raison que si on l'avait appliquée, nous n'aurions
jamais fait gagner la gauche dans ce pays. L'élection de notre candidat
en 1981 n'aurait pas été possible. Même chose en 1997, on n'aurait
pas fait le rassemblement rouge rose vert qui a conduit, je le précise, à la
victoire de toute la gauche, dont Jean-Luc Mélenchon. Nous nous sommes
aussi réconciliés en 2012. La théorie des gauches inconciliables, elle est
très dangereuse puisqu'elle entérine ce qui se passait du temps de la SFIO, à
une époque où l'on refusait même l'hypothèse de l'union.
Les divisions de la gauche sont plus vives depuis 2015.
Il y a toujours eu une compétition au sein de la gauche, donc un
rapport de force qui la traverse encore. Aujourd'hui, le parti n'est plus,
depuis les municipales, dans la gestion de son passif. Vous verrez que c'est
fini, tout ça, il doit ouvrir une nouvelle page. On ne sortira de cette
situation que si les Insoumis et les écologistes se déterminent par rapport
à un nouveau projet socialiste. Mettons le projet des Insoumis et le nôtre sur
la table, discutons-en, puis demandons aux gens ce qu'ils en pensent.
Si c’est simplement une candidature fondée sur
le rejet d’Emmanuel Macron et destinée à décevoir par la suite, merci bien, on
a déjà donné.
Est-ce que cela passe par une primaire ?
On peut faire des grandes consultations citoyennes ou des grandes
primaires, mais qu'elles se fassent sur le fond ! La candidature
de Mélenchon à ce stade n'a qu'un but : s'installer
comme incontournable et créer un rapport de force irrémédiable. À la fin,
il pense pouvoir dire à toute la gauche : vous ne faites pas
mieux que moi qui suis devant.
Qui dit rassemblement dit collectif. Jean-Luc Mélenchon, même
candidat, est-il soluble dans cette union ?
Il y a une force à gauche : le Parti socialiste, qui a
toujours été un point de cristallisation, de rassemblement, de regroupement.
C'est son ADN, depuis 1971. Mais dans le moment que nous traversons, le parti
n'a pas encore retrouvé l'autorité nécessaire qui lui permettrait d'être cette
force de polarisation à gauche. Jean-Luc Mélenchon avance une candidature
et un programme. Dont acte. Mais je m'interroge : gagner, oui, mais pour
quoi faire ? Si c'est simplement une candidature fondée sur le rejet
d'Emmanuel Macron et destinée à décevoir par la suite, merci bien, on a déjà
donné. Les conséquences sur la situation du pays seront catastrophiques, parce
qu'on sait bien ce qui se passe quand les majorités de rejet se défont. Il faut
essayer de travailler sur le fond de cette union, voir si l'on est en
capacité d'écrire un programme commun. Alors nous serons en capacité
d'avoir un candidat commun.
Coignard – Islamisme : Mélenchon joue Tartuffe
Vous semblez dissocier le programme du candidat. Or on sait
que l'élection au suffrage universel est aussi affaire de personne. De ce point
de vue, Jean-Luc Mélenchon part avec un avantage non négligeable.
J'aime beaucoup étudier les personnalités – c'est souvent
instructif –, surtout avec des personnages comme Jean-Luc Mélenchon. Je lui
reconnais de la personnalité et du fond idéologique. Mais il y a quand
même une interrogation dans sa démarche, à commencer par
son rapport aux socialistes. Il y a les jours avec et les
jours sans : les jours avec, c'est quand il a une idée derrière la
tête, les jours sans, c'est quand nous redevenons des « traîtres éternels ».
Ce n'est pas vraiment une démarche unitaire.
La gauche respire encore, mais est-elle en capacité de se faire
entendre ?
Il faut répondre aux questions concrètes que se posent les
Français. Prenons la question des flux migratoires, c'est une question
sérieuse. Quelles sont les réponses qu'on y apporte, indépendamment d'une
générosité traditionnelle, d'une politique humaniste ? Est-ce que nous
sommes, à gauche, mal à l'aise sur ces sujets ? Je défends depuis des
années la nécessité d'une politique des quotas. Pour le coup, c'est une réponse
concrète. La montée de la violence, de l'insécurité est une
préoccupation pour beaucoup de nos concitoyens. Je pense qu'il faut
« mieux prévenir, mieux punir », donc remettre à l'ordre du jour une
sécurité de proximité. Sur la question de l'Europe, il y a un
troisième chemin entre une Europe béate et une Europe « brexiteuse ».
Il doit y avoir une volonté française pour construire une Europe
intégrée avec celles et ceux qui le veulent. Le changement climatique nous met
au défi de construire enfin une économie décarbonée au moyen d'un État
industriel, d'un État volontaire, de vrais services publics… Je pense qu'il
faut désormais une révolution éducative. L'école publique mérite mieux que
les politiques actuelles.
Cela fait 30 ans que j’entends parler de
crises
C'est le grand retour de la gauche programmatique, mais avez-vous
tiré les leçons de la crise du Covid ?
C'est quoi, la crise ? Elle est déjà là tout le temps. Moi,
ça fait 30 ans que j'entends parler de crises. Que la crise du Covid est
une énième crise ? Qu'est-ce que ça change ? Que les interventions de
l'État n'ont jamais été aussi fortes, qu'on en est presque arrivé à une
économie administrée, planifiée. Alors, oui, certaines choses sont revenues à
la mode. Je crois que les idées de gauche, elles, sont désormais à nouveau
d'actualité. Regardez la question de la dette, des nationalisations, des
services publics…
Mais pour la nouvelle génération des écologistes, le Parti
socialiste, ça ne leur parle pas vraiment…
Ce n'est pas qu'il ne faille pas quelque chose de nouveau,
pourquoi pas, mais pour l'instant, je ne vois pas bien le neuf chez les
autres. Dans la crise du Covid, je n'ai pas eu le sentiment de la naissance
d'une pensée écologique. Laissez-moi rire. Moi, je crois à la nécessité de la
réindustrialisation de la France, donc je crois à la croissance même
si elle est verte, je crois aussi à la science même s'il faut toujours être
vigilant. Vous êtes fascinés par la politique actuelle où un clou chasse
l'autre, mais ce n'est pas la manière dont marche la politique aujourd'hui. Il
faut une rupture et, pour cela, il faut que la gauche affronte les sujets
qu'elle a jusque-là évités.
Gafa : l'étonnante proposition de Julien Dray
La gauche a-t-elle été prise en défaut de laïcité ?
Personne à gauche ne vous dira qu'il est léger sur les questions
de laïcité, qu'il n'est pas laïc. Mais concrètement, que fait-on
aujourd'hui ? Moi, je me revendique d'une laïcité qui n'a besoin
d'aucun qualificatif. Il y a des règles. Il faut respecter la loi de 1905,
toute la loi de 1905. Par contre, oui, il y a en France un islamisme politique
qui se livre à une entreprise de déstabilisation politique. Dans
ce combat, il y a une fermeté et une intransigeance à manifester. Le temps des
fausses naïvetés est terminé.
Sylvain Tesson : « La laïcité et la liberté d'expression,
ça ne suffit pas »
C'est votre grande différence avec La France insoumise ?
Moi, je n'ai pas défilé le 10 novembre 2019 [lors
de la marche contre l'islamophobie organisée par le CCIF, NDLR]. Jean-Luc
Mélenchon, je le reconnais, a été mon professeur de laïcité, mais, du jour au
lendemain, il en est venu à prendre des positions qui – et je reste poli –
m'interpellent. Je ne reprendrai jamais le concept d'islamophobie. Je ne
crois pas que l'islam en France soit si maltraité. Ça ne veut pas dire
qu'il n'y a pas de racisme ni de discrimination, mais malgré tout, la
France reste un sacré pays intégrateur. En revanche, si on veut qu'elle
continue à l'être, alors le combat contre l'islamisme ne doit
souffrir aucun arrangement ou accommodement raisonnable.
La nouvelle gauche, inspirée de sa voisine américaine, s'en
réclame pourtant…
Le risque, c'est effectivement la naissance de ce qu'on appelle
une deuxième gauche, qui considère que les questions essentielles aujourd'hui
sont sociétales et que l'existence par le différentialisme est le seul combat
émancipateur. Non, le combat émancipateur moderne, c'est toujours celui de
l'égalité républicaine et de l'universalisme républicain.
Face à Emmanuel Macron, qui pour incarner l'espoir ? Anne
Hidalgo ?
Attention, pour la gauche, de ne pas se retrouver dans la
situation où, à la sortie du village d'Astérix, chacun en rajoute pour se
faire les Romains. L'anti-macronisme n'est pas un programme en soi. De la même
manière, je me refuse à la tentation du sauveur suprême. J'en ai vu
beaucoup, des sauveurs, dans ma vie. Ce qui m'intéresse, c'est d'arriver à la
fin d'un mandat en ayant tenu nos promesses. Même avec quelqu'un de la stature
de François Mitterrand, nous n'y sommes pas totalement arrivés. Je reste
persuadé que c'est le projet qui trouvera un candidat ou une candidate pour
l'incarner. Aujourd'hui, ça n'est pas écrit. Anne Hidalgo est une personnalité
respectable, mais, à ce stade, je me garde de juger les uns ou les autres.
Laurent Binet : « Macron ne sera pas réélu »
Arnaud Montebourg revient avec un livre au vitriol, ne mâche pas
ses mots sur la gestion de la crise par le gouvernement et donne l'exemple en
produisant du miel localement. La gauche est-elle passée à côté d'Arnaud
Montebourg ?
Encore une fois, je ne me détermine pas par rapport aux
personnes. Il faut une autre méthode. On ne s'en sortira pas si nous sommes
obsédés par la question de l'incarnation au sommet. C'est une impasse totale.
Parce que continuer à jouer l'élection aux sondages, aux rapports de force
internes, ça n'est pas une preuve de maturité politique et on prend le risque
de tous courir derrière Emmanuel Macron pour essayer d'éviter le pire,
c'est-à-dire l'élection d'une forme d'autoritarisme. Moi, je suis revenu aux
fondamentaux de l'Internationale : ni dieu, ni maître.
Il n'y a pas eu d'effet Castex après le départ d'Édouard Philippe
de Matignon. Le Premier ministre vous convainc-t-il ?
Quand il nomme Jean Castex, le président de la
République fait un calcul : il considère que les bobos, les gens des
métropoles et des banlieues ne sont plus avec lui. Il part donc à la
conquête d'une sorte de France provinciale, faite de valeurs traditionnelles.
On pouvait se dire qu'il s'était engagé dans un créneau qui pouvait fonctionner
pour lui, mais entre le personnage de Jean Castex qu'on a vendu au début et
l'exercice du pouvoir, il y a tout de même un fossé. On a cru que l'accent et
le terroir faisaient la personne, mais, en réalité, l'énarque centralisateur et
autoritaire qu'il est a repris le dessus. Son prédécesseur a construit son
espace et Jean Castex n'y arrive pas. Que l'on aime ou pas, Édouard Philippe
avait finalement réussi à construire son espace et c'est un
euphémisme de dire que Jean Castex aura eu du mal à construire le
sien. Emmanuel Macron risque rapidement de se poser la question de
son avenir, c'est logique. Certains le comparent à Édith Cresson et je
trouve ça méchant. Mitterrand l'avait envoyée au casse-pipe, elle le lui avait
d'ailleurs dit au bout de dix mois.
Cotta – Castex, collaborateur, régisseur ou majordome de
Macron
Un « ex » hyperactif, des interventions médiatiques
remarquées, la pédagogie de son quinquennat en plusieurs livres : à
quoi joue François Hollande ?
François Hollande se dit aujourd'hui que personne n'est capable
d'incarner la gauche. Il est dans le « pourquoi pas moi ? ».
Mais c'est toujours comme ça qu'il a fonctionné : il commence par lui, à y
croire, et il arrive ensuite à le faire croire aux autres. Si le
Parti socialiste veut exister, il doit construire son projet et le faire
discuter, y compris par François Hollande. La question, ça n'est
pas l'inventaire pour l'inventaire, mais aussi montrer que l'on tire les
leçons de l'expérience passée… et que nous ouvrons une nouvelle voie.
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Un de cette ancienne classe
politique sclérosée inutile !
Là :
On voit qu’en France, qu’on
n’a pas encore pu se débarrasser cette ancienne classe politique et ces ex élus
de cette gauche socialiste qui s’accroche envers et contre tous, prête à vendre
son âme pour retrouver un pouvoir qu’ils avaient du temps d’un PS de la rue de
Solferino !
Et ce malgré avec la
nouvelle venue de cette REM de la macronie dont les français sont déçus, mais qui
actuellement, ont d’autres soucis avec ce Covid 19, la crise sanitaire et économique
qui occupe tous leurs esprits !?
Plutôt que ce genre de politicien
minable qui fait feu de tous bois pour revenir en lice dans cette politique
politicienne de caniveau française !
Profiteur de bas étage, espérons
que des français ne se laisserons pas prendre, car il y en déjà assez d’autres
comme lui déjà élus !
Jdeclef 14/11/2020 15h24LP
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