mercredi 30 mars 2022

Si cette UNION EUROPEENNE n'est pas désunie pour l’instant pour les erreurs Économiques et autres, ce n'est pas la première !


 

Guerre en Ukraine : « L’Europe comprend enfin qu’il est utile de produire du blé »

Sept millions de tonnes de blé sont immobilisées en Ukraine. Un manque qui sera difficile à combler. Entretien avec Sébastien Abis, chercheur à l’Iris. 

 

directeur du Club Demeter, qui réunit des décideurs du secteur agricole et agroalimentaire, Sébastien Abis est chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). Il a notamment publié Géopolitique du blé (éd. Armand Colin/Iris, 2015) et codirigé avec Matthieu Brun le rapport 2022 de Demeter intitulé Alimentation, les nouvelles frontières.

Le Point : Dans quel contexte alimentaire intervient la guerre en Ukraine ?

Sébastien Abis : En février, l'indice général des prix alimentaires de la FAO [Organisation des Nations unies pour l'alimentation, NDLR] avait déjà atteint un pic historique, à 140. Même en 2010-2011, où la crise alimentaire déclencha une partie des Printemps arabes, cet indice n'était pas si élevé. La pandémie a fait dérailler les flux, nos modes de production, nos rythmes de consommation. Les prix se sont envolés : en 2021, l'inflation alimentaire mondiale a été en moyenne de 20 à 30 %. Nous en avons été protégés en Europe, mais, ailleurs, les populations ont été doublement pénalisées : moins de revenus, une nourriture plus chère. Avec le XXIe siècle, on a cru entrer dans la civilisation de l'immatériel, des services. Depuis 2020, avec le retour des insécurités physiques, on vit la revanche du productif. On comprend qu'il faut aussi produire des masques, des vaccins, de la nourriture. La planète a beau se transformer, le monde a toujours besoin de se nourrir. Or, nous sommes 8 milliards de candidats, 2 milliards de plus qu'en 2000. Sur ces 8 milliards, 5 sont exigeants, 2 se nourrissent très mal, 1 milliard pas du tout. Ajouter, là-dessus, l'enjeu climatique qui pressurise la production, l'oblige à l'innovation. La sécurité alimentaire a besoin de paix, de stabilité, de bonne gouvernance. Cette pandémie et cette guerre bouleversent un système déjà complexe et très imparfait.

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On a découvert la place essentielle occupée par l'Ukraine. Plus qu'un grenier, une place forte, modernisée…

Depuis les années 2000, ce pays a utilisé son pouvoir agricole. Une fois débarrassée du carcan de l'URSS, l'Ukraine a compris que les céréales étaient son atout, que la planète en avait besoin. En vingt ans, son volume d'exportations agricoles a été multiplié par 6, par 12 en valeur, représentant 25 à 30 % en moyenne des recettes du pays à l'export. Elle intervient pour 15 % dans le commerce mondial du maïs et 12 % dans celui du blé. L'Ukraine produit sur 30 millions d'hectares cultivés, contre 26 dans le cas de la France. C'est une production qui a gagné en qualité, qui a bénéficié d'investissements étrangers, français, américains, chinois, notamment pour les semences. C'est aussi un pays qui exporte massivement. Sur les 110 millions de tonnes de grandes cultures [céréales, oléagineux et protéagineux, NDLR], l'Ukraine en exporte 80 millions. La France n'exporte que la moitié de ses 80 millions de tonnes. Cette exportation massive repose sur le développement de quatre ports, Mykolaïv, Tchornomorsk, Yuzhnyi et Odessa. Ce sont ces ports que la Russie bloque : sur la récolte record de 2021, 1 million de tonnes d'orge, 2 millions de tonnes d'oléagineux, 15 millions de tonnes de maïs et 7 millions de tonnes de blé restent immobilisées en Ukraine. Le blé ne sortira plus, car le gouvernement ukrainien a lui-même déclaré un embargo compte tenu de la guerre. Difficile par ailleurs de faire sortir le reste par voie ferroviaire en Pologne, quand on sait qu'un convoi véhicule entre 1 500 et 2 500 tonnes, alors qu'un vraquier de type Panamax peut transporter de 30 000 à 60 000 tonnes. C'est ce volume à l'arrêt que les marchés ont anticipé, ainsi que l'hypothèque sur la récolte ukrainienne de 2023, puisque les semis ne peuvent avoir lieu, les engins et le fuel font défaut, et que l'incertitude de production agricole sera d'autant plus grande que le conflit s'étirera dans le temps et l'espace.

« L'Europe n'a pas vocation à nourrir le monde »

Ce « trou » de 7 millions de tonnes de blé peut-il être comblé ?

L'Inde a fait une excellente récolte, supérieure à ses besoins et va apporter quelques volumes au marché. La Russie continue à exporter depuis un mois maintenant, par exemple, des flux vers l'Égypte. Mais il manque du volume ukrainien pour la fin de campagne 2021-2022, celui-ci pourrait être même plus grand pour la campagne 2022-2023 si la récolte ukrainienne de 2022 fait défaut… Rappelons que l'Ukraine exporte 20 millions de tonnes de blé en moyenne. Où va-t-on les trouver ? D'ordinaire, les deux plus gros pays producteurs, la Chine et l'Inde, n'exportent rien. La production européenne, forte, n'est pas sur une tendance haussière. Le Canada exporte surtout du blé dur pour les pâtes, l'Australie sert d'abord l'Asie du Sud-Est, l'Argentine approvisionne le Brésil, qui ne produit quasiment rien. Les États-Unis privilégient souvent l'Asie, mais restent attentifs aux opportunités du Moyen-Orient.

L'Europe a réagi rapidement avec la directive qui permet de pratiquer de la grande culture sur les jachères…

L'Europe comprend qu'il est utile de produire. La libération des jachères représente 4 % des terres labourables, mais c'est peu, ce ne sont pas les plus productives et les premiers résultats n'interviendront pas avant 2023. Les assolements pour cette année sont faits et non modifiables. Le coût des intrants peut aussi limiter ce développement. Il n'est pas évident d'atteindre 20 millions de tonnes en plus, sachant que l'UE en produit de 120 à 140 millions de tonnes en moyenne par an et exporte le tiers environ. Difficile de remplacer, dès l'an prochain, le volume de l'Ukraine sur les marchés internationaux. Il faut d'ailleurs prier pour que les prochaines récoltes en 2022 soient bonnes, ici en Europe, comme dans le reste du monde. C'est aussi important que le maintien du commerce et l'absence de restrictions à l'export. La variable climatique n'est pas politique, on la maîtrise bien moins…

Maghreb : la tentation de la Russie

Qu'en est-il du Maghreb et du Moyen-Orient (MMO), où le prix du blé inquiète particulièrement ?

Globalement, le MMO est la région du monde où l'écart entre la production et la consommation est le plus grand. La moyenne mondiale de consommation annuelle de pain est de 60 kilos, elle est de 30 kilos en Afrique, 100 en Europe, de 180 à 200 dans le MMO. Cette région concentre 35 à 40 % des achats de céréales de la planète. Elle achète 60 millions de tonnes de blé sur les 190 exportées. Il en découle une dépendance très forte, mais différente selon les pays : en Algérie, c'est un organisme d'État qui achète ; en Égypte, la moitié des boulangeries sont subventionnées ; au Maroc, tout est privé bien que l'État observe de près les dynamiques. Aujourd'hui, le prix du blé, autour de 385 euros la tonne, a presque rejoint le niveau de 2011, quand eurent lieu les émeutes de la vie chère. L'autre zone qui achète beaucoup est l'Asie du Sud-Est : la Chine, 10 millions de tonnes ; l'Indonésie, 11 millions ; le Pakistan, 7 ; le Vietnam, 4 ; la Thaïlande, 3. On ne trouve pas facilement de nouveaux producteurs. Et les seuls pays en grande croissance sur le plan de la production et de l'export sont l'Ukraine et la Russie…

Comment la Russie, justement, peut-elle peser sur ce marché du blé ?

À son arrivée au pouvoir, Poutine a misé sur l'agriculture, comme il a misé sur le gaz et les armements pour faire de la diplomatie économique. Il a réorchestré un réarmement céréalier en proposant ses produits, en cassant les prix et avec des méthodes très agressives de désinformation. Ce fut le cas en Égypte comme en Algérie, où la Russie essaie de déloger les Français. Il y a dix-huit mois, l'organisme public algérien a modifié le cahier des charges afin d'accepter le blé russe, mais, depuis, celui-ci entre dans moins de 10 % des achats algériens.

L'Europe a-t-elle raté le coche avec le Maghreb et le Moyen-Orient ?

Indéniablement. Il y a eu un enjeu euro-méditerranéen défini par le sommet de Barcelone en 1995, qui n'a pas été suivi de complémentarités économiques et d'intérêts solidaires ; un quart de siècle de coopération euro-méditerranéenne mal positionnée, trop peu entretenue. Désormais, les deux rives dérivent. Par exemple, en Algérie, le pouvoir bien moins europhile, joue la loi du marché, et regarde ailleurs, notamment vers la Russie. On pourrait en théorie imaginer un échange UE-Algérie, gaz contre blé, mais Alger le souhaite-t-il ? Sommes-nous également prêts à développer un tel mécanisme ?

Delhommais – La guerre meurtrière du blé

La politique céréalière de Poutine a-t-elle été un succès ?

En 2016, la Russie est devenue le premier pays exportateur de blé, mais si l'on s'intéresse aux différents cumuls, depuis 2000, 2010 ou 2016, on perçoit mieux son essor récent (voir infographie). Après l'annexion de la Crimée, elle a aussi formidablement développé deux ports, Kavkaz et Taman, dans le détroit de Kertch, afin d'augmenter ses marges de manœuvre. Face aux sanctions occidentales, elle a développé les produits laitiers, les fruits et les légumes, les fruits rouges notamment, surtout dans le Caucase, dont elle inonde le Moyen-Orient. Elle a aussi russifié les opérateurs en poussant vers la sortie Cargill, ABM, Louis-Dreyfus… Aujourd'hui, le grand opérateur du négoce de grains est russe, Demetra, propriété de la banque VTB. La Russie est encore dépendante pour les semences de maïs, de betteraves, de tournesol, mais pas de blé : la génétique russe a bien travaillé.

La Russie a-t-elle intérêt à arrêter ses exportations de blé ?

Sur les 190 millions de tonnes exportées par an dans le monde, la Russie en exporte 38, ce qui représente 12 milliards de dollars de revenus annuels. Mais qu'en sera-t-il du blé ukrainien, sur lequel elle va peut-être mettre la main, dont 50 % sont produits à l'est du Dniepr ? Les deux oblasts annexés représentent déjà près de 10 % de la production. La vraie inconnue, le vrai tabou, à moyen terme, est la production russe : que vont décider les opérateurs malgré les sanctions ?

Le blé, c’est le pain, c’est la ville.Sébastien Abis

Pourquoi se focalise-t-on sur le blé, alors que l'Ukraine exporte encore plus massivement du maïs et du tournesol ?

Parce que 90 % du blé sert à l'alimentation humaine, quand sur les 1 100 millions de tonnes de maïs, 700 sont à usage animal, 300 servent l'industrie. Le blé, c'est le pain, c'est la ville, c'est la praticité de nos sandwichs ou de nos biscuits. Le blé, en proportion, c'est aussi plus de volumes échangés : 190 millions de tonnes sur 800 millions de tonnes produites, contre 150 millions de tonnes sur 1 100 pour le maïs, ou 50 sur 500 pour le riz. C'est aussi, comme le pétrole, un oligopole : 10 pays produisent 90 %. Mais on devrait, en effet, s'intéresser au maïs : si l'UE n'achète pas de blé à l'Ukraine, la moitié de son maïs importé vient d'Ukraine, la proportion étant surtout forte en Italie, en Espagne, aux Pays-Bas. Or, le maïs ukrainien, à la différence du brésilien, de l'argentin, de l'américain, est sans OGM. Que va-t-on faire ? Repasser en OGM ? S'en remettre au soja pour l'alimentation animale alors que celui-ci est controversé en raison de son rôle dans la déforestation de l'Amazonie ? Les filières volaille-porc sont évidemment très touchées. Ce sont d'ailleurs celles qui ont été les premières aidées en France. La Russie et l'Ukraine représentant 60 % des exportations mondiales de tournesol, la question d'une relance protéique sur le sol européen vers le colza et le soja se pose avec acuité.

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Qu'en est-il des stocks de blé à l'heure actuelle ?

C'est une question cruciale. L'Europe a cessé d'avoir une logique de stocks, ce qui ne vaut pas que pour le blé. Seules la Suisse, un peu l'Allemagne et la Finlande en ont eu une. Les stocks de blé mondiaux, ce sont 280 millions de tonnes, ce qui n'est pas beaucoup : un trimestre de consommation. Il faut savoir que la Chine en a la majeure partie, 130 millions de tonnes, soit une année de consommation pour ce pays. Pékin a toujours peur de manquer de nourriture. Il y en a 25, 30 en Inde, la même chose aux États-Unis, l'UE n'en a que 10, soit l'équivalent d'un mois. Comme pour les masques lors de la pandémie, nous avons été très légers et naïfs. La question devient alors : que doit-on avoir à domicile au regard des aléas conjoncturels ? Que faut-il garder pour nos besoins et, par solidarité, pour les pays sensibles, qui ne doivent pas basculer dans la violence ? L'Europe, qui avait des forces, des modèles différenciés, s'est perdue sur d'autres terrains. Notre boussole stratégique n'a pas été la bonne. Nous avons perdu en capacitaire et en vision géopolitique dans le domaine agricole, quand d'autres se sont, au contraire, réarmés. Le mot « produire » ne doit plus être tabou ni être un gros mot. En même temps, il ne faut rien céder sur la transition climatique et la sacrifier au seul profit des rendements et de l'économie. L'ADN de l'Europe agricole a toujours été l'innovation. L'objectif est de produire plus, mais mieux et avec moins. Et de produire peut-être en Europe, en ayant conscience des besoins de certaines régions du monde qui nous entourent. C'est ce que j'appelle depuis des années « la souveraineté alimentaire solidaire » : forte à domicile et responsable vis-à-vis des enjeux extérieurs.

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C’est les peuples dans tous conflits qui en subissent les conséquences car mal gouvernés par ces politiciens qu’ils ont élus mêmes dans les pays libres et démocratiques !

Pour le blé la France peut être auto suffisante il suffit d’en cultiver plus et de supprimer les terres en jachères décrétées par la politique agricole commune  europeenne naturellement les céréaliers font partie des agriculteurs français les plus riches  que tous les autres plutôt pauvres et ne pourront plus jouer sur leur ordinateurs  en spéculant sur les cours du blé pour en tirer le meilleur prix  d’un produit qu’ils ne voient même pas en le réservant pour nourrir les français !

La mondialisation montre ses limites seul avantage de cette crise ukrainienne qui forcera peut être à nos dirigeants de tous bords à faire une politique alimentaire et économique privilégiant le bénéfice de survie pour lutter contre la famine de certains pays pauvres plutôt que d’être obligé de se réarmer pour défendre l’intégrité et la liberté de ses habitants contre des dictateurs dangereux qui avilissent ou asservissent  des peuples pour agrandir leurs empires perdus pour avoir plus de pouvoir absolu !

(Sans compter le mysticisme religieux terroriste dévastateur qu’il ne faut pas oublier !?)

En fait depuis les dernières grandes guerres mondiales (et autres diverses moins importantes après) les sociétés humaines mondiales dérapent environ depuis tous les trente ans !

Il serait plus que temps que cela change car les hommes qui sont semble-t-il en haut de l’échelle des espèces vont arriver à s’auto détruire bien avant le risque du dérèglement climatique !?

Et surtout arrêter de donner trop de pouvoir à un seul homme même dans nos société libres et démocratiques car ils se prennent pour des monarques absolus réminiscence de nos monarchies anciennes de 2000 ans !

Jdeclef 30/03/2022 12h23LP

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