Boris
Cyrulnik : « Le discours de Poutine est un délire logique »
ENTRETIEN.
Dans un livre instructif, le neuropsychiatre distingue les personnalités qui se
soumettent à l’autorité et celles qui « pensent par
elles-mêmes ».
Cyrulnik :
son nom signifie « barbier » en ukrainien. Il l'a récemment appris
lors d'un voyage à Cracovie, en apercevant les affiches d'une version
ukrainienne du Barbier
de Séville en tournée en Pologne. « Je croyais qu'on avait annoncé
partout ma conférence. » Il a également su très tardivement
qu'il était d'origine ukrainienne, lui, l'orphelin sorti de la guerre sans
parents, fracassé par les nazis, sauvé miraculeusement, qui a tourné le dos à
ses origines, à son passé, pour mieux s'échapper par le rêve. « Des
Cyrulnik d'Ukraine m'ont écrit. » C'est dire si le conflit
actuel l'agite. C'est dire s'il tend l'oreille aux discours totalitaires
revenus de l'Est.
Son dernier ouvrage vient aussi percuter l'actualité en décrivant
le monde comme une confrontation entre les « laboureurs », qui acceptent le doute, la
recherche, qui explorent patiemment de nouveaux univers, et les « mangeurs
de vent », qui se soumettent avec soulagement aux discours
creux des chefs autoritaires. Un livre dans lequel Cyrulnik revient à sa
passion de la psychoécologie, et dans lequel il réaffirme le primat du milieu
sur la constitution de l'identité et de notre liberté. Ainsi se dessine un
monde familier, divisé entre ceux qui abdiquent leur liberté et ceux qui
la cultivent.
Boris Cyrulnik : Jeune étudiant en médecine, ignorant,
admiratif de mes maîtres, je me suis soumis à la doxa pour passer mes examens,
j'ai vécu l'expérience de Milgram en acceptant de pratiquer des sutures sans
anesthésie parce qu'on m'avait expliqué que c'était préférable. À cette
époque, j'ai reçu l'enseignement de l'hérédodégénérescence du docteur Morel,
autrement dit, la théorie nazie sur les cerveaux de meilleure qualité
biologique. J'ai assisté, avant leur interdiction, aux dernières
lobotomies, prônées par Egas Moniz, Prix Nobel 1949, persuadé que la
mutilation supprimait l'angoisse. J'ai aussi été membre des Jeunesses
communistes entre 14 et 16 ans, expérience culturellement
enrichissante, mais, après un voyage en Roumanie, je m'en suis vite écarté,
j'ai remis en cause la doxa. De même qu'après mes études, je me suis écarté de
la voie tracée. Mon enfance durant la guerre m'avait préparé à ce « chemin
de chèvre ». Je me suis donc confronté à ce sujet.
Penser par soi-même ne signifie pas penser seul, on ne peut pas penser sans l’autre.
Pour distinguer les « laboureurs » des « mangeurs
de vent », vous vous appuyez sur la théorie des trois niches :
sensorielle, affective, verbale. Comment l'expliciter ?
Je ne crois pas que la biologie explique tout, ni la
psychanalyse, ni la sociologie. Il faut prendre un peu de chaque discipline.
Cette théorie, qui me convient bien, a été développée dans les
années 1970 par l'Américain d'origine russe Urie Bronfenbrenner, qui
décrit les mille premiers jours d'un enfant. Dans cette étude de
l'attachement, il décrit des niches, des liens successifs plus ou moins
aboutis. Si les échanges avec la mère, puis l'entourage, sont riches,
apaisants, sécurisants, la base de départ facilitera l'éclosion d'un laboureur,
quelqu'un qui ne se raccroche pas aux pensées paresseuses, qui n'est pas
angoissé par le moindre changement, qui ne se donne pas à des groupes
rassurants et à des utopies qu'on lui fait miroiter dans le ciel. Le laboureur
est un homme de terrain, qui ne craint pas de « penser par soi-même »,
d'explorer ce que Hannah Arendt appelle « la liberté intérieure ». Il
a les pieds sur terre, il chemine, un cheminement long, personnel. Si les
échanges sont pauvres, perturbants, déséquilibrés, la base de départ risque de
conduire à un « mangeur de vent », qui attend de chefs des slogans à
réciter, qui est dans la solidarité lâche des perroquets, en quête d'une
confiance en soi que lui donne le chef. Moins il y a de réflexion, plus il y a
d'ivresse, de bonheur à se sentir entouré. Je pense aussi à ces 300 000
enfants remis aujourd'hui à l'Aide sociale en France et qui arrivent déjà très
abîmés, à la suite de conditions de précarité, d'absence ou
de maltraitance affectives. Attention toutefois, tout ne se joue pas
dans les mille premiers jours : s'ils vont eux aussi souffrir,
les « laboureurs » vont surmonter les épreuves, pas les
« mangeurs de vent ». Par ailleurs, penser par soi-même ne signifie
pas penser seul, on ne peut pas penser sans l'autre, sans contexte relationnel.
Une idée philosophique, une découverte scientifique ne peuvent se penser
en-dehors de leur contexte culturel.
Nous trouvons-nous dans une période qui favorise cette
soumission ?
Sans conteste oui. Dès qu'une époque traverse une
désorganisation sociale, sanitaire, économique, militaire, climatique – ce que
nous subissons actuellement –, les « mangeurs de vent »
sont bien plus déboussolés que les autres. Dans cette confusion, ils
sont perdus, en quête d'un sens que leur livre le sauveur qui surgit. Tous
ces escrocs culturels lui assènent : « Tu veux savoir où est la
vérité ? Je le sais, je la détiens ». Le « mangeur de
vent », qui a besoin de cette appartenance, de cette sécurité, lui accorde
ce pouvoir, pour se sentir enfin bien. Il a besoin que l'ordre règne.
Dans ces escrocs, ces sauveurs
autoproclamés, vous incluez probablement Poutine.
En effet, il arrive avec sa belle épopée d'une Russie glorieuse.
Il répète : « Je vais sauver mon peuple ». Tous les tyrans le
disent. Il a racketté son peuple, il lui vend de la Grande Russie, une
magnifique utopie, simple.
Comme le paranoïaque, Poutine
suppose que les fous, ce sont ceux qui ne croient pas ce qu’il croit.
Organise t-il cette utopie de manière paranoïaque en
entraînant ses « mangeurs de vent » dans sa psychose ?
S'il en possède des traits, une formidable confiance en soi, une
manière d'asséner très fort une vérité afin de l'imposer à des inférieurs, cela
ne suffit pas pour conclure à une psychose paranoïaque. Le réel est par
définition incohérent, on y trouve ce qu'on veut. Pour donner une cohérence au
monde, il faut le réduire, choisir ce à quoi on est sensible. Pour ma part,
compte tenu de mon « chemin de chèvre », je me suis toujours
identifié aux persécutés, je voyais dans le monde qui me touche une partie
blessée de moi-même. Poutine, lui, s'est construit dans une représentation où
la Russie a été la victime de l'Occident, et c'est à partir de ce postulat qu'il
va chercher des références, des preuves dans le passé, dans le réel. Comme le
paranoïaque, il suppose que les fous, ce sont ceux qui ne croient pas ce qu'il
croit. Le discours de Poutine est une construction cohérente, un délire logique
qui emporte ses admirateurs, mais la logique peut être délirante.
Étymologiquement, délire vient du verbe latin delirare,
« sortir du sillon », c'est-à-dire ce qui est coupé du sillon, de la
terre. On retrouve, par opposition, le « laboureur ».
Toute vision du monde est un aveu
autobiographique.
On a noté que sa vocation d'espion lui avait été révélée
à 16 ans, en 1968, devant une série télévisée d'espionnage très
populaire, « Le Glaive et le Bouclier », orchestrée par Andropov,
alors chef du KGB. Cela vous surprend-il ?
Aucunement. Nous faisons tous des rencontres, artistiques ou pas,
qui révèlent ce que nous sommes au fond de nous-mêmes. Cela peut être une
image, un visage, une parole, qui allume tout notre être. Si j'avais au même
âge visionné cette série, il est fort probable qu'elle n'aurait provoqué en moi
aucune émotion, car j'avais d'autres rêves, celui notamment d'être psychiatre.
Chacun est sensible à différentes informations, nous sélectionnons le monde
dans la mesure où il parle de nous, nous avons un goût du monde, Poutine a son
goût à lui. À cet égard, toute vision du monde est un aveu
autobiographique.
Vous évoquez le plaisir du « mangeur de vent » à se
fondre dans l'euphorie d'une foule servile. Cela s'explique-t-il
neuronalement ?
Le neuroscientifique Giacomo Rizzolatti, d'origine ukrainienne, a
mis en évidence, à partir d'expériences sur les babouins, l'existence des
neurones miroirs. Quand le babouin voyait des humains porter la main vers
un sandwich s'allumait chez lui la zone neuronale du cerveau qui lui aurait
permis de faire le même geste, a constaté Rizzolatti. Cette expérience a été
déclinée de multiples façons. On explique ainsi la contagion collective de
croyances. Mais aussi celle de l'amour. Il est plus facile d'aimer si l'on se
sait aimé.
Guez :
« Les dictateurs ont tous les défauts : paranoïa, absence de pitié et
d'empathie… »
Vous revenez sur les cas de Josef
Mengele, Rudolf Höss ou Adolf
Eichmann, qui ont aimé accomplir leur travail d'extermination. Là encore,
existe-t-il une explication neurologique ?
Dans un ouvrage publié en anglais, The Brain That Pulls the
Triggers : Syndrome E (Odile Jacob, 2021), Itzhak Fried
explique qu'il existe deux manières de se soumettre à une injonction. Soit on
obéit à sa pulsion : dans le cas de petits enfants qui ont grandi isolés,
le cerveau, mal stimulé, a dysfonctionné, le système limbique s'est atrophié,
le lobe préfrontal non activé n'inhibe plus l'amygdale, siège des émotions
insupportables à supporter comme la rage ou la mélancolie. Un enfant dont le
cerveau s'est développé dans un contexte peu stimulant n'a pas acquis la
capacité à maîtriser ses émotions. La maîtrise verbale, dans un contexte très
appauvri, est aussi absente, il explose pour un rien. C'est le cas d'un Mohammed
Merah, qui a tout raté, dans ses premiers jours, à l'école, à l'armée, pour
devenir une proie facile pour les djihadistes. Et puis il y a ceux qui se
soumettent à une représentation sans critique, ce sont les Mengele, les
Eichmann ou les hommes du 101e bataillon de réserve de la police allemande,
impliqués dans la Shoah par balles, qu'a étudiés Christopher Browning. Ils ont
été bons élèves, ils ont été diplômés, mais par une suspension totale de
l'empathie, ils acceptent la vision du chef car elle correspond à leur
représentation. Qu'il y a, par exemple, des juifs qui ne sont pas des
hommes ou des nazis parmi les Ukrainiens… Ils ne vont pas visiter
d'autre monde mental, ils s'en tiennent à celui qui leur plaît, celui qui leur
permet de satisfaire leurs désirs. En donnant l'ordre à Eichmann de mettre en
place la « solution finale », on lui a donné du bonheur, on a donné
un sens à à son monde. Cette mission, il l'a appliquée dans un langage
purement administratif, désaffecté de toute émotion, car il n'avait aucun autre
langage à sa disposition, comme il l'a reconnu lors de son procès.
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Et ne
cessera pas son agression de l'UKRAINE et s'il arrive à faire tomber ce pays et
l'asservir comme ses ex-républiques perdues, après la chute du mur de BERLIN la
fin de la guerre froide qu'il a réactivée et la puissance de l'ex-URSS adossée à
ce grand empire russe tsariste dont il est nostalgique !
À noter entre
parenthèse le président turc ERDOGAN bien que faisant partie de L’épouvantail OTAN
qui ne fait pas si peur que cela à POUTINE car lui aussi nostalgique de son ex empire OTTOMAN perdu !
Pour le
maitre du KREMLIN il se rend bien compte qu’il a contre lui une opposition de bienpensant
donneurs de leçons frileux occidentaux, européens, américains de pays libres et
démocratiques libres par leurs dirigeants et surtout notre président MACRON grand
bavard qui ergote avec lui à bâton rompu sans résultat et qui en plus il se
moque de lui et de la France !
Cet
individu russe hyper dangereux pour le monde entier ne connait que la force
selon ses critères personnels alors il faut l’arrêter le stopper voire l’éliminer
pour garantir si possible la paix du monde si fragile !
Puisque l’on
ne peut négocier avec un tel individu qui se croit sur de sa force face au
reste des occidentaux mous ou pleutres et pour certains frileux à causes de
leur besoins énergétiques que leur fournit la RUSSIE !
Il est déjà
bien tard pour réagir mêmes avec des mesures économiques ou retentions insuffisantes
envers la Russie seule la peur comme le fait ce dictateur envers l’occident
peut l’arrêter car il n’y croit pas tant il se croit invincible !
Le printemps
des dictateurs et POUTINE en est le chef de file est là nous occidentaux avec
nos dirigeants occidentaux européens et USA on est encore dans l’hiver par des
réactions inadaptées car ayant oublié leur passé, historique depuis la 2 eme guerre
mondiale !
Ce n’est
pas notre président sortant avec sa campagne électorale inexistante et son
opposition si médiocre qui nous sortira de cette catastrophe européenne et qui
sera élu sans problème profitant indirectement de cette guerre par des Français
craignant le lendemain !
Jdeclef 13/03/2022
12h46
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