Affaire
Fillon : l'ex-procureur national financier assure avoir subi des
« pressions »
Éliane
Houlette a été longuement entendue le 10 juin par la commission d'enquête
de l'Assemblée nationale consacrée à « l'indépendance du pouvoir
judiciaire ».
Après un long propos liminaire, lors duquel elle a critiqué le peu de volonté de l'État à assurer l'indépendance réelle des magistrats via une réforme constitutionnelle, Éliane Houlette s'est attachée à décrire sa propre et longue expérience à la tête du parquet le plus sensible du pays. Corruption, élus et ministres mis en cause, dirigeants du CAC 40 mis en examen, etc., le PNF a en effet la charge de quelques-unes des affaires les plus complexes et médiatisées de France. Aussi est-il rare de voir un magistrat raconter publiquement et sans fard les coulisses de l'institution.
Pour qui roule le Parquet national financier ?
Houlette empêchée de se choisir un successeur chargé d'assurer
l'intérim
La PNF s'est montrée agacée de ne pas avoir pu se choisir un
successeur, chargé d'assurer l'intérim au moment de son départ, en
juin 2019, comme c'est normalement l'usage pour tout chef de juridiction
ou haut magistrat. « La procureure générale (Catherine Champrenault, NDLR)
en a décidé autrement, contre mon avis », a-t-elle taclé. Ajoutant :
« Je ne pense pas personnellement que ce soit une bonne chose : c'est
un intérim qui a été fait par deux avocats généraux, qui étaient dédiés au
contentieux économique et financier à la cour d'appel de Paris. »« Finalement, conclut-elle, à travers cet intérim, ils avaient accès à toutes les procédures du Parquet national financier et ils [auraient] pu, si on leur avait demandé, renseigner [la hiérarchie, NDLR] sur tous les actes d'enquête. Je ne pensais pas que c'était opportun. » En effet, c'est là l'essentiel de son propos : la suspicion sans cesse lancée sur les procureurs dès lors que ces derniers sont amenés à enquêter sur des affaires sensibles, concernant le pouvoir politique.
Des procureurs tantôt accusés de recevoir des instructions du ministère de la Justice dans des affaires individuelles – alors que celles-ci sont interdites depuis une circulaire de 2014 –, tantôt tancés pour faire remonter – comme la loi les y oblige pourtant – des informations sur des affaires particulières aux parquets généraux, qui eux-mêmes peuvent ensuite les transmettre à la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) de la chancellerie. Ces renseignements, collectés au nom de l'élaboration de la politique pénale générale, peuvent alors parvenir dans la plus grande opacité aux oreilles du pouvoir exécutif, sans que celui-ci ait besoin de se justifier sur leur utilisation. D'où la nécessité, rappelle Éliane Houlette, d'insuffler davantage de transparence dans les processus de remontées d'informations.
Des remontées d'informations incessantes dans l'affaire Fillon
Et l'ancienne procureure de livrer son expérience personnelle dans
l'affaire Fillon. Si Éliane Houlette a affirmé que la pression des journalistes
était difficile à gérer – « Mais bon, ça, on peut s'en dégager, moi je
n'avais pas de contacts avec eux et je ne lisais plus les journaux » –,
c'est surtout la « pression du parquet général » qui l'a marquée. Les
demandes incessantes pour qu'elle fasse remonter les informations le plus vite
possible sur les derniers actes d'investigation, des demandes qui lui étaient
parfois adressées pour « les actes de la veille », et qu'elle devait
synthétiser « avant 11 heures le lendemain ».« Les demandes de précisions, de chronologie générale – tout ça à deux ou trois jours d'intervalle –, les demandes d'éléments sur les auditions, les demandes de notes des conseils des mis en cause… Les rapports que j'ai adressés, je les ai relus avant cette audition [devant la commission de l'Assemblée nationale, NDLR]. Il y a des rapports qui étaient circonstanciés, qui faisaient dix pages, précis, clairs, voilà », soutient la magistrate. Qui ajoute : « On ne peut que se poser des questions [sur ce qui est fait de ces informations, NDLR]. C'est un contrôle très étroit… »
Le parquet général demande à ouvrir une information judiciaire
Éliane Houlette évoque également une réunion lors de laquelle on
lui aurait demandé d'ouvrir une information judiciaire contre François Fillon, alors
que les investigations avaient jusque-là lieu dans le cadre d'une enquête
préliminaire. Selon nos informations, cette réunion s'est tenue le
15 février 2017 à Paris.
« J'ai été convoquée au parquet général – j'y suis allée avec trois de mes
collègues, d'ailleurs – parce que le choix procédural que j'avais adopté ne
convenait pas. On m'engageait [sic] à changer de voie procédurale,
c'est-à-dire à ouvrir une information judiciaire. J'ai reçu une dépêche du
procureur général en ce sens », a-t-elle dit devant la représentation
nationale.Si Éliane Houlette assure avoir d'abord résisté – « Ce sera quand je l'aurai décidé et quand j'aurai des éléments pour le faire » –, elle avoue avoir finalement été elle-même rapidement convaincue qu'il fallait ouvrir une information judiciaire, ce qu'elle fera le 24 février 2017. Selon nos informations, un nouveau désaccord éclatera alors quant aux termes employés dans le communiqué de presse.
Dans la tête de François Fillon, face aux magistrats
Hasard du calendrier, c'est en effet en pleine affaire Fillon, en février 2017, que le Parlement vote définitivement la réforme de la prescription pénale. La loi prévoit que la justice financière ne pourra plus enquêter sur des faits remontant à plus de douze ans, ce qui pourrait être très favorable à François Fillon. Le PNF va alors publier un communiqué justifiant l'ouverture d'une information judiciaire par l'adoption de cette réforme, ce à quoi va tenter de s'opposer – sans succès – le parquet général, qui ne voulait pas en faire mention. « La libre communication d'un procureur fait partie de son indépendance », clame Mme Houlette.
« Je n'ai pas le sentiment que nous faisions cause
commune »
L'ancienne magistrate affirme qu'« aucun des gardes des
Sceaux [Christiane Taubira, Jean-Jacques Urvoas, François Bayrou, Nicole
Belloubet] ou leurs collaborateurs immédiats ne [l]'ont interrogée ou [l]'ont
incitée à agir ou à ne pas agir dans des dossiers particuliers ». Mais
elle dénonce les « très, très nombreuses demandes » du parquet général,
lequel s'ingère « au quotidien dans l'action publique ». « J'ai
gardé toutes les demandes, elles sont d'un degré de précision
ahurissante […] Je les ai ressenties comme une énorme
pression », précise-t-elle. Avant de conclure : « Je n'ai pas eu
le sentiment que nous faisions cause commune. »Contacté, le parquet général ne souhaitait pas commenter dans l'immédiat les propos d'Éliane Houlette, tenus devant la représentation nationale. Mais des magistrats, en privé, n'hésitent pas à critiquer un Parquet national financier (PNF) qui, bien que soumis légalement au parquet général, a eu du mal à « s'insérer, toutes ces années, dans une organisation hiérarchisée ». Et à accepter le moindre regard, et a fortiori contrôle, sur ses activités.
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Touchant des
politiciens élus ou ex élus de tous bords dans des affaires financières ou
autres prévarications, voire même douteuses contre celles d’atteintes aux
bonnes meurs pour certains !
Nos élus sont
avant tout des hommes, pas des saints, mais trop protégés déjà par des immunités
parlementaires dont certains abusent et se croient trop à l’abri et qui se font
quand même prendre, bien que notre justice soit semble-t-il orientée selon le
gouvernement et pouvoir en place, de plus notre justice qui fait traîner les enquêtes
pendant très longtemps avant de mettre les prévenus garde à vue, voire pour
mise en examen au parquet en vue de procès !
D’ailleurs nous
avons l’exemple d’ex élus au plus haut de l’état qui attendent toujours leurs procès
tranquillement, sans compter les affaires qui sont étouffées et mis sous le tapis
comme de la poussière et oubliée !
Et comme on
sait la justice est plus lente pour les nantis que pour les gueux qui n’ont pas
les moyens de s’offrir des avocats onéreux de haut vol !
Quand ils sont
enfin jugés et condamnés leurs peines sont minorées pour souvent leur grand âge
ou par leur état de santé ne nécessitant pas de sanctions trop sévères on a aussi
des exemples !
Alors quand
une ex magistrate au plus haut de la hiérarchie de cette justice jette un pavé
dans la marre en vidant son sac (excuser ma trivialité) cela fait un
très mauvais effet au point que le président de la république, veuille s’en mêler
ce qui est anormal !?
Ce que l’on
voit, c’est qu’il y a plusieurs justices, surtout quand il s’agit de politique
et politiciens dans notre V eme république que l’on dit quelque fois bananière !?
Jdeclef 20/06/2020
10h26
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire