Les députés En marche sont-ils vraiment
des cancres ?
Comment mesurer les
activités d'un député ? Avant de juger, il conviendrait de s'interroger
sur ce que l'on peut attendre de nos élus. Tribune.
Les
élections de 2017 ont conduit à un renouvellement massif de l'Assemblée nationale.
On a vu arriver au Palais-Bourbon des légions de députés, notamment LREM (La
République en marche), souvent dépourvus d'expérience politique préalable,
davantage représentatifs de la société en termes de genre et de profil
socio-professionnel que leurs prédécesseurs. Leur élection s'est accompagnée de
l'encadrement étroit ou de la suppression de ressources-clés de la
professionnalisation des responsables politiques : cumul des mandats,
emploi de proches, réserve parlementaire, indemnité pour frais de mandat,
régime de retraite spécial.L'objectif d'une limitation de la professionnalisation des élus et d'un renouvellement de la classe politique, plébiscité par les citoyens, est en partie atteint. On commence néanmoins à voir fleurir des classements des « meilleurs députés » qui font mine d'ignorer ces évolutions et déplorent que les novices soient, six mois après leur élection, encore dans une phase d'apprentissage de leur rôle. La transparence de la vie politique et le travail de collecte des données opéré par certaines ONG, telles que Regards citoyens, permettent en effet à des journalistes de bricoler à peu de frais de tels classements. Le site Capital.fr propose ainsi une étude qui tend à conclure que les élus En Marche sont globalement peu investis dans leur mandat, que ceux de l'ancienne génération s'en sortent mieux, et que seuls les Insoumis se montrent réellement actifs. Le problème est que cette étude se singularise par son extrême indigence, et ce à trois égards au moins.
Des
biais méthodologiques considérables
En
faculté de sociologie, l'étude vaudrait un zéro pointé à un étudiant de
première année. Seuls le taux de présence en commission, le nombre de prises de
parole en commission et en plénière, et le nombre d'amendements déposés –
curieusement assorti d'un « coefficient 2 » – sont pris en compte. La
rédaction de rapports ou de propositions de loi, qui constitue la tâche la plus
noble à l'Assemblée, est simplement ignorée ; de même, la participation
des députés à des commissions d'enquête, missions d'information ou délégations
est passée sous silence. Les auteurs semblent également ignorer qu'un
vice-président de l'Assemblée, un président de commission ou un président de
groupe aura peu de temps à consacrer à d'autres activités. Les questions,
instrument clé du contrôle de l'activité gouvernementale, sont pareillement
oubliées.Toute approche qualitative est, par ailleurs, exclue : l'amendement qui modifie profondément un texte sera comptabilisé à égalité avec ceux déposés par dizaines à des fins dilatoires ; un discours substantiel, commentant en détail un texte en cours d'élaboration, ne comptera pas davantage qu'une intervention intempestive. Les auteurs donnent ainsi une prime arbitraire aux férus de la prise de parole à tout propos ou aux maniaques du dépôt d'amendements de suppression. L'étude ne prend même pas en considération les scores effectifs de chaque élu : ils servent juste à établir quatre classements ordinaux qui sont ensuite compilés sous la forme d'un score global.
L'étude passe aussi complètement sous silence les activités que les députés déploient dans leurs circonscriptions respectives, alors même que cette dimension du mandat est centrale en France. Le député est certes celui de la Nation et non d'une circonscription donnée, mais on attend néanmoins de lui qu'il s'y investisse et la fin du cumul des mandats est loin d'avoir gommé cette attente. Comme le député ne peut plus jouer sur la confusion de ses mandats, et s'appuyer sur les ressources dont il dispose en tant que président de collectivité (ville, intercommunalité, département ou région) pour affirmer sa présence dans sa circonscription, il doit y déployer des activités spécifiques très chronophages.
L'Assemblée
est un orchestre symphonique, pas un bataillon
En
second lieu, ce genre de « top-577 » part du principe que l'Assemblée
nationale doit être conçue comme un ensemble uniforme d'élus remplissant les
mêmes fonctions et disposant des mêmes compétences. Or, dans les démocraties
avancées, toutes les assemblées parlementaires sont composées de membres qui
jouent différents rôles, comme le font les musiciens d'un orchestre symphonique.
Tous doivent être présents, investis et préparés, mais le percussionniste ne
doit pas intervenir à tout propos et un second violon ne doit pas disputer son
rôle au soliste.À l'Assemblée, il faut des tribuns, des spécialistes du budget, des experts des affaires européennes, des as du règlement intérieur, des présidents de commission, ou encore des connaisseurs du droit social. Nul ne peut prétendre maîtriser tous ces domaines à la fois, et les députés sont amenés à se spécialiser, en fonction de leurs compétences, expériences et centres d'intérêt.
Que
recouvre le mandat de député ?
Plus
largement, ce hit-parade brille par l'absence de réflexion sur ce qu'est la
représentation parlementaire. Avant de mesurer les activités d'un député, il
faudrait s'interroger sur ce que l'on peut attendre de lui. Ni la Constitution,
ni les lois, ni le règlement de l'Assemblée ne définissent avec précision la
nature du mandat parlementaire. C'est pourquoi on a vu se développer des styles
de représentation très variés, qui tiennent certes au degré d'implication, de
sérieux et de compétence des élus, mais aussi à des facteurs tels que leurs
convictions, leur expérience politique, leur expertise, leur notoriété, leurs
centres d'intérêt ou les caractéristiques de leur circonscription. En somme,
tous les députés n'ont pas la même conception de leur mandat. Les opportunités
qui s'offrent à eux au Palais Bourbon ne sont en outre pas égales, selon qu'ils
jouissent ou non d'une expérience politique et parlementaire, qu'ils sont influents
ou non dans leur groupe, ou qu'ils appartiennent ou non à la majorité.On ne peut donc imposer une conception univoque de ce que devraient être les activités d'un parlementaire. Le député de la France Insoumise qui dépose des amendements par dizaines dans le seul but de ralentir l'adoption d'une loi, répond aux attentes de ses électeurs : s'opposer au gouvernement. Le député d'En Marche novice, qui participe aux activités de l'Assemblée sans se faire remarquer, remplit le mandat qui lui a été confié : soutenir le gouvernement. Le député Les Républicains qui s'exprime quotidiennement dans les médias au nom de sa formation politique, fait ce que ses électeurs espèrent de lui : porter la voix de la droite. Chaque élu agit à sa manière, et l'ensemble de ces approches et comportements permet à la représentation nationale d'être un miroir des opinions qui s'expriment dans la société.
En outre, les auteurs de l'étude de Capital.fr développent, comme on l'a dit, une vision très centralisée du mandat parlementaire, ignorant que les activités d'un député se déploient aussi à l'échelle de la circonscription. Et, là encore, les comportements présentent une grande variété, selon le profil et les choix de l'élu, et un ensemble de contraintes et ressources qui ne dépendent pas de lui. Les simples impératifs de transport entre la circonscription et l'Assemblée auront une incidence sur la manière dont le député partagera son temps entre ces deux lieux – si l'on pense notamment aux députés de l'outre-mer ou des Français de l'étranger. Ensuite, ce travail de terrain est beaucoup plus exigeant pour le député novice élu dans une vaste circonscription rurale, qu'il devra sillonner sans relâche pour s'y faire connaître, que pour un député parisien déjà bien connu, qui ne s'astreindra qu'à un niveau minimal d'activité en circonscription.
Pour
une approche plus subtile de l'évaluation des députés
Les
députés font, à l'évidence, preuve de plus ou moins de sérieux dans l'exercice
de leur mandat, et on trouve en queue de classement les noms de députés dont le
manque d'ardeur pour la chose parlementaire est bien connu. Il est aussi
manifeste que certains néophytes découvrent que leur mandat est bien plus
exigeant qu'ils ne le pensaient. Il est néanmoins injuste de stigmatiser
certains parlementaires sur la base d'une évaluation partielle et purement
statistique de leurs activités, qui donne une prime arbitraire à des élus qui
manifestent un empressement de façade.Il faut aussi faire droit au travail de fond que mènent les élus dans le cadre de la rédaction de rapports ou de la participation à des missions d'information, à la qualité des interventions et amendements des uns et des autres, et à l'exercice par certains de responsabilités très prenantes au sein de l'Assemblée ou de leur groupe. On note ainsi que le président de l'Assemblée François de Rugy, de même que les présidents des groupes LREM Richard Ferrand et LR Christian Jacob, figurent parmi les « cancres » de l'Assemblée, en pointant respectivement aux 318e, 435e et 417e rangs : pourtant, qui peut douter de leur investissement ? Jacques Bridey (LREM), président de la commission de la Défense, écope lui aussi d'un piteux 245e rang.
Un
manque de sérieux des députés, vraiment ?
Six
mois après les élections législatives, il convient enfin de respecter le choix
des nombreux élus novices qui ont l'humilité et la prudence de vouloir
apprendre avant d'agir. La politique n'est pas une profession et doit par
principe être accessible à tous les citoyens. Ceci étant, exercée à un certain
niveau, elle requiert des connaissances et des compétences, et ne souffre pas
l'improvisation. Il est donc logique, et même louable que les élus les moins
expérimentés se montrent, dans un premier temps, les moins actifs – mais pas
les moins investis.On pourrait faire abstraction de ce type d'études ou s'en gausser. En définitive, ceux qui dénoncent le manque de sérieux des députés en agrégeant à la hâte quelques données recueillies par d'autres affirment leur dilettantisme et leur méconnaissance du sujet. Mais il ne faut pas sous-estimer l'impact de tels classements sur le regard que portent les citoyens sur leurs élus, et sur les pratiques de ceux-ci. En la matière, il existe des précédents fâcheux.
Intégrer
les contraintes des députés
Des
classements similaires ont amené, il y a dix ans déjà, les parlementaires
européens à modifier leurs priorités. Ainsi, les représentants du FN au
Parlement européen ont significativement amélioré leurs scores en développant
une stratégie utilitariste de présence en plénière et en commission, et de
dépôt massif d'amendements et de questions, alors même que leur contribution au
travail parlementaire reste marginale. La démocratie n'a rien à gagner à ce que
les élus s'engagent dans une course effrénée au dépôt de questions ou
d'amendements, rédigés à la chaîne par des assistants parlementaires, ou à la prise
de parole à tout propos afin de progresser dans ces piteux dispositifs.Il importe que l'analyse des activités des députés se fasse avec quelque subtilité. La lecture du bilan de chaque élu, en marge de toute tentative de classement, éclaire utilement le citoyen sur son degré d'investissement dans son mandat. Une évaluation comparée doit, pour sa part, rendre compte de la complexité du fonctionnement de l'Assemblée nationale, en intégrant les contraintes et ressources qui s'appliquent à chaque membre, ainsi qu'une analyse qualitative de ses diverses activités.
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Venant
d’horizon diffèrent et notamment de la société civile ou ils avaient un travail
par exemple dans des sociétés privées ou
autres on peut supposer qu’ils étaient utiles et simplement instruits comme
tout un chacun selon leurs qualités professionnelles et les études qu’ils ont
suivi ?
Par
contre s’ils n’y connaissent rien au niveau politique, ils peuvent être
considérés comme novices pour autant que le qualificatif cancre semble exagéré !
Mais
ce qui est regrettable, c’est qu’être député n’est pas fait seulement pour
grossir les rangs de la majorité présidentielle et voter des lois issues du
gouvernement comme des « godillots » ou petits soldats disciplinés
comme on les appelle et s’ils ne servent qu’à ça, c’est une escroquerie
intellectuelle du pouvoir en place envers les français que bien de partis
majoritaires ont utilisé dans le passé, mais comme ceux-ci ne semblent pas
connaitre ou peu grand-chose à la politique alors là, il peuvent passer pour
des « cancres » qui viennent se réchauffer à l’assemblée, c’est même
là qu’on les reconnait…
La
seule différence, mais elle est de taille pour la majorité d’entre eux, c’est
qu’ils n’étaient pas issu du monde politique médiocre français, ça change, mais
sert à E.MACRON l’opportuniste qui lui aussi ne venait pas vraiment de cette
ancienne classe politique sclérosée !
Le
changement c’est bien, mais n’a pas forcement que des qualités, mais il faut
l’assumer ?!
Mais
de toute façon le président veut dégraisser les assemblées notamment le nombre
de parlementaires, peut être « les nuls ou cancres » va savoir
(LOL ?!)
Jdeclef
06/01/2018 14h13 LP
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