CRITIQUES DE BON SENS: Commentaires d'articles de presse sur fait de société ou politique du monde
mercredi 11 novembre 2020
La laïcité n'est pas un bouclier qui nous protège des extrémistes religieux de tous poils !
Sylvain
Tesson : « La laïcité et la liberté d'expression, ça ne suffit
pas »
GRAND
ENTRETIEN. Dieu, Macron, Erdogan, l'Arménie… L'écrivain a reçu « Le
Point » chez lui à l'occasion de la parution de « L'Énergie
vagabonde ».
Des
mains avec de la corne à la naissance des doigts. Un avant-bras dur comme de la
pierre. En remontant, sur le biceps intérieur, un tatouage qui dit son mantra :
τῷ οὖν τόξῳ ὄνομα βίος, ἔργον δὲ θάνατος (« Le nom de l'arc est la vie et son œuvre est la mort »,
Héraclite). Encore plus haut, sur l'épaule, un cerf scythe à l'encre bleue, qui
est un hommage à ce peuple nomade du VIIe siècle avant J.-C.
L'ascension anatomique de Sylvain Tesson révèle des secrets finalement
conformes à l'homme que nous connaissons : la vie (ce miracle, pour lui), la
mort (qu'il repousse et provoque) et le mouvement (sa nature).
Mais qu'est-ce qui le rend à cet instant aussi intenable, presque
turbulent ? «
Je suis content, je pars demain. J'adore fermer la maison derrière moi. »
Un môme, l'autre nom de l'aventurier, qui sait accueillir, trouvant le temps de
recevoir à son domicile deux journalistes parisiens, soit ses antonymes. Sur sa
terrasse du Ve arrondissement, avec vue sur la tour d'une église du
quartier qu'il a, faut-il le préciser, grimpé de ses mains, il tranche le
jambon persillé et sert aux hôtes le vin auquel il n'a plus le droit.
En ces temps confinés, où le dépassement du kilomètre à la ronde
est sanctionné, nous sommes venus lui parler « Bouquins ». L'écrivain publie
dans la prestigieuse collection de Robert Laffont quelques pages de ses carnets
et quelques-uns de ses meilleurs textes. Où l'on voit, dans cette Énergie
vagabonde (1), le génie du
géographe, au sens grec, celui qui écrit la Terre. L'occasion pour nous,
également, de le provoquer sur le terrain de l'actualité, celle qui se joue de
manière tragique dans nos écoles de banlieue comme sur le plateau du Karabakh,
ensanglanté par les milices d'Erdogan. Il voit parfois ce que nous ne voyons
pas toujours, figés que nous sommes à « l'altitude » des réseaux sociaux et de
l'information en continu. Avec lui, ça monte, ça monte. §
Le Point :
Vous n'êtes pas un peu jeune pour publier vos œuvres dans la collection
Bouquins, que son créateur, Guy Schoeller, surnommait « la Pléiade du pauvre »
?
Sylvain Tesson : Cette
collection est un miracle qu'il faut saluer : de grosses traversées de lecture
pour 30 euros, soit moins d'un cinquième du prix de l'amende de 135 euros «
spécial coronavirus ». Plusieurs de mes livres anciens sont réunis dans ce
recueil. J'espère que ce vieux principe de la supériorité d'un ensemble sur la
somme de ses parties se vérifiera. J'aimais la culture de Schoeller. Il a
commencé par publier une littérature ésotérique, mystique, gothique avec Lovecraft,
Stevenson, les chauves-souris, les vampires, la piraterie, la flibuste… Pas
d'idées abstraites ! Des tableaux vivants ! Il voulait : « Des romans
de gitans et de mandragores. » C'est par l'esprit d'enfance et la
malle aux aventures que je suis entré dans la bibliothèque. Puisse cette
publication ne pas sonner une oraison funèbre, pour moi. Cependant, tout livre
est une pierre tombale pour un auteur : on n'est jamais certain qu'il y en aura
un suivant ! « Nouveauté » n'est pas un mot très encourageant !
Il est vrai qu'en vous lisant on a une impression de carnets
griffonnés au vent…
J'ai imprimé quelques poignées de pages de mes carnets parfois
vieux de trente ans - dont je ne publierai jamais l'intégralité. Écrire un
journal intime rend vulnérable, car on est censé tout dire à son journal. C'est
une exposition de soi-même, normalement destinée qu'à soi-même. Je tiens mon
journal comme le greffe de ma vie. Je dispose ainsi d'une vie parallèle - qui
n'est pas à confondre avec une « double vie » -, qui est ma vie transférée dans
un calepin, supplétif de ma mémoire défaillante.
Ce titre, « L'Énergie vagabonde », résonne comme un pied de nez à
notre époque. L'énergie, c'est ce dont semble privé l'Occident, et « vagabonde
», alors que nous sommes confinés…
Le titre n'est pas de moi, mais de mon ami l'écrivain Olivier
Frébourg . L'antonyme de l'énergie vagabonde est la dormition. Un terme
théologique, qui désigne une forme d'hibernation spirituelle. Je veux y
apporter un bémol : je crois aux transmissions et aux accumulations ! Cette
énergie n'est pas la fièvre de la circulation comme ce mouvement perpétuel des
peuples, des conteneurs et des capitaux. Cela, c'est le tournis global. Chez
moi, il y a le retour permanent. Partir souvent, revenir encore plus, rester,
pas trop. Aller au large, rentrer au port. Mon port, c'est la France, ses
paysages, sa langue, son passé, une certaine idée du monde.
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