Mort de
George Floyd : pourquoi il faut condamner les émeutes
L'histoire
a montré que la violence des manifestations a toujours desservi les Noirs en
favorisant le vote de droite et en alimentant l'insécurité.
De tels événements sont familiers, car ils se sont répétés à de nombreuses reprises dans l'histoire américaine à la suite d'actes de brutalité policière, en particulier dans les cas où, comme Floyd, la victime était noire. En premier lieu, un grand nombre de personnes manifestent pacifiquement, ce qui attire l'attention sur leur cause et suscite la sympathie nationale. Dans un second temps, une petite partie des manifestants deviennent violents, vandalisent et détruisent, et causent parfois préjudice à des personnes innocentes. Dans ce groupe, il arrive de trouver des gens exploitant le chaos pour servir leurs propres intérêts. Par exemple, lors des émeutes de Baltimore en 2015, le pillage des pharmacies a entraîné l'inondation du marché en opiacés et autres psychotropes, ce qui a sans doute augmenté le nombre de toxicomanes, enrichi des gangs et aggravé la criminalité.
À New York, manifestations le jour, émeutes la nuit
Dans les années 1960, des milliers d'Américains participèrent à des manifestations non violentes pour s'opposer à la ségrégation. Des efforts qui se sont soldés par l'adoption du Voting Rights Act et du Civil Rights Act, rendant illégales les discriminations raciales et mettant officiellement fin à la ségrégation. Mais dans la seconde moitié de la décennie, de nombreuses manifestations allaient tourner elles aussi à l'émeute. Rien que pour 1967, on en compte 159 dans les grandes villes américaines.
L'ère du law & order
Souvent, ces émeutes sont présentées comme l'expression d'une
juste indignation et les progressistes rarement enclins à les dénoncer ni même
à les décourager. Warren Gunnels, directeur de cabinet du sénateur Bernie
Sanders, a semblé minimiser les événements de Minneapolis, en décrivant, par
exemple, la répartition de plus en plus inégale des richesses aux États-Unis
comme la véritable forme de « pillage ». De telles réactions
envisagent les émeutiers comme des individus défavorisés essayant de lutter bon
an mal an contre l'oppression sociale. Mais même en adoptant une telle
perspective morale, leur violence est contre-productive.Une étude publiée le 21 mai dernier dans l'American Political Science Review examine l'impact sur l'opinion publique de différentes formes de soulèvement populaire dans les années 1960. Son auteur, Omar Wasow, professeur à Princeton et spécialiste chevronné des liens entre race et politique, se concentre sur des manifestations organisées par des Noirs et sur la manière dont elles ont été reçues par le public.
« La question fondamentale qui m'a amené à étudier les manifestations des années 1960 est une énigme à laquelle j'ai beaucoup songé en grandissant à New York et que l'on pourrait résumer ainsi : comment notre pays est-il passé des victoires de l'ère des droits civiques à la poussée sécuritaire du law & order ? » m'explique Wasow en entretien. « Mes deux parents étaient des militants du mouvement pour les droits civiques. Par exemple, en 1964, mon père est parti dans le Mississippi pour inscrire des Noirs sur les listes électorales dans le cadre du Freedom Summer. Le sujet est donc en partie personnel. En outre, en prenant de l'âge, j'ai voulu comprendre ce qui s'était passé à la suite de ces succès, qui nous ont laissé des politiques comme la guerre contre la drogue et l'incarcération de masse. »
Glissement électoral
Son étude révèle que l'activisme non-violent – comme celui que
pratiquait le Comité de coordination non violent des étudiants (SNCC) dans le sud
des États-Unis – allait pousser le public à soutenir les droits civiques, et
même à améliorer les scores démocrates lors de la présidentielle dans les
comtés géographiquement proches des manifestations.Un effet particulièrement saillant quand les manifestations non violentes généraient des réactions violentes, comme ce qui survenait souvent avec le SNCC. Il n'est pas difficile de comprendre pourquoi : les gens s'identifient aux manifestants innocents passés à tabac par des foules racistes et des policiers à l'allure autoritaire.
Mais l'effet s'est visiblement inversé avec les manifestations violentes. En effet, Wasow estime que de tels événements ont provoqué un glissement électoral des Blancs vers les républicains, suffisant pour faire basculer l'élection présidentielle de 1968 en faveur de Richard Nixon, alors que les scènes d'émeutes focalisaient les médias, les débats de l'élite et l'opinion publique sur le thème du contrôle social. « Les membres du Congrès furent submergés par des avalanches de lettres d'électeurs en faveur du projet de loi dite des Rues sûres de 1968 », écrit Wasow, citant les recherches de Vesla Weaver, professeure à Yale. « Même les démocrates libéraux se sont sentis obligés de voter pour le projet de loi à cause de l'anxiété de leurs concitoyens face à la criminalité et aux émeutes. Les sondages électoraux d'août 1968 montrent que 81 % des personnes interrogées étaient d'accord avec l'affirmation : L'ordre public s'est effondré dans ce pays. »
L'un dans l'autre, estime Wasow, les événements violents allaient pousser les Blancs du Midwest et du Mid-Atlantic, modérés sur la question raciale, vers une coalition pour « la loi et l'ordre », et ainsi contribuer à offrir la présidence au Parti républicain.
La mise en garde de Martin Luther King
Wasow reconnaît que la coalition de « transformation
égalitaire », née au début des années 1960, a toujours été fragile, mais
que, en l'absence d'émeutes, elle aurait probablement tenu le coup assez
longtemps pour mettre à la présidence le démocrate Hubert Humphrey, principal
architecte de la loi sur les droits civiques de 1964. Dans cette histoire
alternative, le Parti républicain n'aurait peut-être pas pu se concentrer sur
une campagne et une stratégie gouvernementale sécuritaires, toujours
d'actualité, et qui aura depuis lors conduit à la guerre contre la drogue et
aux incarcérations de masse.Des conséquences qu'avaient augurées certains membres du mouvement pour les droits civiques, dont le révérend Martin Luther King, Jr. Aujourd'hui, on voit souvent sur les réseaux sociaux cette citation de King : « Une émeute est le langage de ceux qu'on n'entend pas », mais dans le même discours d'où elle est tirée, King déclarait que « les émeutes sont socialement destructrices et intrinsèquement vouées à l'échec ».
En février 1968, neuf mois avant l'élection de Richard Nixon, King avertissait que l'augmentation des émeutes pouvait conduire à une « reprise en mains du pouvoir par la droite ». Mentionnant la candidature du ségrégationniste George Wallace à la présidentielle, il déclarait : « Chaque émeute apporte une pierre à l'édifice de George Wallace. »
« Ils vont nous enfermer dans des camps de concentration », avait-il dit aux partisans de la Poor People's Campaign. « Les Wallace et [les adeptes de la John Birch Society] prendront le relais. Les malades et les fascistes en sortiront renforcés. Ils vont verrouiller le ghetto et nous délivrer des laissez-passer pour entrer et sortir. Nous ne pouvons pas supporter encore deux étés comme le précédent sans que cela ne conduise inévitablement à une mainmise de la droite sur le pouvoir et à un État fasciste qui détruira l'âme de la nation. »
Avantages… à court terme
Après l'assassinat de King, sa veuve Coretta Scott King avait
profité de son discours à l'église baptiste Ebenezer d'Atlanta pour exhorter
ses admirateurs à toujours agir conformément à ses préceptes pacifiques.
« Aujourd'hui, ce qui nous préoccupe, c'est que son œuvre ne meure pas. Il
a donné sa vie pour les pauvres du monde – les éboueurs de Memphis et les
paysans du Vietnam. Rien ne pourrait lui faire plus de mal que l'homme qui
n'essaye pas de résoudre les problèmes autrement que par la violence »,
avait-elle déclaré. « Il a donné sa vie pour chercher un chemin plus
excellent, plus efficace, plus créatif que la voie de la destruction. Nous
voulons continuer sur ce chemin et j'espère que vous qui l'avez aimé et admiré,
vous vous joindrez à nous pour réaliser son rêve. » Le 28 mai,
la petite amie de George Floyd a eu des propos similaires sur le genre
d'actions qu'aurait voulu Floyd en honneur de sa mémoire.À court terme, la violence peut produire des avantages manifestes pour les communautés touchées. Il est très possible, par exemple, que Chauvin n'ait jamais été inculpé au pénal si la violence des manifestations n'avait pas attiré une attention nationale sur Minneapolis. En 2014 à Ferguson, dans le Missouri, le même genre d'événement a conduit à des améliorations dans la formation de la police et à d'autres réformes politiques. Mais à long terme, les conséquences économiques et sociales de la violence sont quasi invariablement négatives pour la communauté locale.
Conséquences néfastes à long terme
En 2005, les chercheurs William Collins et Robert Margo ont
examiné le legs des événements des années 1960 pour jauger de leurs
conséquences à long terme dans les quartiers où des émeutes avaient eu lieu.
Ils concluent que les émeutes ont fait baisser la valeur des biens appartenant
aux Noirs entre 1960 et 1970, avec un faible rebond lors de la décennie
suivante. Les émeutes ont été responsables d'une perte estimée à 10 % de
la valeur totale des propriétés résidentielles appartenant à des Noirs dans les
zones urbaines américaines, ce qui a entraîné une augmentation des inégalités
raciales dans la valeur des propriétés.J'ai été le témoin direct d'une étude de cas similaire lors de ma visite à Baltimore en 2018, dans le cadre d'un projet de reportage sur la vague d'homicides qui affligeait à l'époque la ville. Si trois années s'étaient écoulées depuis les émeutes déclenchées par la mort de Freddie Gray, tué en garde à vue, peu de progrès étaient visibles dans les quartiers les plus touchés par les destructions. La ville continuait toujours à perdre des habitants. Et beaucoup estiment que les émeutes ont indirectement généré une augmentation des homicides au cours des années suivantes, car la police allait cesser ses patrouilles préventives dans les communautés en difficulté.
Dans l'ensemble, les faits indiquent que les manifestations et les émeutes violentes renforcent les forces politiques de droite, offrent aux gangs des opportunités pour s'enrichir et exploiter les populations locales déstabilisées, appauvrissent les propriétaires et grèvent la prospérité économique à long terme. Il est donc intéressant de se demander si les progressistes bien intentionnés, qui font de leur mieux pour dépeindre les émeutiers de Minneapolis avec les couleurs de la justice, rendent réellement service aux plus pauvres.
Aux États-Unis, les Noirs en première ligne
Activisme civique
En 2018, une équipe de cinq chercheurs avait étudié les violentes
manifestations de Baltimore et découvert que les tweets
« moralisateurs » – soit ceux qui présentaient les manifestations
comme une question morale – permettaient de prédire la survenue d'événements
violents. En particulier, « la fréquence horaire des tweets à connotation
morale a permis de prédire le nombre d'arrestations durant les
manifestations ». Ce qui n'est pas surprenant : lorsque nous
encourageons et justifions la violence, elle se multiplie. Et si la violence ne
profite pas à la communauté, mais lui cause un préjudice à long terme, quel
intérêt à l'encourager ?Ce qui ne signifie absolument pas que la seule réaction à des faits scandaleux, comme le meurtre de Floyd, soit une indifférence polie. Dans une société démocratique, les manifestations non violentes, le travail médiatique, l'appel aux responsables gouvernementaux et la mobilisation électorale sont autant d'outils à notre disposition pour lutter contre les injustices. Richmond, en Californie, est un exemple de communauté dans laquelle l'activisme civique et une campagne pour inciter les gens à voter ont conduit à des réformes policières de grande ampleur, qui ont à leur tour permis de renforcer la confiance de la communauté et de réduire la criminalité.
D'une indignation à l'autre
Nombre des auteurs des pillages à Minneapolis sont jeunes. Ils
sont enfermés depuis des mois sans école ni travail, et on leur a dit qu'ils ne
pouvaient même pas serrer la main de leurs amis de peur de propager une
maladie. Nous sommes beaucoup à pouvoir nous souvenir de notre jeunesse, de ce
que cela fait d'être plein d'énergie et de colère, et d'être pris dans des
frénésies collectives qui, sur le moment, nous donnent l'impression d'accomplir
quelque chose. Impossible d'empêcher toutes les violences. Mais il est
possible, au minimum, pour ceux d'entre nous plus âgés et plus sages, de
résister à l'envie de signaler publiquement que de tels agissements sont
acceptables (et même louables).Dans une semaine ou deux, de nombreux privilégiés à avoir manifesté leurs louanges des émeutiers seront passés à leur indignation suivante, alors même que de nombreux émeutiers, une fois identifiés sur les images de vidéosurveillance, seront en prison. Pire encore, certains pourraient souffrir du Covid-19, contracté durant les émeutes. En novembre, Donald Trump et le Parti républicain seront heureux d'avoir des images de bâtiments en feu et de scènes de chaos à Minneapolis à faire tourner en boucle. En 1968, la violence a fait le jeu de la droite réactionnaire. En 2020, l'histoire pourrait bien se répéter.
Zaid Jilani est un journaliste indépendant. Vous pouvez le suivre sur Twitter @ZaidJilani.
**Cet article est paru dans Quillette. Quillette est
un journal australien en ligne qui promeut le libre-échange d'idées sur de
nombreux sujets, même les plus polémiques. Cette jeune parution, devenue
référence, cherche à raviver le débat intellectuel anglo-saxon en donnant une
voix à des chercheurs et des penseurs qui peinent à se faire entendre. Quillette aborde
des sujets aussi variés que la polarisation politique, la crise du libéralisme,
le féminisme ou encore le racisme. Le Point publiera chaque semaine la traduction
d'un article paru dans Quillette.
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On coure à
l’anarchie ou chacun veut faire ses lois en pensant qu'ils ne font pas partie
de celles existantes dans notre pays libre !
Car on parle
de racisme, c’est trop facile, ce n’est pas le cas encore en France, pour l’instant
on parle méthode trop musclée pour interpeller des contrevenants peut être en
effet inacceptable, mais pas le cas souvent en FRANCE, comme aux USA qui sont
plus coutumiers du fait !
Cette
famille TRAORE et notamment la sœur de la victime conteste avec véhémence en entraînant des manifestants de sa communauté, protestant
sur la méthode d’interpellation par la police, sur un délinquant de sa famille,
suite à divers examens et enquête scientifique pour savoir si cela est
imputable aux gendarmes et ne sont pas d’accords avec le résultats de celles-ci,
en profitant du cas déplorable de G.FLOYD pour faire un parallèle avec l’affaire
US !
Cette famille
issue de l’immigration a été accueillie en France, si elle ne supporte pas
notre pays et surtout, ses lois, pourquoi y reste-t-elle ?!
Car fomenter
des troubles par des manifestations interdites est répréhensible !
Et puisqu’ils
parlent de racisme à tout va, leur attitude ne serait-ce pas une autre forme de
racisme anti-blanc ?!
Depuis la
décolonisation de nos ex colonies africaines AOF-AEF nous subissons indirectement
ce problème depuis 60 ans environ, pourtant cela n’empêche pas à ces familles
noires de venir en France à flux constant !?
Le président
pour l’instant ne se prononce pas, il fait bien de se taire, car ses commentaires
comme d’habitude ne plairait pas à tout le monde et serait politisé, seules les
lois doivent être appliquées sans discrimination !
Jdeclef 07/06/2020
10h25LP
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