Pourquoi
l'UE n'attend pas de miracle de Biden
L'AMÉRIQUE
ET LE MONDE. À Bruxelles et dans la plupart des capitales
européennes, on se réjouit d'un départ de Trump. Pour autant, Biden est-il
europhile ?
Depuis l'élection de Donald Trump en 2016, l'Union européenne n'a
fait qu'aller de désenchantement en désenchantement. Retrait de l'accord de Paris,
remise en cause de l'accord sur le nucléaire iranien, blocage de l'organe
d'appel de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), critiques désagréables
sur le prix de l'Alliance atlantique, contentieux commerciaux sur les
exportations, dialogue de sourds au sein de l'OCDE (Organisation de coopération
et de développement économiques) sur la taxation des géants du numérique… La
victoire de Joe Biden, proclamée par les médias américains, a été saluée
par la plupart des dirigeants européens, à l'exception du Slovène Janez Jansa
et du Hongrois Viktor Orban. Beaucoup espèrent renouer le fil d'un
partenariat transatlantique écorné par Trump. Mais les choses iront-elles
beaucoup mieux ?
Trump lance sa guerre commerciale contre l'Europe
En vérité, si le soulagement est réel en Europe, la tonalité n'est
pas à l'euphorie au sein des différentes institutions européennes. « Faut
pas s'imaginer que ce sera facile et que tout redeviendra comme avant, commente
un expert commercial de la Commission européenne. Trump a durablement marqué le
paysage, aux États-Unis en particulier. » Il n'a pas échappé aux
experts de la Commission que Joe Biden lui-même prône sur les marchés publics
le Buy American.
C'est l'un des points de divergence antédiluvienne entre le Vieux Continent et
l'Amérique, qui empêche la conclusion d'un vaste accord commercial de
libre-échange : les Américains veulent l'ouverture de nos marchés
agricoles et ils nous refusent l'ouverture de leurs marchés publics. Joe Biden,
en empruntant le Buy American à
son adversaire, ferme la porte à tout rapprochement sur ce point…
Biden « comprend mieux l'Europe que Trump »
Jean-Claude Juncker, l'ancien président de la Commission, ne dit
pas autre chose dans un entretien que la Fondation Schuman a récemment publié :
« Je connais très bien Biden, il ne changera pas du jour au lendemain
l'approche washingtonienne des choses internationales. Il ne peut pas le faire
et, d'ailleurs, il commence par dire Buy American. Mais
les choses deviendraient plus faciles parce qu'il comprend mieux l'Europe que
Trump. Trump ne connaît pas l'Europe, l'Europe pour lui reste une tache noire
parce qu'il ne comprend pas le système. » Pour autant, les lois
américaines sur l'extraterritorialité du droit américain (qui sanctionne nos
entreprises) ne seront pas abolies par les élus démocrates, qui ne sont pas
moins intransigeants que les trumpistes sur ce point.
Un changement d'ambiance, tout le monde s'accorde à le dire si
tant est que les divers recours introduits par Trump ne retournent la situation
d'ici à quelques semaines. « D'abord, on retrouvera au sein des
administrations américaines des interlocuteurs connus et avec lesquels on sait
discuter, qui n'auront pas l'approche idéologique de l'équipe Trump, très
anti-UE, estime Arnaud Danjean, eurodéputé LR/PPE, membre de la commission des
Affaires étrangères du Parlement européen. Il suffit de se rappeler l'ancien
ambassadeur américain à Bruxelles, Sondland, ou celui en Allemagne, Grenell,
qui ne cachaient pas leur proximité avec les thèses anti-UE, le Brexit…
L'atmosphère va donc changer. On peut aussi espérer plus de concertation et
plus de prévisibilité. Moins de saccades unilatérales et de faits
accomplis. »
Du soulagement à l'euphorie illusoire
Dans les propos de Juncker, on retient l'idée qu'il existe une
administration washingtonienne qui poursuit sa propre logique et qui n'a pas
commencé son œuvre avec Trump, mais bien avant. Bien sûr, l'élection de Joe
Biden est souhaitée par la plupart des capitales européennes (à l'exception du
Hongrois Orban, qui soutient Trump). « Un tel soulagement que se propagera
sans doute une forme d'euphorie, craint toutefois Arnaud Danjean. À mon sens
illusoire, mais elle confortera ceux qui pensent – de mon point de vue, à tort…
– que Trump n'était qu'une parenthèse désagréable et que sa défaite signerait
donc un retour à un âge d'or du transatlantisme et du multilatéralisme.
Oubliant d'ailleurs que cet âge d'or n'a pas existé depuis longtemps, y compris
sous les administrations démocrates Obama ou Clinton ! Mais on observe
déjà cet optimisme au sein de la Commission, où beaucoup sont impatients de se
rendre à Washington pour relancer tout ce qui est compromis depuis Trump, du
commerce à la politique étrangère. Cet excès d'euphorie gommant les aspérités
profondes d'un lien transatlantique qui évolue au gré des transformations
sociopolitiques et des définitions de priorités différentes, sur les plans tant
stratégique que mercantile, est à mon avis le sentiment qui prévaudra
largement chez les Européens. »
Gérard Araud – Trump est le symptôme d'une crise de l'Occident
« Biden aura des priorités d'abord domestiques, l'engagement
international ne viendra qu'après, juge-t-on au sein de la
Commission. Cela dit, ça représente quand même des évolutions positives et
fondamentales sur plusieurs points : retour dans l'accord de Paris dès le
lendemain de son élection – et coopération possible avec nous là-dessus. »
Les Américains seront-ils ouverts à un sujet aussi sensible que le
« mécanisme d'ajustement carbone aux frontières », que l'Union
européenne veut mettre en place pour élever le niveau d'exigence climatique du
monde ? Les Chinois viennent de s'engager sur la neutralité carbone en
2060. En revanche, le multilatéralisme commercial au sein de l'OMC semble
durablement bloqué. Il s'agit d'une position largement bipartisane
outre-Atlantique.
Quid de la taxe numérique ?
Sur la Chine, l'analyse des Européens et des Américains ne
diverge pas. C'est la méthode d'endiguement qui a profondément éloigné les
deux rives de l'Atlantique. Là où les Européens veulent corriger les excès
chinois au sein de l'OMC, Trump a préféré le rapport de force bilatéral avec un
gain éventuel mais solitaire. Joe Biden comprendra, peut-être, que l'Europe
n'est pas l'ennemie construite pour nuire aux États-Unis, mais « un allié
essentiel notamment vis-à-vis de la Chine, souligne-t-on au sein de la
Commission. L'obsession absurde et dangereuse de Trump pour le solde commercial
ne devrait plus être de mise ». Ira-t-on jusqu'à la mise en place d'un
conseil transatlantique des technologies vis-à-vis de la Chine ? C'est un
souhait à Bruxelles.
Le dossier de la taxation mondiale des géants du numérique restera
une pomme de discorde… Les négociations au sein de l'OCDE sont au point mort.
Bruno Le Maire en a fait l'amer constat et a fait part de ses conclusions
auprès des autres ministres européens des Finances. L'Europe doit prendre ses
responsabilités et mettre en place sa propre taxation. Joe Biden, soutenu par
la Silicon Valley, ne sera pas un partenaire plus accommodant que Trump sur ce
point. Les Européens devront éviter un morcellement des taxes qui, une fois de
plus, fera le jeu des grands groupes numériques. Ils auront beau jeu de se
glisser dans les interstices que ne manqueront pas de créer des taxes
divergentes entre les 27…
Une opinion américaine chauffée à blanc
« On ne doit ni banaliser ni trop attendre d'une élection de
Biden, dont il faudra en outre savoir comment elle se traduit au Congrès,
analyse pour sa part Nathalie Loiseau (Renew), présidente de la
sous-commission Sécurité et Défense du Parlement européen. Ne pas
banaliser : le retour au multilatéralisme est probable, notamment le
retour à l'accord de Paris et le sauvetage de ce qui reste en matière de
contrôle des armements (le traité New Start). Le retour à une relation
transatlantique plus apaisée aussi et plus respectueuse. Et sans doute une
vision beaucoup plus lucide de l'aventurisme turc. Ne pas trop en
attendre : la tentation isolationniste est un marqueur fort depuis
longtemps et le restera. On ne verra sans doute pas les États-Unis s'engager
dans des crises qui ne les concernent pas directement. Tant que le pétrole
américain coulera à flots, le Moyen-Orient restera lointain et compliqué. Sur
l'Iran, le consensus bipartisan n'est pas favorable à un rapprochement. Tout au
plus peut-on espérer qu'il y aura une stratégie construite plutôt qu'un simple
instrument (la pression maximale de Trump). La plus grosse inconnue reste
la Chine : de par son passé, Biden est enclin à un engagement avec Pékin.
Mais la situation présente est très différente de ce qu'il a connu comme
vice-président d'Obama. Voudra-t-il recréer les conditions du dialogue ?
Sans doute. Mais là encore, l'opinion a été chauffée à blanc et il ne reviendra
pas au business as usual
avec Pékin. »
John Bolton : pourquoi la Chine n'a pas peur d'une réélection
de Donald Trump
Arnaud Danjean y va plus franco : « Les
États-Unis continueront d'avoir la Chine comme adversaire stratégique
prioritaire. Avec pour l'Europe deux conséquences : d'une part l'UE ne
sera pas le sujet prioritaire par rapport à la zone pacifique, et d'autre part
l'UE sera sommée sans trop de ménagement de s'aligner sur la politique américaine
vis-à-vis de la Chine. »
L'Otan, un prix à payer plus élevé pour l'Europe
Quant à l'Otan, là non plus, pas
d'illusion. Les Américains estiment depuis très longtemps qu'ils paient trop
cher la sécurité des Européens. « Les États-Unis continueront d'exiger des
Européens des efforts de défense plus substantiels – les fameux 2 % du PIB
– et resteront très agressifs en la matière, prédit Danjean. Le « coup de
gueule » de Robert Gates à Bruxelles date d'il y a déjà dix ans et c'était
sous Obama… L'isolationnisme semble tout de même s'inscrire de plus en plus
dans la vie politique américaine. On peut avoir un multilatéralisme de
principe, mais une forme d'isolationnisme de fait. » L'Europe n'a donc pas
d'autre choix que de prendre en main son destin. C'est aussi l'analyse
d'Emmanuel Macron qui, selon ses proches, n'attend pas de grands
bouleversements d'une éventuelle victoire de Joe Biden. D'où son idée qui
restera inchangée d'une « souveraineté européenne » à construire là
où les autres Européens préfèrent parler d'« autonomie stratégique ».
Mais il n’aimait personne, à
part lui, summum de l’égocentrisme et se prenant comme un pseudo dictateur, s’il
n’avait pas eu le barrage des institutions démocratiques établies depuis
232 ans par la constitution américaine presque aussi ancienne que notre
révolution française, mais pour ce pays et le nôtre, c’est encore le peuple qui
décide heureusement dans nos démocraties, même s’ils font quelquefois des
erreurs !
Son entreprise, c’était les
USA d’où son expression América first « Amérique
d’abord » expression qu’il a reprise comme un slogan publicitaire à un
ancien président Woodrow WILSON lors
de sa campagne pour sa réélection en 1916 !
Trump c’était un boutiquier à qui on avait donné la clef de la plus grande
puissance du monde, mais déjanté, excessif à égo démesuré !
Rejet du multilatéralisme,
compétition stratégique agressive, guerres commerciales, nationalisme, remise
en cause des alliances traditionnelles et des engagements de son prédécesseur :
Donald Trump avait décidé de révolutionner la vie politique et la diplomatie
américaines mais il a tiré trop sur la ficelle qui a cassée par ses outrances
et mensonges !
Jdeclef 09/11/2020
12h46
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