Patrick
Mignola : « Confiner les plus vulnérables, c'est le début du
totalitarisme ! »
ENTRETIEN.
Tirant les leçons du reconfinement, le patron des députés MoDem alerte
contre tout « régime d'exception » visant les seniors
« La valeur d'une société se mesure à la manière dont elle
traite les plus fragiles », rappelle Patrick Mignola, président du groupe
Démocrates de l'Assemblée et député de Savoie, l'un des départements les plus
meurtris par la pandémie. Alors que fleurissent des propositions pour ne
confiner que les plus fragiles, il met en garde contre une pente dangereuse. Et
décoche quelques flèches contre ceux qui, au sein de la majorité, se
plaisent à « faire la Saint Castex » en spéculant sur l'avenir du
Premier ministre en pleine tempête. Entretien.
Le Point : Les
régionales et départementales prévues en mars vont probablement être reportées
à juin en raison de l'épidémie. Est-ce qu'une démocratie peut
tenir longtemps en reportant toutes ses élections ?
Patrick Mignola : On va devoir prendre une décision de sagesse en repoussant ces scrutins, mais il faut profiter de ce moment difficile pour poser les bases d'un renouveau démocratique. Donnons au plus grand nombre de Français les moyens de participer au vote. Le groupe Démocrates avait déposé en juin, sous l'impulsion de François Bayrou et de Jean-Noël Barrot, une proposition de loi sur le vote par correspondance, qui n'avait pas pu être soumise au vote en raison de l'urgence sanitaire. Relançons le débat sur ce système, qui pourrait s'appliquer aux départementales et régionales si elles étaient reportées à juin.
Emmanuel Macron avait promis de revivifier la démocratie. Or, on a
une multiplication des conseils de défense, un Parlement transformé en chambre
d'enregistrement, des corps intermédiaires peu associés aux décisions…
Le Parlement a eu à se prononcer cinq fois sur l'état d'urgence et sa prolongation depuis le printemps, on est assez loin d'une dérive autoritaire ! À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles, mais il ne faut pas s'habituer à restreindre les libertés. C'est pour cela que nous devons nous interroger sur le fonctionnement de notre démocratie. Nous n'avons pas tiré les leçons du second tour des municipales. Le premier tour du 15 mars a été marqué par une participation historiquement basse [44,6 %, NDLR], car on avait annoncé la veille la fermeture des lieux de loisir. Or, le second tour du 28 juin, qui s'est tenu après le pic de l'épidémie, avec des bureaux de vote irréprochables, s'est soldé par une participation plus faible [41,6 %, NDLR] ! Nous ne répondrons pas d'un coup à dix ans de crise démocratique, mais commençons par améliorer l'aspect pratique du vote.
Vaccin anti-covid : pourquoi il faut rester prudent
Ça pourrait être mis en place d'ici à juin ?
Nous avons deux options : débattre de notre proposition de loi dans le cadre d'une « niche parlementaire » démocrate [séance réservée à un groupe, NDLR] en février. Ou saisir l'opportunité du projet de loi qui doit nous être bientôt présenté sur le report des élections régionales, départementales et des éventuelles élections partielles – je parle sous réserve des conclusions de la mission confiée à Jean-Louis Debré – pour mettre en débat un amendement sur le vote par correspondance et une expérimentation du vote électronique. Et si on n'y parvient pas d'ici le mois de juin, ce serait valable pour les élections suivantes.
Vos alliés de LREM vous soutiennent-ils ? Quand il était à
l'Intérieur, Christophe Castaner, aujourd'hui patron des députés LREM, s'était
montré plutôt ouvert.
Cette proposition ne peut pas être portée uniquement par les
parlementaires du groupe MoDem. Il faut se donner le temps de convaincre toutes
les formations de la majorité, mais aussi l'opposition. Dans un moment où
l'unité nationale n'est pas la religion la plus répandue – nous en sommes,
hélas, les seuls prosélytes –, c'est un sujet qui pourrait nous rassembler.
Les adversaires du vote à distance mettent en avant le risque de fraude et posent la question du secret du vote, qui peut s'exercer sous le contrôle d'un tiers. Quid, s'agissant du vote électronique, des tentatives de piratage ?
Donner une procuration à son voisin est un risque de dévoiement
bien plus important. S'agissant des fraudes, si on n'est pas capable de
sécuriser le vote par correspondance, c'est qu'on n'a pas tiré toutes les
conséquences des évolutions technologiques. Mais on a bien vu aux États-Unis
que le vote par correspondance a été attaqué par Donald Trump. Pour que ce
système soit irréprochable, il faut donc se donner le temps de convaincre
toutes les familles politiques, que le Sénat se prononce en toute sérénité, et
laisser à notre administration tout le temps nécessaire pour le mettre en place
sans aucun défaut.
Aux États-Unis, le dépouillement des bulletins par correspondance
a pris un temps infini et a créé un suspense insoutenable…
Parce que plusieurs votes étaient organisés le même jour que
l'élection du président américain et qu'il y a eu une énorme participation
malgré la pandémie : sur 160 millions d'électeurs, plus de
63 millions ont voté par correspondance. C'est formidable !
C'est l'arme de destruction massive anti-abstention ?
C'est d'abord une manière de dire aux électeurs qu'on a besoin
d'eux. On peut être empêché de voter un dimanche, on peut ne pas avoir envie de
se déplacer, mais on trouvera toujours le temps pour voter à tête reposée dans
les semaines qui précèdent.
Pourquoi ne pas privilégier le vote électronique ?
Sur ce point, je suis favorable à une expérimentation. La France a
inventé la carte à puce, et nos échanges électroniques sont parmi les plus
sécurisés au monde. Ce n'est pas une question de sécurisation, mais de
désacralisation du vote. Ce n'est pas un acte anodin de voter en démocratie, on
ne vote pas en un clic comme on commande une pizza.
On va vous accuser de vouloir rabattre des voix vers LREM et le
MoDem, et a minima de chercher à diluer le vote extrême en boostant la
participation !
En démocratie, il ne faut pas avoir peur du choix des électeurs.
On n'agit pas par intérêt politique, mais pour donner au plus grand nombre la
possibilité de s'exprimer. Ce qui se joue, c'est la légitimité des élus. Plus
le nombre d'électeurs qui votent est important, plus leur légitimité à agir est
grande. Bien malin qui peut dire qui ça avantagerait, à part la
démocratie ! On ne sait pas quelle partie de la population utiliserait le
vote à distance. Certains jeunes de 25 ans sont terrorisés par le Covid,
tandis que des personnes âgées se font un devoir de venir voter à 8 heures
du matin dans les bureaux de vote.
Les maires LR qui veulent rouvrir les petits commerces,
Jean-Christophe Lagarde (UDI) qui les appelle à la désobéissance, ça vous
inspire quoi ?
On a vécu une nuit d'indignité à l'Assemblée. Je suis élu
d'Auvergne-Rhône-Alpes, région la plus touchée par le virus. Je suis député
de Savoie, département le plus frappé de cette région. Et j'habite à
Aix-les-Bains, ville avec le plus grand nombre de cas. Je vis au quotidien,
avec sept à dix jours d'avance, ce que pourrait être la situation du pays. Je
peux comprendre que des citoyens ou des commerçants contestent le bien-fondé du
confinement, mais que des élus prennent des arrêtés pour rouvrir les petits
commerces, alors qu'ils disposent des mêmes chiffres que nous, c'est se moquer
de leurs électeurs ! Regardons la réalité en face : on n'a fermé
administrativement que 10 % des commerces, et ils sont bien plus aidés que
lors du premier confinement. On ne les laissera pas tomber. Que des députés se
donnent en spectacle, en hurlant debout comme des supporteurs de foot parce
qu'ils ont battu le gouvernement sur un amendement, ce n'est pas au niveau. Je
rappelle que le Sénat a voté sous les vivats mi-octobre la réouverture des bars
et discothèques. Il y a des gens qui meurent ! Chez moi, le centre
hospitalier de Chambéry-Aix-les-Bains vient de commander des cellules
frigorifiques supplémentaires !
Ce reconfinement, qui suscite moins d'adhésion, est-il moins
respecté ?
Je croisais au printemps beaucoup plus de gendarmes et de
policiers qui contrôlaient les attestations. Il faut que nous soyons beaucoup
plus fermes et déterminés en renforçant les contrôles. Pas pour le plaisir de
mettre des amendes, mais pour montrer aux Français que lorsque nous prenons des
décisions, elles sont appliquées. Mieux nous respecterons ce confinement, plus
nous aurons de chance de fêter Noël dans des conditions correctes. Mais il n'y
aura de discipline collective que si nous nous projetons vers l'avenir, en
dépoussiérant notre démocratie et en déployant le plan de relance.
Est-ce que l'exécutif peut se permettre politiquement de ne pas
laisser les Français se retrouver pour les fêtes ?
Nous vivons un de ces moments rares où il ne faut pas faire des
calculs politiciens, mais agir en responsabilité. C'est notre grand sujet de
discorde avec l'opposition.
Faut-il rendre la quarantaine obligatoire, assortie d'une amende
de 10 000 euros ?
C'est une proposition du groupe Agir (majorité) en vue
d'éventuelles vagues ultérieures où il faudrait prendre des mesures très
coercitives pour vivre avec le virus. Je n'y suis pas favorable, car on ne peut
pas instituer un régime d'exception. On assiste à une explosion du nombre de
gens qui passent sous le seuil de pauvreté, ne les assommons pas à coups de
bâton et de menaces qui participeraient à la détresse psychosociale et au
délitement.
Certains suggèrent de confiner les plus vulnérables, dont les
personnes âgées…
C'est inconstitutionnel ! On ne peut pas diviser la
population et appliquer à une partie seulement une loi prévue pour tous. La
Constitution garantit les libertés publiques, restons solides sur nos
principes. J'entends beaucoup que ceux qui meurent auraient dépassé l'espérance
de vie et je trouve ça intolérable. La valeur d'une société se mesure à la
manière dont elle traite les plus fragiles. Le jour où vous décidez, pour préserver
les jeunes bien portants, de confiner – donc de condamner – les seniors en
disant « on peut s'en passer », qu'est-ce qui vous empêche demain de
confiner ceux qui ont des maladies génétiques, puis les femmes, les blonds,
etc. ? C'est le début du totalitarisme !
Covid 19 : « On pourrait confiner uniquement les
personnes à risque important »
Vous parliez du plan de relance à 100 milliards, où est-il
passé ?
Il vient d'être voté à l'Assemblée, mais nous devons accélérer le mouvement,
être plus ambitieux, plus rapides. Il faut donner des perspectives de rebond à
l'économie. Je propose que, dès la semaine prochaine, les élus locaux, acteurs
économiques et partenaires sociaux se retrouvent à l'échelle des
arrondissements, autour des sous-préfets. Il faut déployer le plan de relance
au plus près du terrain et pas à l'échelle des régions, qui sont aujourd'hui
beaucoup trop grandes et donc beaucoup trop myopes.
La montée des critiques contre le plan de relance
Terrorisme, crises, tous les ingrédients sont-ils réunis pour que
Marine Le Pen l'emporte en 2022 ?
Sur le papier, oui. Mais ce que j'entends sur le terrain, c'est
que le président est courageux. Alors qu'on traverse trois crises, sanitaire,
économique et sécuritaire, le fait qu'il soit serein, capable de prendre des
arbitrages tous les quarts d'heure, sans perdre le fil des priorités, fait
qu'il est au contraire un antidote au basculement vers les extrêmes.
Et Jean Castex, il vous bluffe aussi ? Il est très critiqué
dans la majorité.
Je mets des pierres dans le jardin de l'opposition, je vais en
mettre aussi dans le jardin de la majorité. Si l'opposition a mis le
gouvernement en difficulté dans l'hémicycle, c'est parce que la majorité
n'était pas suffisamment mobilisée. C'est déplorable. Quant à ceux qui, au
gouvernement, font des conjectures sur l'avenir du Premier ministre et sur les
candidats à son remplacement, ce n'est pas de saison ! Oui, Jean Castex me
bluffe parce qu'il fait le boulot et qu'il accepte de prendre tous les coups.
Attention à ne pas attaquer un capitaine dans la tempête, surtout quand c'est
une triple tempête. Ceux qui cherchent aujourd'hui à faire la Saint Castex
feraient bien de se méfier de sa capacité de rebond dans l'opinion !
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Car nous sommes au XXI eme siecle
, ces catégories de populations : 65 ans et plus ne sont pas comme des
pestiférés ou lépreux du moyennage que l'on rejetait ou en leur jetant des
pierres pour les faire fuir !
Ce type de discrimination
n'est pas digne de pays libres qui prônent les droits de l'homme (enfin ceux
qui les respectent...)
Si on faisait cela en
France, j'aurais honte d’être français gouverné par des bien-pensants donneurs
de leçons hypocrites, car sans solutions valables pour lutter ou stopper ce
Covid 19 !
D'ailleurs lors du premier
confinement, j'avais écrit au président comme d’autres pour lui dire mon mécontentement,
il avait abandonné cette mauvaise idée, heureusement, j’espère qu’il ne reviendra
pas sur celle-ci, je ne manquerais pas de lui rappeler comme d’autres feront !
Car les personnes âgées se protègent
mieux que les plus jeunes, car elles se savent plus en danger d’être contaminées,
et plus raisonnables, alors qu’on leur fiche la paix par simple respect dû à
leurs âges !
Jdeclef 11/11/2020 13h27
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