À
Bordeaux, l'insécurité met la ville sous tension
Louée pour
sa qualité de vie, la cité bordelaise fait face à une recrudescence des
violences. Comment en est-on arrivé là ? Notre enquête.
Le
patron du Bodegon, Maurice Guinaudeau, n'est pas près d'oublier l'édition 2020
de la Fête de la musique. Ce soir du 21 juin, le bar qu'il dirige depuis
vingt-cinq ans, place de la Victoire, à Bordeaux, est plein à craquer. Soudain,
à minuit passé, ce haut lieu de la fête étudiante est investi par deux bandes
rivales qui s'affrontent couteau en main. En quelques instants, les dix jeunes
protagonistes de cette rixe transforment la terrasse en champ de bataille. Les
verres, les chaises et les tables volent. Les clients, sidérés, s'enfuient.
L'un des assaillants, le visage lacéré, tente de se réfugier derrière le
comptoir alors qu'un autre le poursuit. Le vigile, qui s'interpose, écope d'un
coup de lame dans une jambe.
Ce n'est, bien sûr, pas la première fois que la place de la
Victoire - gangrenée depuis des décennies par le trafic de drogue - connaît une
flambée de violence. Ce qui est inédit, c'est la multiplication subite des
agressions à l'arme blanche en divers points du centre-ville. Une trentaine au
cours du seul mois de juillet. Plus inquiétant : sur les neuf premiers mois de
2020, les vols avec arme ont connu un bond spectaculaire de 69 % par rapport à
2019. Prudence, toutefois ! Le nombre de faits demeure faible : 42 en 2019 et
71 en 2020. «
Il est important de rappeler ces chiffres, afin de ne pas surfer sur les peurs
des gens », insiste Frédérique Porterie, la procureure de la
République.
Image écornée. C'est
en tout cas du jamais-vu dans la cité girondine, qui caracole en tête des
classements nationaux, plébiscitée depuis des années comme la métropole où il
fait bon vivre. L'image flatteuse d'une ville de 243 626 habitants ayant réussi
à concilier une importante croissance de sa population (13 200 nouveaux venus
par an entre 2012 et 2017) et la préservation d'une qualité de la vie optimale
est sérieusement écornée.
Tout au long de l'été, ce
climat d'insécurité s'est imposé sur les chaînes d'info en continu comme une
nouveauté. Cela fait pourtant plusieurs mois que la situation s'est dégradée. « Il y a eu
une explosion médiatique car la violence touche maintenant le centre-ville.
Mais, de 2012 à 2019, la délinquance a augmenté en moyenne de 30 % »,
observe Amine Smihi, adjoint (EELV) chargé de la sécurité. Aux dires des
autorités policières et judiciaires, la recrudescence des faits de violence
remonte à 2018, une date qui correspond, selon les mêmes sources, à l'arrivée
de mineurs non accompagnés, formule officielle qui désigne les migrants de
moins de 18 ans entrés en France sans leur famille (lire également).
Arrachages de collier. Quoi
qu'il en soit, les commerçants du centre-ville assistent depuis à la montée
d'un phénomène inconnu. Ils voient se répéter - parfois devant leur
pas-de-porte - les agressions, les vols et les bagarres. Dans la rue
Sainte-Catherine, qui draine chaque jour des dizaines de milliers de chalands
et de passants, les arrachages de collier se multiplient. « Depuis la
fin des vacances d'été, la fréquentation des magasins de cette rue a chuté de
50 %. Bien sûr, il y a les crises sanitaire et économique, mais l'insécurité
ambiante en rajoute », assure Christian Baulme, le président de la
Ronde des quartiers, une association qui regroupe 1 300 commerçants. Même les
sans-abri ne sont pas épargnés. « À la nuit tombée, ils se font voler leurs affaires par des
bandes organisées à la recherche de téléphones, de médicaments, de drogue et
d'argent », se désole Estelle Morizot, la présidente et fondatrice
de La Maraude du cœur, qui vient en aide aux plus démunis.
À deux pas de cette rue commerçante, les abords du palais des
sports et du parking Victor-Hugo servent de refuge à une bonne trentaine de SDF
dont la consommation d'alcool et de stupéfiants, sous les yeux des riverains,
génère un puissant malaise. Le phénomène n'est certes pas nouveau, mais « il y a eu
une sérieuse dégradation dans la période postconfinement », a fait
remarquer l'addictologue Jean-Michel Delile, lors d'une réunion publique
organisée mi-octobre à la mairie. À cette occasion, des résidents et des
restaurateurs, excédés par ce qu'ils endurent au quotidien, ont crié leur
détresse et leur colère.
Signal de détresse. Non
loin de là, les habitants du quartier populaire et cosmopolite de Saint-Michel
sont confrontés à une délinquance endémique. Impuissants, ils assistent aux
vols à répétition et au trafic de drogue qui se fait ici à ciel ouvert - ou
presque. Il y a peu, un pochoir à la peinture noire est apparu sur un mur au
pied duquel se déroulent les transactions : « Ici vente de drogue avec la bienveillance de la police. »
Un pied de nez qui résume une exaspération générale que Philippe Rolland,
secrétaire régional d'Unité SGP police FO, perçoit comme un signal de détresse.
« C'est
l'expression d'un ras-le-bol de la population que je comprends »,
résume ce syndicaliste.
La situation est devenue si grave qu'un groupe local de traitement
de la délinquance - un dispositif qui permet une forte concentration de moyens
sur un territoire donné - a été mis en place en septembre. Depuis cette date,
des patrouilles de police bien visibles quadrillent le quartier. Effet immédiat
: « La présence
policière a rassuré tout le monde », note Laurent Tournier, le
président de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie de Gironde.
Selon Amine Smihi, le dispositif est probant : « L'intensité des violences a
notablement baissé. Durant l'été, c'était une rixe avec arme blanche par jour.
Aujourd'hui, on ne compte plus que deux faits par semaine. » Une
tendance confirmée par la cheffe du parquet. « La situation est en train de s'améliorer »,
dit-elle. Un premier bilan et d'éventuels ajustements sont prévus en décembre.
Machette. À l'autre
bout de la ville, les quartiers huppés sont aussi frappés. Le très chic
Jardin-public, hérissé de bâtisses haussmanniennes, a connu ces derniers mois
son lot de cambriolages et même un braquage de commerce. À Caudéran, où se
concentrent les plus hauts revenus de la métropole, c'est une agression à la
machette en plein jour qui, fin juillet, a défrayé la chronique. « Bien sûr,
Caudéran n'est pas subitement devenu la cité des Aubiers ou le quartier de la
gare, mais je suis désormais sur la défensive. Je fais davantage attention en
allant faire mes courses », confie Colette, une octogénaire qui
habite sur place.
La multiplication de ces violences a diffusé un sentiment
d'angoisse palpable dans les réunions de quartier et abondamment relayé sur les
réseaux sociaux. «
À la moindre agression, tout le monde en parle sur Messenger. Pendant des
jours, c'est le sujet de toutes les conversations, dans la sphère privée comme
dans le milieu professionnel et associatif », témoigne Marie, une
trentenaire qui vit dans le centre-ville.
« Il n'y a heureusement pas de zone de non-droit à Bordeaux »,
soutient la procureure, Frédérique Porterie. Reste que, à la nuit tombée, mieux
vaut être vigilant dans certains endroits. Ainsi, la police municipale, qui
patrouille sans arme létale jusqu'à 2 heures du matin, préfère éviter plusieurs
secteurs, jugés à risque. La police nationale, elle, effectue des sorties
partout, de jour comme de nuit. « Il y a des lieux où on fait plus attention »,
reconnaît Philippe Rolland. Lesquels ? La gare, Saint-Michel, Les Aubiers,
Chantecrit, La Benauge et le Grand-Parc. C'est d'ailleurs dans cette dernière cité,
où vivent quelque 6 000 habitants - dont près de 900 chômeurs -, que des
fonctionnaires de la brigade anticriminalité ont essuyé, à plusieurs reprises
ces derniers mois, des tirs de mortiers de feux d'artifice. Du jamais-vu à
Bordeaux, également pour les pompiers qui ont été, en septembre, à Floirac, la
cible d'un tir déclenché par des mineurs. « Un signal d'alerte fort », s'inquiète Charles Cosse,
représentant Unsa des sapeurs-pompiers. « Bordeaux n'est pas dans une situation à risque majeur »,
nuance Jean-Paul Decellières, le directeur du service départemental d'incendie
et de secours.
Malgré la présence intermittente de 30 CRS depuis septembre, les
syndicats de police estiment que les effectifs ne sont pas à la hauteur d'une
ville « dont la délinquance se rapproche de celle des
autres grandes métropoles », pointe Philippe Rolland. « Le nombre de policiers est insuffisant »,
tempête Éric Marrocq, secrétaire régional d'Alliance police nationale. « Il en faudrait 50 de plus »,
poursuit Philippe Rolland. Une revendication soutenue par la mairie. Les deux
syndicalistes sont d'autant plus remontés qu'un commissariat numérique vient
d'être lancé, à effectifs constants. « Cela fait 12 fonctionnaires de moins sur le terrain, où
ils seraient plus utiles dans le contexte actuel »,
s'insurge le patron d'Unité SGP. « C'est une hérésie d'avoir pillé nos services pour faire une hot line
! » déplore quant à lui le représentant d'Alliance (1). À l'unisson,
là aussi, les deux policiers accusent la justice d'être trop laxiste. « Bordeaux souffre de la non-réponse pénale. L'incarcération
reste l'exception », s'indigne Éric Marrocq. Philippe
Rolland en rajoute une couche : « Quand des gens qui ont commis dix agressions sont remis en liberté,
ça donne le sentiment que la police ne fait rien. La réponse pénale n'est pas
assez forte pour être dissuasive. »
« Répression intelligente ». Statistiques
à l'appui, la procureure de la République réfute ces attaques. « Le nombre de comparutions immédiates ne cesse de croître.
À fin septembre, nous en sommes à + 2 % par rapport à 2019. Le nombre de
prévenus condamnés a augmenté en 2019 de 6,5 % par rapport à 2018. Le taux de
relaxe est passé de 7,1 % en 2018 à 5,8 % en 2020. Je ne comprends pas la
critique des syndicats de police, elle traduit une méconnaissance de la
réalité. » Et notamment celle du taux d'occupation de la maison d'arrêt de
Gradignan, qui frise les 180 %…
Face à la recrudescence de la délinquance constatée sur le terrain
ou ressentie, le nouveau maire, Pierre Hurmic (EELV), n'entend pas laisser la
ville s'enfoncer dans une insécurité chronique. Au contraire, il semble bien
décidé à inverser la tendance. Après un temps de flottement, qui a donné
l'occasion aux perdants des municipales de lancer un début de polémique sur la
naïveté supposée de leurs successeurs, l'édile a annoncé à la rentrée toute une
batterie de décisions : recrutement de policiers afin de doubler les effectifs
sur la voie publique (actuellement de 70 personnes), création d'une brigade
canine et d'une escouade équestre. À terme, le maire veut doter la ville d'une
police active 24 heures sur 24. Autant d'annonces qui se sont accompagnées d'un
durcissement du discours. « Il faut faire
de la prévention, mais quand elle a échoué, il faut avoir le courage de dire
qu'il faut de la répression intelligente. Nous ne sommes ni dans le
tout-répressif ni dans l'angélisme »,
a martelé Pierre Hurmic lors d'une réunion de quartier.
« Écolo pragmatique ». Une
tonalité saluée par la procureure de la République. « C'est une excellente chose que le maire se soit emparé de
la sécurité. Il a parfaitement pris la mesure de l'importance de cette
thématique pour le vivre-ensemble. »
Même satisfaction pour le patron des commerçants : « Les premières mesures annoncées me conviennent et me
rassurent. » Les syndicats de police eux-mêmes
ont trouvé leur compte dans les engagements du nouveau locataire du palais
Rohan. « Je suis agréablement surpris par Pierre Hurmic
», déclare ainsi Philippe Rolland. Pris à contre-pied, l'ex-maire (LR)
Nicolas Florian en est réduit à lancer : « La nouvelle majorité reprend mes idées, c'est tant mieux !
» Commentaire de Pierre Hurmic : « C'est bien, tous découvrent ce qu'est un écolo
pragmatique. »
Tous… ou presque, car l'opposant municipal (NPA) Philippe Poutou
et le député (LFI) Loïc Prud'homme n'approuvent pas. Pour le premier, « la réponse ne peut être seulement policière, elle doit
aussi être sociale ». Quant au second, qui admet
volontiers être interpellé plus qu'avant sur l'insécurité, il objecte : « On ne peut pas parler de la hausse de délinquance sans
faire un lien avec le taux de pauvreté, qui est de 18 % à Bordeaux. »
Policiers, magistrats, commerçants et élus de tous les bords
s'accordent au moins sur un point : la ville n'est nulle part un coupe-gorge.
Loin s'en faut. Une preuve ? Les professionnels de l'immobilier ont bien
entendu quelques remarques de clients, mais l'insécurité n'est pas une source
d'inquiétude. Lors de la conférence de rentrée du Cabinet Bedin immobilier, le
sujet n'a même pas été abordé. Fabienne Romain, qui dirige l'agence de
l'Intendance, insiste : « Malgré ces
épiphénomènes violents, Bordeaux est toujours considérée par les acheteurs
comme une bulle. » Jusqu'à quand ?
(1) « Le Point »
a sollicité le directeur départemental de la sécurité publique. Il a accepté
une rencontre, avant de se décommander la veille du rendez-vous organisé par la
préfecture.
*
Tous les prénoms ont été modifiés.
Les habitants s’organisent
Autre conséquence, Bordeaux a vu fleurir ces derniers mois des
initiatives se présentant comme « citoyennes et solidaires ». Avec,
entre autres, des cours d’autodéfense et même un inquiétant projet – avorté –
de milice.
« Constat d’échec ». La
ville est aussi devenue l’une des plus en pointe dans le téléchargement
d’applications qui promettent aux plus paranoïaques d’être les « anges
gardiens » de leur vie nocturne. « La géolocalisation a rassuré
beaucoup de monde ! » s’exclame une utilisatrice. À l’origine de
l’application Garde ton corps, la startupeuse d’Aix-en-Provence Pauline
Vanderquand affirme avoir reçu 7 000 demandes de Bordelais souhaitant
voir débarquer son dispositif, actif depuis septembre, en ville. « Si la police
remplissait son rôle, nous n’existerions pas », se justifie la jeune
femme. Le syndicaliste policier Éric Marrocq voit dans cette floraison de
propositions rarement dénuées d’arrière-pensées mercantiles « un constat
d’échec, le signe d’une perte manifeste de confiance dans la police, ce qui est
totalement injuste »§ J.-J. A.
Jamais Bordeaux n’avait connu autant de cambriolages en si peu de
temps. Sur les neuf premiers mois de 2020, pourtant marqués par le premier
confinement, la police a enregistré 1 648 cambriolages de logements.
Soit 48 % de plus qu’à la même période de 2019. Une progression
impressionnante et un véritable fléau ! Dans certains quartiers, les
habitants vivent désormais dans la hantise de retrouver leur maison vidée. Du
côté de la gare Saint-Jean ou dans le quartier Nansouty, spécialement visés par
les malfaiteurs, les grilles se multiplient aux fenêtres des résidences et des
échoppes rénovées. Mais rien n’y fait.
« Il s’agit d’un phénomène national particulièrement prégnant
à Bordeaux depuis trois mois et les choses continuent de se détériorer. Une
partie de l’explication réside dans la présence des mineurs non accompagnés.
Aucun quartier n’est protégé », explique Angélique Rocher-Bedjoudjou,
directrice de cabinet de la préfète de la Gironde. Le nouveau maire (EELV)
Pierre Hurmic plaide pour une solidarité entre voisins et pour de l’îlotage
policier. « C’est un outil de prévention et de dissuasion »,
dit-il.
Systèmes de surveillance. En
attendant, les habitants, désemparés par « ces raids menés par des
bandes », se tournent en nombre vers les installeurs de systèmes de
surveillance et d’alarmes qui ne savent plus où donner de la tête. Christophe
Bassagaits, gérant de l’entreprise Pac services, le confirme : « Les
gens sont très inquiets à cause des squats, et la demande de sécurisation
explose. » Le chiffre d’affaires de son entreprise en témoigne :
30 % de croissance entre 2019 et 2020. Même constat pour Guillaume
Boulet, directeur d’exploitation d’Alarme confiance : « Depuis la fin
du confinement, nous sommes dépassés par la demande. Nous n’avions jamais
enregistré autant de signatures de devis de la part de particuliers.
L’augmentation frôle les 100 %. »
Signe des temps, la création de sociétés spécialisées dans la
protection et la sécurité atteint des niveaux inégalés à Bordeaux. Selon la
chambre de commerce et d’industrie, leur nombre est passé de 49 en
2018 à 62 en octobre 2020. Soit une progression de 26,5 %
en moins de trois ans§ J.-J. A.
Et puis JUPPE n'est plus là,
dans cette ville de haute bourgeoisie de nantis, et donc la population a changée,
au point qu’on disait d'eux qu’ils étaient « les girondins de Bordeaux »
tellement ils étaient riches et différents du reste département de la GIRONDE !
Comme d'autres villes
importantes comme DIJON préfecture de la Côte d'or ou NANTES préfecture de
Loire atlantique et Métropole, et GRENOBLE chef-lieu de département de l'Isère!
Sans oublier LYON troisième
ville de France par son importance préfecture du Rhône et métropole!
Mais il y en a d'autres et
depuis les élections municipales qui n'ont pas arrangé cela, avec de nouveaux
maires verts EELV ou la voyoucratie a augmenté arrivée avec les changements de
populations diverses au fil du temps et des immigrations de populations venant
d'autre part, que l'on a dispersé dans notre pays depuis trente ans puisque la
France est la patrie des droits de l'homme et du droit d'asile !
Ce n'est qu'une constatation,
chacun peut en penser, ce qu'il veut, mais ne pas nier la réalité !
Car depuis les derniers
quinquennats, nous sommes gouvernés par des bien-pensant donneurs de leçon qui
ne veulent pas regarder les réalités en face pour tous nos problèmes de
sociétés qui s'accumulent !
Jdeclef 19/11/2020 15h04

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